“Je suis partagé entre une grande fierté et le syndrome de l'imposteur”, Edouard Schmitz
Étoile montante du saut d’obstacles suisse, Edouard Schmitz ne cesse de briller, depuis plusieurs mois, sur la scène internationale. Vainqueur de son premier Grand Prix 5* la semaine passée à Dublin avec Gamin van’t Naastveldhof, le jeune homme est en passe de devenir un pilier helvétique. Sélectionné pour sa première échéance en équipe Sénior à l’occasion des championnats du monde d’Herning, le très sympathique cavalier n’a pas démérité et n’attend désormais qu’une chose: revêtir à nouveau la veste rouge. Pour GRANDPRIX, celui qui a fêté ses vingt-trois ans au Danemark est revenu sur ces derniers évènements et ses objectifs, des étoiles plein les yeux.
Vous avez remporté votre tout premier Grand Prix 5* à Dublin le week-end passé, comment vous sentez-vous ?
Je suis partagé entre une grande fierté et le syndrome de l’imposteur. Je n’aurai pas pu rêver d’un meilleur endroit que Dublin pour cette grande première. C’est un concours légendaire lors duquel le public a mis une ambiance dingue, d’abord pendant la Coupe des nations puis à nouveau lors du Grand Prix. C’était vraiment quelque chose de spécial.
Vous avez même réussi à devancer les Irlandais, vous attendiez-vous à une telle victoire ?
Non, Conor (Swail, réputé pour être extrêmement rapide, ndlr) partait deux cavaliers après moi au barrage. Quand j’ai pris la tête, je pensais qu’il était possible d’aller plus vite et que lui, notamment, y parviendrait. Pourtant, la particularité des sports équestres fait que la chance m’a souri cette fois-ci. Ce jour-là, toutes les planètes étaient alignées pour que j’obtienne cette victoire.
Comment avez-vous trouvé votre cheval, Gamin van’t Naastveldhof (SBS, Tannenhof’s Chacco Chacco x Toulon) ?
Je l’ai trouvé tout simplement phénoménal, comme toujours. J’ai un faible pour lui depuis qu’il est arrivé chez moi (en 2020, ndlr). J’y ai toujours cru dur comme fer et je suis heureux qu’il ait pu montrer à tout le monde que j’ai eu raison de croire qu’il était bon.
De manière générale, comment avez-vous trouvé le concours ? Dublin a une certaine identité, non ?
C’est difficile à décrire, toute l’histoire de ce concours se ressent, notamment à travers les gradins un peu vieux dans ce stade avec ce magnifique terrain en herbe… Ce qui fait le charme de ce concours est son public. Même lors de plus petites épreuves, les tribunes sont presque remplies. Le bruit qu’a provoqué le franchissement de la ligne finale par Conor Swail lors de la Coupe des nations était phénoménal (l’Irlandais a offert la victoire à son équipe, au barrage face à la France, ndlr)… Je n’ai jamais entendu un tel rugissement. C’est fantastique de pouvoir vivre des moments comme ceux-là.
Lorsqu’un Irlandais entrait sur la piste, c’était incroyable. J’étais au paddock pendant la Coupe des nations mais nous entendions toujours tout comme si nous étions au milieu de la piste dès qu’un Irlandais passait, alors même que la détente se trouvait à environ 600m.
“Il faut être un couple monstrueusement performant pour obtenir une médaille en championnat”
Il y a deux semaines, vous avez participé à votre première échéance mondiale à Herning, comment l’avez-vous vécue ?
C’était déjà une immense satisfaction pour moi de faire partie de cette équipe. Bien sûr, une fois là-bas, nous avons envie de contribuer au maximum. Mes résultats ont souvent compté, il m’a manqué un peu de réussite mais je suis globalement très satisfait de mes parcours. Si je devais refaire mes tours, je pense que je ne changerai presque rien. Je pense que Quno (Holst, Quo Vados I x Cashandcarry) et moi avons globalement fait du très bon travail. Il ne nous reste plus qu’à travailler pour les prochaines échéances afin d’obtenir plus de réussite.
La Suisse n’a pas obtenu le résultat escompté, terminant huitième, y a-t-il eu de la déception ?
Oui, naturellement. En analysant le résultat global de l’équipe, sur huit parcours de Coupe des nations, nous en avons eu trois à quatre points. Nous avons réalisé de nombreuses petites fautes qui auraient pu être évitées. Malheureusement, c’est le sport. Il est dommage que cela arrive à ce moment mais nous avons globalement tous montré de bonnes choses. Ce sera pour une prochaine fois.
Vous avez fêté vos vingt-trois ans le jour de la finale par équipes, était-ce tout de même un beau cadeau que de représenter son pays le jour de son anniversaire ?
Bien sûr. Si on m’avait dit, lorsque j’étais enfant, que je fêterai mon anniversaire là-bas en portant la veste rouge, je pense que j’aurais fait une crise d’épilepsie (rires, ndlr) ! C’était un moment inoubliable. Toute ma famille était présente donc nous avons diné ensemble mais c’est vrai que nous n’étions pas trop d’humeur à faire la fête ce jour-là. Cependant, Pius fêtait son anniversaire le lendemain donc nous en avions deux à célébrer, ce qui était assez sympathique.
Comment avez-vous senti Quno tout au long de la semaine ?
Je peux toujours compter sur lui, je pense que c’est l’une de ses meilleures facettes. Quand j’ai besoin qu’il soit au rendez-vous, il y est. Je l’ai senti vraiment présent toute la semaine, il a tout donné. Je peux seulement lui être infiniment reconnaissant.
Y a-t-il une leçon que vous avez tirée de ce championnat ? Pour une première expérience, le niveau était vraiment très relevé, avec des parcours difficiles…
Quand j’ai reconnu le parcours le vendredi soir, j’avais les genoux qui tremblaient un peu (rires, ndlr) ! Mais je pense que cela a été pareil pour tous les cavaliers lors de leur premier championnat. Je peux affirmer que nous avons vu, à travers ce championnat, l’importance du couple. Il ne faut pas seulement que le cavalier et le cheval soient au niveau, il faut former un couple extrêmement performant. Les trois médaillés individuels (Henrik von Eckermann, Jérôme Guery et Maikel van der Vleuten, ndlr) sont des duos que nous voyons toujours au rendez-vous depuis quelques années. S’il y a une leçon à retenir de ces championnats du monde d’Herning, c’est qu’il faut être un couple monstrueusement performant pour obtenir une médaille dans ce genre de championnat.
Ces championnats ont également été l’occasion de revoir votre compatriote Pius Schwizer lors d’une grande échéance, que pensez-vous de son retour ?
Pius est une personne très sympathique et un très bon élément. C’était un sentiment spécial parce que c’est quelqu’un que j’ai beaucoup vu sur les terrains de concours quand j’étais tout petit. À l’époque, il était numéro un mondial (au début des années 2010, ndlr), c’était quelqu’un de très connu et que nous admirions énormément. Faire partie d’une équipe avec lui est extraordinaire et un sentiment très spécial. Il a une nouvelle fois démontré tout son talent, il ne monte pas Vancouver depuis très longtemps (l’ancien complice de Pénélope Leprévost a rejoint le Suisse au mois de mars, ndlr) mais ils ont tous les deux montré des choses formidables. J’ai été honoré d’être avec lui.
Que vous ont apporté vos coéquipiers tout au long de la semaine ? Faire équipe avec Steve Guerdat et Martin Fuchs doit être très formateur…
C’est certain. Ils ont tous les deux énormément d’expérience en championnat et le fait de pouvoir m’imprégner d’une petite partie de leur savoir accumulé au cours des échéances était un atout. J’espère que j’aurais l’occasion d’utiliser cela dans le futur.
De manière plus générale, qu’avez-vous pensé des médaillés individuels et par équipes ?
Il n’y a eu aucune surprise selon moi, hormis peut-être la remontée des Néerlandais (qui ont terminé deuxième, ndlr). Si nous ne parlons que des médailles d’or (remportées par la Suède et Henrik von Eckermann et King Edward, ndlr), il n’y a eu aucune surprise, que ce soit par équipes ou en individuel. Nous aurions pu envisager d’autres couples mais ceux qui ont été célébrés ne sont pas surprenant. Les Britanniques (médaillés de bronze, ndlr) ont été très en forme cette année et ont montré de très bonnes choses avec leurs chevaux alors je n’ai pas été spécialement étonné, même s’il faut les saluer pour avoir su se ressaisir après une première manche difficile. La Suède a totalement dominé, il n’y a aucun doute là-dessus.
Avez-vous des regrets ?
Non, aucun. Je crois que nous avons fait une bonne préparation, mon cheval était très en forme et je n’ai pas fait trop de bêtises non plus. Nous avons réalisé un très bon travail. Il y a toujours de petites choses à travailler mais participer à mon premier championnat était déjà, pour moi, un gros morceau à avaler. Nous pouvons être heureux de la manière dont cela s’est déroulé, tout le monde a rempli son contrat.
“Je pense que tous les athlètes mentent lorsqu’ils disent ne pas penser aux Jeux olympiques”
Comment vont se profiler les prochains mois ?
La prochaine grosse échéance va être le CSIO 5* de Calgary Spruce Meadows (au Canada, du 7 au 11 septembre, ndlr), où je vais me rendre avec Quno et Gamin. Je n’ai pas encore défini mon planning pour la suite. J’aimerais beaucoup pouvoir reporter la veste rouge pour certaines compétitions comme Barcelone (où se déroulera la finale des Coupes des nations Longines fin septembre, ndlr) mais cela sera au sélectionneur de décider s’il a besoin de moi ou non.
Cet hiver, la Coupe du monde sera-t-elle dans votre ligne de mire ?
Cela sera aussi à voir avec le sélectionneur mais j’aimerais beaucoup participer à quelques étapes à nouveau, comme j’avais eu la chance de le faire l’année passée. Je ne vise pas encore à la finale mais je me connais, une fois que je serai sur le circuit, j’y penserai.
Maintenant que vous avez goûté à la veste rouge, les championnats d’Europe de 2023 doivent être un de vos objectifs… peut-être même les Jeux olympiques de Paris 2024 !
Il est certain que c’est dans un coin de ma tête mais avec les sports équestres, tout peut basculer très vite. Il faut garder la tête froide, continuer à travailler et avancer étape par étape.
Je pense que tous les athlètes mentent lorsqu’ils disent ne pas penser aux Jeux olympiques, et je ne fais pas exception à la règle. Gamin aura douze ans et sera au top de sa forme d’ici là tandis que Quno aura quinze ans, les deux seront encore dans le coup.
En dehors du microcosme équestre, les choses sont assez alarmantes d’un point de vue écologique, notamment avec la canicule et les nombreux incendies qui se sont produits cet été, qu’en pensez-vous ?
La situation écologique est alarmante pour tout le monde. Chacun doit essayer de contribuer, à son échelle, pour tenter de résoudre ces problèmes. Je n’ai pas un avis plus défini mais il est évident que nous devons agir.
Avez-vous, personnellement, des petits gestes quotidiens pour limiter votre impact écologique ?
Je n’ai malheureusement pas de solution miracle. Cela passe par le recyclage, le fait d’essayer de ne pas utiliser trop d’eau, des petits gestes du quotidien… Les zones les plus touchées par ces problèmes ne sont cependant pas celles dans lesquelles j’ai une influence directe, dans le sens où tous les incendies qui ont ravagé des terres cet été ne se sont pas produits en Suisse. Bien sûr, d’une manière globale, il est important d’essayer de contribuer et de montrer l’exemple mais tout le monde devrait revoir ses gestes, notamment ceux vivant dans les endroits les plus frappés par la sécheresse. C’est toujours facile à dire au bout du téléphone, alors même que je ne me sens pas directement impacté en Suisse, mais bien sûr que c’est alarmant et que chaque petit geste compte.