Mon cheval peut-il se moquer de moi ?

En loisir comme en compétition, en équitation, certains préjugés ont la vie dure. Si le cheval est un animal éminemment sensible, lui prêter des intentions incompatibles avec sa nature peut constituer une entrave au bon développement de la communication entre humains et équidés. Andy Booth, cavalier et enseignant, défenseur d’une approche éthologique de l’équitation, fait part de sa vision.



Quel cavalier n’a jamais soupçonné son cheval de feindre la peur pour échapper au travail ou d’être de mauvaise volonté lorsque celui-ci refuse d’effectuer un exercice? À tous les niveaux, certaines croyances persistantes constituent souvent des réponses toutes faites à la plupart des problèmes rencontrés au cours de la vie d’un couple cavalier-cheval. Néanmoins, gare aux interprétations hâtives. En effet, il est une réalité scientifique qui mérite d’être connue. Chez l’Homme, le cortex préfrontal permet de tisser des liens entre le passé et le présent, d’imaginer le futur, d’établir des plans et de raisonner. Cette région située sur la partie antérieure du cerveau a notamment un effet profond sur la prise de décisions. Contrairement aux humains, les chevaux ont un cortex préfrontal très peu développé. Ils ne disposent donc pas de la faculté à faire semblant. “S’il est important de prendre en compte les capacités cognitives d’un cheval, respecter ses incapacités l’est tout autant. Parmi celles-ci, il y a l’incapacité de mauvaise intention. Pour un cheval, la notion de ce qui est correct, incorrect, bien ou mauvais n’existe pas”, explique Andy Booth. “À notre époque, je pense que l’anthropomorphisme (le fait d’attribuer aux animaux des comportements propres à l’humain, ndlr) est omniprésent au sein des relations que nous entretenons avec les animaux”, poursuit le célèbre enseignant. “En équitation, nous sommes davantage obnubilés par la technique équestre que par la manière d’éduquer l’animal. Pourtant, je pense que la connaissance du cheval devrait être la base de tout”, estime l’Australien, installé de longue date en Gironde. “L’absence de science laisse la porte grand ouverte à tout type de croyances, dont peuvent découler de mauvaises interprétations. Dire d’un cheval qu’il ‘fait son cinéma’, par exemple, en fait partie.”



Comprendre et se faire comprendre

Doté d’une excellente mémoire visuelle, le cheval est capable de repérer très facilement les modifications de son environnement. Cela explique, par exemple, le fait qu’il puisse effectuer un écart à proximité d’un objet qui ne l’effrayait pas la veille, pour peu que celui-ci ait changé de position pendant la nuit. De nombreuses réactions peuvent également s’expliquer par un inconfort physique. S’assurer que l’équidé ne souffre d’aucune douleur constitue donc la première étape de toute démarche. Néanmoins, dans de nombreux cas, c’est bel et bien le cavalier qui est à l’origine des mauvais comportements. “Ceux-ci peuvent traduire de l’incompréhension, lorsque les fondations de la communication ne sont pas assez bien établies, mais cela peut également provenir du fait que, sans le vouloir, les gens éduquent les chevaux à adopter les comportements qu’ils cherchaient initialement à éviter”, indique Andy Booth.
À défaut de pouvoir raisonner, le cheval apprend par l’expérience. “Par exemple, si mon cheval se déplace lorsque je lui applique de l’anti-mouches et que je cesse instantanément de le vaporiser, il comprend que l’action s’arrête dès qu’il bouge. La fois suivante, il bougera dès que j’aurai la bouteille à la main. Cela revient donc à provoquer le problème, puis à le renforcer. De la même manière, si l’on monte avec beaucoup d’actions de jambes et de mains en balade et qu’on relâche toute contrainte dès que le cheval effectue un mouvement de peur, pour tenter de le rassurer, il va trouver que sa situation s’améliore lorsqu’il fait un écart et risque donc d’en refaire, sans que j’en identifie forcément la cause", illustre-t-il. En résumé, s’il considère qu’une attitude ou un comportement lui profite, le cheval sera, à coup sûr, tenté de le répéter. “Bien souvent, les mauvais comportements sont en fait des réponses apprises”, ajoute Andy Booth. 
À l’heure où l’équitation doit plus que jamais faire preuve de transparence pour demeurer une pratique acceptable aux yeux du grand public, l’homme de cheval estime que les modes de pensée doivent changer. “Nous devrions faire attention au langage que nous employons, notamment lorsque nous disons d’un cheval qu’il est ‘irrespectueux’. Cela sous-entend que le problème vient du cheval. Or, généralement, le seul problème des chevaux est d’être mal éduqué, ce qui relève de la responsabilité du cavalier”, souligne-t-il. “Au départ, le cheval n’a aucun intérêt à embêter son cavalier, ni à lui faire plaisir. En revanche, si nous faisons en sorte qu’il trouve du confort lorsqu’il répond correctement à nos demandes, tout devient plus simple. Il ne s’agit pas nécessairement de pratiquer assidûment l’éthologie, mais simplement d’emprunter le point de vue de l’animal afin de comprendre comment il fonctionne.” Quels que soient le niveau et la discipline pratiquée, bénéficier régulièrement d’un regard extérieur demeure le meilleur moyen de conserver une conscience éveillée.