Plaidoyer pour un chef de piste français aux JO de Paris 2024

À un peu moins de deux ans de la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024, on ne connaît pas encore le nom du chef de piste qui aura l’honneur d’imaginer les parcours des épreuves de saut d’obstacles, discipline reine de l’équitation, qui plus est en France. La décision, attendue fin août, a été ajournée.



Depuis le 25 février 2022, on connaît l’identité de son homologue chargé du parcours de cross. Il s’agit du Français Pierre Le Goupil, constructeur chevronné, à l’œuvre notamment au Grand Complet, au Pin-au-Haras, hôte des championnats d’Europe de 2023, et aux Internationaux de Lignières-en-Berry. Une juste récompense pour ce Normand passionné et compétent, qui siège désormais au comité technique de concours complet de la Fédération équestre internationale (FEI). Une promotion qui fait suite à celle de Pierre Michelet, auteur d’un cross épatant aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, en 2016.



En jumping, aussi dingue que cela puisse paraître, jamais un Français n’a été désigné metteur en scène des épreuves olympiques. Jamais, ou en tout cas plus depuis les Jeux de Paris… 1924! Est-ce à dire que la France n’a pas su former de chefs de piste suffisamment talentueux et fiables pour endosser une telle mission? Sûrement pas, mais on a souvent reproché aux Tricolores de ne pas bien parler anglais, de ne pas assez officier à l’étranger, etc. Cette décision étant toujours éminemment politique, sans doute “n’avaient-ils pas la carte”, comme on le disait au XXe siècle. Au fil de l’histoire olympique, on a souvent vu nommés des hommes – une seule femme a officié à ce poste, l’Américaine Linda Allen, en 1996 à Atlanta – issus des nations organisatrices des Jeux. Pour le reste, la FEI a le plus souvent accordé sa confiance à des Britanniques et Allemands. À noter que deux Messieurs ont eu l’insigne honneur de vivre cette expérience à deux reprises: l’Allemand Olaf Petersen, en 1988 à Séoul et 2004 à Athènes, et le Vénézuélien Leopoldo Palacios, en 2000 à Sydney et 2008 à Hong Kong.



La France, première nation organisatrice de concours hippiques au monde, offre à ses officiels motivés plus d’opportunités qu’aucun autre pays de se former et de gravir les échelons d’une hiérarchie allant des épreuves Club au statut de course designer international 4*. Dans ce collège rassemblant l’élite mondiale, on compte deux Français. Le premier est Frédéric Cottier, multimédaillé international avec son inséparable Flambeau C, longtemps à l’œuvre au CSIO 5* de La Baule et qui avait goûté la chance de concevoir les tracés des Jeux équestres mondiaux de Normandie, en 2014 à Caen, tout en participant à la création des obstacles. D’ailleurs, cet événement reste “LA” référence en matière d’imagination et de design. Le second est Grégory Bodo, qui a rejoint ce club select en décembre 2019, et qui a succédé cette année à Frédéric Cottier à La Baule, tout en officiant au CSI 5*-W de Lyon et aux CSI 5* de Ramatuelle et Paris pour n’en citer que quelques-uns. Longtemps, les plus célèbres organisateurs français avaient préféré confier cette charge à des étrangers, l’Allemand Frank Rothenberger et l’Italien Uliano Vezzani en tête. Depuis quelques années, à la faveur de l’émergence de Grégory Bodo, mais aussi de l’expérimenté Jean-François Morand, officiant avec brio aux CSI 5* de Dinard et 5*-W de Bordeaux, et du jeune Cédric Longis, particulièrement plébiscité par les organisateurs de l’Hubside Jumping, cette tendance s’est inversée, et il faut s’en réjouir à bien des égards.



En clair, plus rien ne s’oppose à la nomination d’un Français au titre ô combien prisé de chef de piste des Jeux olympiques de Paris 2024. Les aspirants étrangers sont nombreux, Louis Konickx en tête, mais ses parcours des récents championnats du monde de Herning, où le sport n’en a pas moins été passionnant, n’ont pas toujours convaincu, entre une Chasse sans option ni relief, une finale par équipes un poil trop corsée et une première manche de finale individuelle plutôt insipide.

Dessiner un tracé, choisir les bons chandeliers, barres et soubassements, déterminer la forme idoine et les justes cotes des obstacles, ainsi que la configuration des combinaisons, l’emplacement de la rivière et des bidets, sans oublier le temps imparti, requiert une science, un savoir-faire, une vista et un feeling qui ne sont pas donnés à tout le monde. La frontière entre un parcours génial, sublimant une épreuve, et un parcours raté, invitant à l’ennui ou suscitant la controverse, est infime; et, disons-le, il n’existe pas de recette miracle. Même Grégory Bodo, homme réfléchi, rationnel, inspiré et à l’écoute de ses pairs, n’est pas infaillible. Pour autant, à compétences égales, qu’il a déjà prouvées à maintes reprises, avec ses concurrents, il mérite vraiment la confiance de la FEI. Dans le cas contraire, la France devra peut-être attendre un siècle de plus avant d’obtenir cette distinction tout sauf anecdotique…