“Je crois beaucoup en ce que nous sommes en train de mettre en place”, Émilie Morichon

Directrice de la Société hippique française depuis juillet 2021, soit un peu plus d’un an, Émilie Morichon revient sur l’édition 2022 de la Grande Semaine de l’élevage, qui s’est achevée dimanche à Fontainebleau. Elle évoque également les évolutions à venir, dont un changement de la date historique de cette manifestation en 2023.



Quel bilan global tirez-vous du cru 2022 de la Grande Semaine de l’élevage de Fontainebleau?

Il est très positif. Il y a beaucoup d’éléments à mettre en avant cette année. D’abord, il faut féliciter les éleveurs et cavaliers pour la qualité des chevaux qui ont été présentés. Nous avons resserré les qualifications cette année et avons retenu moins de chevaux que les années précédentes. Nous n’avions que deux pistes (ce qui sera encore le cas en 2023, ndlr), ce qui nous a obligés à revoir notre mode de sélection. Nous avons accueilli deux cent cinquante chevaux de quatre ans, trois cent cinquante de cinq ans et deux cent cinquante de six ans. Les meilleurs du top cent sont venus, ce qui est très positif. Il y avait une excellente qualité de chevaux et une belle équitation, ce qui est important parce que nous constatons depuis quelques années que les professionnels du commerce viennent de tous horizons.

De fait, la Grande Semaine est un rendez-vous majeur pour le commerce de jeunes chevaux…

Aujourd’hui, il est incontournable parce qu’il y a une véritable qualité de chevaux, d’équitation et de parcours. C’est une vraie réussite. Sur le site, il y avait une personne bilingue pour accueillir les étrangers. Beaucoup de personnes, venues de nombreux pays, sont venues à Fontainebleau. Nous le ressentons et essayons de nous adapter au mieux pour faciliter la mise en relation entre l’offre et la demande. On sait très bien que les parkings demeurent un point difficile à gérer à Fontainebleau. C’est pourquoi nous avons mis en place un service gratuit de navettes sur le parking de la Salamandre et sur le nouveau parking de Montmorillon. L’arrivée est importante pour l’entrée en matière alors nous avons essayé de soigner cet aspect.

Le dimanche soir, après les épreuves, plusieurs chevaux ont encore été essayés par des marchands étrangers. On ne saura jamais combien de chevaux sont vendus pendant la Grande Semaine, mais s’il y a autant de marchands importants, c’est qu’il y a une véritable activité commerciale. D’ailleurs, par rapport à l’an passé, j’ai trouvé que les marchands étaient là dès les épreuves des chevaux de quatre ans, alors qu’ils venaient souvent plus tard dans la semaine, se concentrant sur les finales des cinq et six ans.

D’une manière générale, la fréquentation a été très bonne, au moins aussi bonne qu’en 2021, ce qu’ont confirmé les exposants et l’occupation des parkings.

Quid des finales du Cycle libre, programmées comme toujours le premier week-end?

Nous sommes très satisfaits, d’autant que le nombre de chevaux engagés soit reparti à la hausse en 2022, ce qui n’était évident dans la conjoncture actuelle. Le Cycle libre touche un autre public, qui a toute sa place dans la politique de la SHF, parce que les éleveurs ne produisent pas que les champions de demain, mais aussi des chevaux destinés à des cavaliers amateurs. Là aussi, il y a eu du commerce. Les deux temps forts que sont les finales du Cycle libre et celles du Cycle classique, répondent aux besoins des éleveurs. C’est très complémentaire, et nous devons continuer à promouvoir le Cycle libre.



Au stade équestre du Grand Parquet, seul le Terrain d’Honneur, objet d’une nouvelle réfection jusqu’en 2024, est entouré de tribunes. Avez-vous songé à installer des tribunes couvertes autour de la Carrière des Princes et/ou du Petit Parquet?

D’abord, il faut dire que nous disposons d’un outil extraordinaire grâce aux aménagements déjà réalisés, à la qualité des pistes et au savoir-faire de l’équipe du Grand Parquet. Concernant les tribunes, nous y avons effectivement réfléchi. Lors du Printemps des sports équestres (nouvel événement accueillant notamment le Master Pro et un CSI 4*, ndlr), GL events avait installé des tribunes supplémentaires, mais cela représente un coût exorbitant pour la SHF.

Même si nous sommes très satisfaits de cette édition, il y a encore de nombreuses pistes d’amélioration, notamment au niveau de l’accueil des participants et des visiteurs. Pour les visiteurs, des tribunes couvertes serait un plus, tant que le Terrain d’Honneur est indisponible. Nous allons essayer d’envisager quelque chose, mais sans garantie de succès, parce que les coûts sont vraiment très élevés. Cette année, nous ne pouvions pas le faire et les prévisions météo étaient plutôt bonnes, donc nous avions l’espoir que cela se passe bien. Il y a bien eu quelques averses, mais pas très longues, ce qui était presque agréable vis-à-vis de la poussière. De plus, il n’a pas fait si chaud, donc les conditions ont été quasiment idéales. 

A également été évoquée la perspective de réduire le nombre de chevaux présents sur le site. Qu’en est-il?

Nous avons accueilli huit cent cinquante chevaux cette année, contre mille cent l’an dernier.

Pour les finales du Cycle Libre, le nombre de partants a nettement augmenté par rapport à 2021, et nous avons presque été victimes de notre succès. Nous ne nous attendions pas à voir autant d’engagés et il a fallu gérer le planning sur trois jours et deux pistes. L’an prochain, nous allons être très optimistes et prévoir un quatrième jour pour recevoir tous les participants dans les meilleures conditions. Encore une fois, je pense que le Cycle libre est un circuit d’avenir et qu’il est un objectif pour un nombre croissant de cavaliers.

Concernant le Cycle classique, cette année, nous avons obligé tous les chevaux de quatre à six ans à être hébergés sur le site. En termes d’équité sportive, il est important que tous les chevaux évoluent dans les mêmes conditions, comme dans n’importe quel championnat. Le fait de rester durant tout le championnat dans un box qu’il ne connaît pas peut avoir un impact très fort sur la performance d’un jeune cheval, par rapport à un autre qui rentrerait tous les jours dans ses écuries, situées près Fontainebleau. Apprendre à gérer ce stress fait partie de leur formation.

Le site a des contraintes, liées à son environnement et sa situation géographique, donc nous devons encore nous adapter et améliorer le chassé-croisé des chevaux. Peut-être faudra-t-il encore resserrer le nombre de chevaux pour offrir à tous une qualité d’accueil optimale. 

Je n’oublie pas les finales de hunter, dont le nombre de participants a doublé en un an, d’une cinquantaine en 2021 à cent sept en 2022. Nous ne l’avions pas prévu.

Nous devons donc réfléchir à tout cela. Toutes les pistes sont envisagées, mais les décisions seront prises par notre commission de saut d’obstacles, puis le conseil d’administration. Concernant le Cycle classique, les meilleurs des meilleurs doivent être présents. Rien ne sert de donner de faux espoirs à ceux qui ont des chevaux pas prêts ou plus adaptés à un autre circuit, en leur laissant croire que leur cheval a sa place en finale. Nous sommes là pour aider les éleveurs, pas pour leur faire dépenser de l’argent en venant à Fontainebleau pour rien. Cet investissement doit concerner les meilleurs chevaux, pouvant offrir aux éleveurs et/ou propriétaires une plus-value. C’est pour ces chevaux-là que les étrangers se déplacent.

Les chevaux de sept ans ne dépendent pas de nous, mais nous allons discuter avec la Fédération française d’équitation pour voir si nous pouvons réduire un peu leur nombre à une centaine au maximum. L’Événement femelles organisé par le Stud-book Selle Français a également vu augmenter le nombre de d’engagées. L’engouement est très positif, mais il va falloir parvenir à le cadrer. 



Par ailleurs, la Grande Semaine va changer de date à partir de 2023. Pourquoi?

En 2023, elle va effectivement être avancée d’une semaine et devrait se dérouler du 17 au 27 août. Il y a déjà eu plusieurs sondages ces dernières années. Nous en avons également organisé un au début du mandat de Michel Guiot (devenu président en 2021, ndlr). Il s’est avéré que la date de la Grande Semaine était une problématique importante qui revenait très souvent. La rentrée est une période importante pour beaucoup de structures, et la concomitance de la Grande Semaine leur posait des problèmes. Sauf rares exceptions (notamment en 2014, en raison de la tenue des Jeux équestres mondiaux en Normandie, ndlr), notre événement s’est toujours déroulé à cette date. Par ailleurs, la nouvelle date permet de rapprocher un peu les championnats interrégionaux (CIR) des finales, ce qui est positif pour de nombreux utilisateurs.

Quel rôle joue la directrice de la SHF dans l’organisation d’une Grande Semaine. Et, après un peu plus d’un an, vous sentez-vous épanouie dans cette fonction?

Comme tout directeur d’une société ou d’une association, mon rôle consiste à faciliter les tâches et l’organisation de l’équipe, et à la fédérer. Comme nous sommes une petite quinzaine à la SHF, la gestion des ressources humaines est très importante. J’essaie d’avoir une vision transversale de tous les postes et des missions de chacun. Le plus dur à gérer dans l’organisation de cette Grande Semaine, c’est la date. Comme dans toute organisation, il faut permettre à tous les salariés, qui se donnent énormément, de prendre des congés, parce que nous enchaînons les CIR et le marathon des Grandes Semaines. Chacun a droit à une vie personnelle et à des congés. La vraie difficulté, c’est la gestion humaine en amont. 

Une directrice doit prendre les bonnes décisions en écoutant au maximum le terrain et les administrateurs de la SHF, trouver les meilleurs compromis entre les demandes et la faisabilité. Je suis là pour appliquer les décisions prises par les administrateurs. Notre ligne de conduite consiste à essayer d’être le plus équitable possible. C’est une mission qu’il faut exercer par passion. Nous avons face à nous des passionnés, des gens qui donnent de leur temps bénévolement, donc on ne peut pas les décevoir. Il faut être disponible pour eux, parce que nous sommes payés pour cela, contrairement à eux. Sans la passion commune du cheval, nous n’investirions pas autant de temps que ne le faisons et ne pourrions pas relever ce genre de défis.
Pour moi, la politique mise en place actuellement est très crédible, et mon objectif est que mon équipe ait envie de se donner pour mettre en place du mieux possible la politique décidée par le président et les administrateurs. Je pense que nous y parvenons parce qu’il y a un vrai collectif très soudé. C’est dur, intense, quinze jours non-stop de vie commune, avec la fatigue et la pression. Par ailleurs, le quotidien de la SHF continue. Nous préparons les Grandes Semaines suivantes alors que nous sommes encore à Fontainebleau. J’ai une équipe extraordinaire, je ne peux en être que ravie et je ferai tout pour être à sa hauteur. En tout cas, je prends beaucoup de plaisir à travailler à la SHF depuis l’an dernier et je crois beaucoup en ce que nous sommes en train de mettre en place à court et moyen termes.