“Je suis très touchée du souvenir que Karamel laisse”, Claire Gosselin

Samedi 24 septembre, le haras de Lauture a perdu la figure emblématique de son haras, son étalon star Karamel de Lauture, à l’âge de vingt-quatre ans. Emblématique par ses résultats, par son identité de Selle Français et sa personnalité, l’étalon a marqué le dressage français et sa cavalière et complice de toujours, Claire Gosselin. Très touchée, la cavalière a reçu de nombreux témoignages de sympathie à la suite de la perte de son compagnon et évoque pour GRANDPRIX celui qui l’a accompagnée pendant presque un quart de siècle.



Quelles étaient les origines de Karamel de Lauture ?

C’est un fils de Gribaldi avec une mère belge par Donbito van de Helle, un étalon BWP de jumping, même si l’obstacle n’était pas le plus grand talent de Karamel ! Cette poulinière nous était chère, car elle reproduisait particulièrement bien, avec des poulains bien charpentés, présentant une belle locomotion. Quant à Gribaldi, il était très à la mode, il gagnait beaucoup de Grands Prix internationaux à l’époque, et ma mère avait tout simplement craqué sur lui !

Quel a été votre premier souvenir de Karamel de Lauture ?

Il est né à la maison, et la toute première remarque que nous avons faite en le voyant avec mes parents, est qu’il était déjà alezan brûlé, très brûlé. Ma mère a ajouté qu’il était “costaud”, avec des bonnes articulations. J’avais tout juste treize ans.

Quel a été son parcours de compétiteur ?

Il a participé aux épreuves de cycles classiques ; ma ligne directrice était de suivre ce circuit tant que tout allait bien. Nous avons donc gagné le championnat des quatre ans, avons été vice-champions de France à cinq ans et remporté un nouveau titre à six ans. L’année de ses sept ans, nous avons couru sur des amateurs 1, pour préparer le Petit Tour. À huit ans, nous avons couru une année de Petit Tour, et à dix ans, nous entamions le Medium Tour comme il est dénommé maintenant. Il a gagné deux années consécutives le Critérium Grand Tour et a abordé le niveau Pro Élite à onze ans. Malheureusement, il a subi deux chirurgies pour des coliques l’année de ses douze ans et a été éloigné des terrains pendant presque une saison.

Sur le moment, après les deux interventions à la suite, les chirurgiens doutaient qu’il puisse retrouver le grand sport. Je l’avais accepté, car ma priorité était sa survie, mais il est revenu encore plus fort après cette année quasi-blanche et nous avons poursuivi sur les plus beaux terrains de France et d’Europe, avec – entre autres – les étapes de la Coupe du monde de Lyon ou Londres, mais aussi les championnats d’Europe.

Avez-vous traversé des périodes de doute ?

J’ai douté pendant cette interruption, mais cela a été le seul moment. Après cela, jamais ! Il a toujours été très généreux, volontaire et performant.

Quelle était sa plus grande qualité ?

Indéniablement, sa générosité. Il avait un cœur absolument énorme, et voulait toujours bien faire. Au quotidien, en concours, tout le temps ! Il était hyper-motivé et ce trait de caractère lui permettait d’être très régulier dans ses résultats. 

Quelle petite habitude aviez-vous avec lui ?

Tous les soirs, je fais le tour des écuries, une petite vérification rassurante. Karamel m’appelait dès qu’il me voyait, c’était le seul à demander de l’attention. Le matin, il en demandait aussi. C’est sûrement en partie parce qu’il était un vrai gourmand ! Désormais, l’écurie est bien silencieuse au moment du petit tour, le soir. C’est étrange...

Quel est votre plus beau souvenir en sa compagnie ?

Je pense qu’il s’agit de notre dernier CDI, à Saumur. Après sa dernière Reprise Libre en Musique, que nous avions d’ailleurs remportée, une soirée surprise avait été organisée après la remise des prix. Je n’avais absolument pas été prévenue et ne m’attendais pas à cette séquence-émotion. Pour sa fin de carrière, c’était vraiment magique ! De la pure émotion : gagner le concours sur ce site à part, Saumur ! Finalement, sa carrière est allée crescendo niveau émotions…



“Il était le cheval d’une vie”

Combien de produits compte-t-il à ce jour ?

On en dénombre cent quarante-cinq. Je n’arrive plus vraiment à tous les suivre ! Je suis déjà les miens, ceux de l’écurie et de mes propriétaires, mais c’est dur d’être au courant pour l’ensemble ! Certes, nous avons nécessairement en mémoire de grands noms comme Toomuch (de Lauture, qui a évolué jusqu’en Pro Élite avec Bertrand Conrad, et qui s’est éteinte l’an passé à quatorze ans, ndlr), Qwismel (d’Hebecourt, élevée par Myriam Victor Thomas, qui l’a formée de ses quatre ans jusqu’en Pro Élite, ndlr) par exemple, mais je ne connais pas toute sa production. 

Allons-nous voir de nouveaux produits de Karamel de Lauture atteindre le Grand Prix ?

Ma jument de Grand Prix actuelle, Aliz de Lauture, est bien sûr une fille de Karamel. Elle a d’ailleurs elle-même donné Forever (x Joris), qui est donc le petit-fils de Karou, et en qui je crois beaucoup. Il a du succès dans les épreuves réservées aux chevaux de sept ans et va continuer sa formation vers le Grand Prix, puisqu’il présente toutes les qualités pour y accéder. J’ai aussi un très bon cheval de six ans par Karamel. Pour l’instant, il suit un parcours un peu parallèle, car je choisis de le préparer aux écuries. Il a besoin de temps, mais arrive tout doucement. Il a son échelle de formation à lui ! Ce sont mes descendants de Karamel pour l’avenir à court et moyen terme.

Quelles qualités de Karamel retrouvez-vous chez ces chevaux ?

Aliz et son fils sont paradoxalement très différents ! Je retrouve chez Aliz le côté battant de mon cheval. Son poulain a, lui, hérité de sa souplesse, mais ils n’ont pas une qualité commune de Karou. Les autres poulains par Karamel montés par mes propriétaires sont plus marqués, car ils ont tous sa générosité et sa souplesse.

Comment se porte votre élevage ?

Il se porte bien, mais nous produisons moins que par le passé. Je n’ai pas vraiment d’objectif commercial : les produits de mon élevage, je veux les monter personnellement en concours et les emmener là où ils peuvent aller. Mon plaisir est de faire naître, faire évoluer et valoriser. Je m’épanouis aujourd’hui en étant éleveuse et cavalière, c’est ce qui me fait vibrer. Je n’ai pas envie d’acheter de chevaux. 

Maintenant, comment Karamel va-t-il perdurer à l’élevage de Lauture ?

Il sera toujours présent. Je possède deux juments par Karamel ; Aliz et une jument de quatre ans, pleine pour 2023 par Springbank. Elle va sûrement rester à l’élevage et continuer à produire. On retrouvera donc Karamel dans cette lignée. Aliz a quant à elle déjà pouliné de Forever, et elle devrait en avoir d’autres. Je vais aussi faire le point sur les paillettes de Karamel disponibles en congelés. Nous referons des croisements avec ces paillettes qu’il me reste. 

Quel est votre message en cette période particulière ?

Un message affectif. Nous connaissons tous un jour le cheval d’une vie, pour moi, je pense qu’il s’agissait de Karamel. Bien sûr, je crois en mes chevaux d’avenir, mais en termes d’affect, il était le cheval d’une vie. Je suis une grande sentimentale et les chevaux me le rendent bien. Cela a été le cas avec Karamel, comme avec mes chevaux actuels. C’est ce qui me pousse à continuer. Je suis très touchée du souvenir que mon cheval laisse, cela me met vraiment du baume au cœur. C’est une sacrée récompense.