“Nous avons observé une façon totalement nouvelle de présenter les chevaux”, Jean-Michel Roudier

Le week-end dernier, les meilleurs jeunes chevaux de dressage français se sont retrouvés à Saumur pour la Grande Semaine de l’élevage de la discipline. Juge très expérimenté ayant officié sur les plus belles compétitions au monde, comme par exemple lors de la finale de la Coupe du monde FEI de Göteborg en 2019 ou des championnats d’Europe FEI d’Aix-la-Chapelle en 2015, Jean-Michel Roudier était dans le Maine-et-Loire pour évaluer les quadrupèdes de quatre à six ans ayant fait le déplacement avec leurs cavaliers. Rencontré là-bas, il livre ses impressions sur l’évolution de la formation des chevaux de dressage français.



Cette édition de la Grande Semaine de l’élevage de dressage vous a-t-elle permis de déceler une nouvelle tendance dans la préparation et la présentation des jeunes chevaux?

Oui, cela est très net. Cette année, nous avons vu une équitation qui évolue dans le bon sens dans la catégorie des chevaux de quatre ans. Les meilleurs de cette génération ont été présentés de la manière dont nous l’attendons à cet âge, c’est-à-dire pas dans la contraction, mais dans des allures actives, en équilibre et élastiques. Ils doivent être accompagnés par une équitation qui ne contraint pas leur locomotion qualiteuse, mais qui, au contraire, nous laisse supposer que leurs allures vont être magnifiées sur le chemin vers le rassembler. En tout cas, nous avons observé une façon totalement nouvelle de présenter les chevaux.

Après la tenue de ces championnats destinés aux quatre, cinq et six ans, comment percevez-vous le monde des jeunes chevaux de dressage français?

Il y a une évolution superbe et très nette chez les quatre ans, où nous avons vu une vraie différence avec ce que nous pouvions observer les années précédentes. Ce changement commence également à se dessiner dans les catégories des cinq et des six ans, où il ne se ressent pas encore autant que chez les plus jeunes, même si c’est déjà beaucoup mieux qu’avant. Nous voyons que les chevaux qui sont parfois, certes, spectaculaires, mais occasionnellement contractés, ne montent plus en haut des podiums.



“Les chevaux auxquels nous avons attribué plus de 80 % ont, à nos yeux, un vrai potentiel pour le Grand Prix”

Alors qu’il était, sur le même texte de reprise, trente-troisième lors de l’épreuve qualificative puis sixième de la Consolante du championnat du monde des chevaux de six ans en septembre, Apachi vd Biebosschen (Old, Apache x Don Frederico) s’est imposé ici dans la Préliminaire du championnat de sa génération. N’est-ce pas un signe que la France a un retard très important sur les nations qui trustent les podiums internationaux? Ne constatez-vous pas un certain manque d’adéquation entre notations nationale et internationale?

Il y a en effet un retard important, qui n’est que partiellement lié à la qualité des chevaux. Il est certes difficile d’investir dans des chevaux à plusieurs centaines de milliers d’euros, mais en revanche, nous en avons, comme Apachi, qui présentent un travail tout à fait séduisant sans avoir la locomotion la plus spectaculaire, et cela me va tout à fait. Que les notes soient un peu plus élevées en France qu’à l’étranger me paraît normal. Dans le cadre d’un championnat, notre but est d’établir un classement. Si nous évaluons tous les concurrents avec la même base de notation que lors des championnats du monde, nous n’arriverons pas à faire ressortir les meilleurs Français, ce qui nous oblige donc à ouvrir un peu. Nous en sommes tous conscients.

En prenant en compte cet état de fait, les très hautes moyennes enregistrées dans le championnat des chevaux de quatre ans doivent-elles pour autant laisser présager d’un très bel avenir pour les concurrents qui les ont obtenues?

Dans cette catégorie, il est vrai que nous n’avions pas cette habitude de donner des notes supérieures à 90 % (la présentation finale de la championne des quatre ans, Fiadora*Applicat-Prazan, Han, Fürsten Look x Valentino, a été évaluée à 93,2 %, ndlr), mais ces reprises méritent d’être étudiées. Pour noter les concurrents de cette catégorie, j’ai collaboré avec Alban Tissot, qui officiait aux championnats du monde (FEI WBFSH des jeunes chevaux, ndlr) plus tôt cette année, et pour ma part, j’ai présidé le jury de ces mêmes championnats l’an passé, donc nous sommes dans l’actualité et la modernité. Les chevaux auxquels nous avons attribué plus de 80 % ont, à nos yeux, un vrai potentiel pour le Grand Prix s’ils continuent à travailler dans le même état d’esprit.

Quels sont pour vous les principaux points forts de cette Grande Semaine et qu’est-ce qui nécessiterait, au contraire, d’être amélioré?

Tout d’abord, nous sommes revenus à Saumur (après deux éditions organisées à Fontainebleau, ndlr), un lieu qui a pour moi – comme pour beaucoup – une dimension affective, et qui présente des qualités mais aussi des contraintes. Je pense que la Société hippique française (SHF) va préparer un bilan très précis pour comparer les éditions tenues ici et à Fontainebleau. Parmi les défauts du site, on peut noter les boxes mais aussi l’étendue du concours. Fontainebleau est un site beaucoup plus centralisé, avec des sols plus homogènes, même si ceux de Saumur ont présenté une très nette amélioration par rapport aux années précédentes. Il y a eu de petits problèmes organisationnels, car il est compliqué de revenir sur un lieu que l’on ne connaît plus et de tout remettre en place. Ils ont cependant été résolus en temps utile, à chaque fois. C’est un événement qui, globalement, a été positif, et qui le sera encore plus les fois suivantes, car nous allons garder précieusement en mémoire tous ces paramètres.