Héberger un cheval chez soi, toute une organisation!

Avoir son cheval à la maison est souvent un rêve d’enfance commun à tous les cavaliers. Entre désir de proximité, choix de pouvoir garantir un cadre de vie agréable, souhait d’offrir plus de liberté à son cheval ou encore économies liées au prix d’une pension, les raisons de sauter le pas de l’hébergement à domicile sont multiples. Comment s’y préparer? Des lecteurs ont accepté de livrer leur retour d’expérience au sujet de leur recherche immobilière et leur organisation au quotidien.



«Avoir des chevaux chez soi comporte une part de rêve: on peut adapter ce qui est le mieux en termes de sorties, travail, soins, nourriture, parage, etc., mais c’est chronophage. Les départs en vacances notamment pendant l’hiver sont compromis, car il faut être présent deux à trois fois par jour pour nourrir et nettoyer. De plus, on est souvent seul à devoir tout assurer, avec la culpabilité permanente de ne pas en faire assez. Travailler seul est parfois rébarbatif... Il faut se réinventer et se questionner pour rester connecté à la joie d’avoir des chevaux à la maison. Avoir un ou plusieurs équidés chez soi revient à vouer 90 % du temps qui leur est consacré à nettoyer les crottins, soigner, réparer des clôtures, désherber la carrière, parer, nettoyer les bacs d’eau, prévoir les stocks de foin, nourrir... Bref, si l’on aime seulement pratiquer l’équitation, mieux vaut rester dans un club. Par contre, si l’on aime le cheval en tant qu’animal, on se lance pour l’avoir à la maison ! », résume particulièrement bien Laurène, une des lectrices ayant répondu au sondage mis en ligne en septembre par GRANDPRIX et Horse Development, spécialiste de l’étude de marché dans la filière équine. Le panel du sondage mille soixante-trois lecteurs français ou francophones est représenté à 70% par des cavaliers confirmés (Galop7 ou équivalent) concourant en compétition Amateur et qui sont propriétaires de deux à trois chevaux.

QUEL ACCÈS AU FONCIER? 

Détenir un cheval nécessite d’avoir du terrain. De nombreux lecteurs ont souhaité partager leur processus de recherche soumis à de nombreuses démarches. Parmi les sujets pointés du doigt, certes la question du budget a été abordée, mais également la rareté des offres aptes à recevoir une structure équestre. Les lecteurs sondés ayant indiqué leur lieu de résidence, force est de constater que les résultats illustrent de manière quasi homogène la totalité de l’Hexagone. 

34% des sondés n’ont pas été concernés par la recherche d’un terrain, ces derniers ayant pu compter sur une structure familiale. Parmi les autres, 54% considèrent que l’accès au foncier est ou a été difficile, voire très difficile. Le budget nécessaire pour acquérir terres et bâtiments est très variable d’une région à l’autre. Les lecteurs ont indiqué avoir investi un budget médian de 250000 euros (dans la fourchette comprise entre 150 000 et 350 000 euros). 17 % des sondés ont quant à eux investi entre 350 000 et 500 000 euros. «Les hectares avec maison et bâtiment sont très difficiles à trouver en Nouvelle-Aquitaine, on a souvent des ruines à des prix exorbitants », se désole Mira. « Depuis la pandémie de Covid-19, les prix ne cessent d’augmenter », remarque Camille. Julie, Anne, Justine et Charlène notent des prix revus à la hausse dans les environs de Lamotte-Beuvron et du Golfe de Saint-Tropez notamment, ou encore dans les régions du Puy-de-Dôme et de la côte landaise. «Je suis propriétaire depuis 1999 et l’équilibre financier d’alors était plus facile. Désormais, il faut débourser minimum 850000 euros si l’on veut un terrain, une habitation et un ensemble de structures équestres», analyse Sophie.

La récrimination suivante porte sur la taille du terrain et celle du bâtiment, qui sont rarement en bonne adéquation. Pour Dorothée et Hélène, bâtisse de luxe et nombreux hectares sont souvent associés, faisant grimper les prix. De nombreux lecteurs abondent en ce sens: il est rare de trouver un juste milieu entre les lots de luxe et les maisons du type pavillon, qui offrent alors souvent moins de 5 500 m2 de terrain, soit la moitié d’un hectare. «Nous avons eu de la chance de trouver une ancienne fermette avec des bâtiments. Le prix n’était pas élevé car la maison était à rénover et très petite (70m2). Depuis deux ans, nous regardons régulière- ment les offres pour le même type de bien immobilier, mais avec une plus grande surface d’habitation, et il n’y a rien sur le marché dans une quinzaine de kilomètres alentours », décrit Marie.

Enfin, l’adaptation des structures aux besoins propres à chacun a posé de nombreux problèmes lors de la recherche de biens. Dans la grande majorité des cas, les lecteurs ont indiqué avoir procédé eux-mêmes aux travaux en étalant les rénovations dans le temps. «Lorsque nous avons visité plusieurs domaines, les agents immobiliers nous ont bien fait comprendre que nous n’avions pas les moyens financiers de nos ambitions. Nous avons finalement trouvé un bien qui nous correspondait quasiment en tout point mais qui a en effet nécessité des travaux », raconte Lisa. « Nous cherchions une structure pas forcément complète, mais au moins avec quelques hectares. Nous avons finalement acheté une ferme à vaches dont l’activité allait s’arrêter. Je pense que nous n’aurions pas pu trouver un bien à vocation équestre avec notre budget de moins de 200 000 euros », relève Daphné. « Nous avons, mon épouse et moi, acheté un terrain d’environ un hectare, sur lequel nous avons tout fait construire (maison, écurie, bâtiment de stockage, carrière, etc.). C’était impossible de trouver quelque chose de déjà bâti, alors nous l’avons fait nous-mêmes en fonction de nos attentes », appuie Sébastien. « J’ai dû acheter une maison en ruine pour avoir trois hectares de pâture. Il y a désormais un hangar pour trois boxes et le stockage du fourrage, ainsi qu’une dépendance dans laquelle j’ai fait construire deux autres boxes et une sellerie », commente Agathe.

La difficulté d’accéder au foncier de ses rêves se répercute sur le temps de recherche. «J’ai effectué deux années de recherche pour trouver des prés attenants sans voisinage dans la région du Limousin, à côté de Pompadour. J’imagine que cela doit être pire ailleurs ! », s’exclame Aurélie. « J’ai passé neuf mois à chercher un bien, à raison de deux heures par jour, en Auvergne-Rhône-Alpes », narre Maïté. La fourchette semble très large entre le coup de chance de l’immédiateté et la très longue attente (de dix à vingt ans !). « J’ai mis plus de dix ans à trouver une surface accessible pour un projet équestre car, dans ma région, les terres agricoles ont davantage vocation à accueillir des brebis ou des vaches », souligne Amandine. L’accès au foncier ne serait-il qu’un rêve inaccessible ? 12 % des lecteurs sondés éclaircissent néanmoins le tableau en indiquant avoir trouvé facilement le terrain rêvé. «Certaines régions, comme le Centre-Val-de-Loire notamment, disposent d’espaces très vastes pour des tarifs très abordables», informe un lecteur. «Ma recherche de terrain n’a pas été difficile. En revanche, trouver les artisans pour effectuer les travaux et établir des permis de construire fut une autre affaire», conclut Benoite.

"J'ai mis plus de dix ans à trouver une surface accessible pour un projet équestre" 




La construction d'infrastructures

Si chaque lecteur a sa propre organisation structurelle, il est toutefois possible de dresser un portrait type du lieu d’hébergement moyen: tous les lecteurs ont positionné un espace de stockage de foin/graineterie dans la liste prioritaire des structures à posséder, en parallèle de plusieurs prés ou paddocks, un abri pour l’extérieur et un espace sellerie. Viennent ensuite les nécessités d’acquérir un box et une aire stabilisée pour la préparation et les soins du cheval. Enfin, un espace douche, une carrière, un rond de longe et un manège font partie des exigences les moins demandées des propriétaires, en grande partie pour leur coût, leur demande d’espace et, pour le dernier cité, son permis de construire.

Quelques lecteurs ont pointé du doigt l’inadéquation entre l’obligation légale de fournir un abri à un cheval et la non-autorisation dudit abri dans beaucoup de cas. «Nous voulons construire un abri en bois, démontable, mais qui resterait à l’année dans le champ des chevaux. C’est actuellement impossible légalement parlant car, en tant que particuliers, nous n’avons droit à rien», regrette Charlotte. L’argument du démontable et mobile n’a malheureusement pas sa place ici car un abri est considéré comme pérenne dès qu’il est installé plus de trois mois. Concernant la construction d’un abri pour chevaux, il faut en premier lieu connaître le zonage de la pâture en question. La classification est longue mais on peut s’attarder de manière brève sur deux catégories: la zone naturelle (N) et la zone agricole (A). Ces deux zones sont considérées d’emblée comme non-constructibles, sauf certaines exceptions – par exemple, si la construction est nécessaire à l’exploitation agricole... ce qui n’est légalement et malheureusement pas le cas pour un particulier possédant ses chevaux pour son loisir. Une autorisation d’aménagement peut malgré tout être demandée au service urbanisme de la mairie, qui évaluera les dossiers au cas par cas en s’appuyant sur son plan local d’urbanisme (PLU), propre à chaque commune. Le PLU est généralement consultable en ligne sur le site de la mairie et peut d’ores et déjà donner quelques indications, mais il est vivement recommandé d’échanger avec le service urbanisme de la ville en question, seul organisme habilité à répondre avec précision à toutes les questions d’aménagement.

Enfin, le service public rappelle sur son site « qu’en-dehors d’un secteur protégé, un abri [...] dont la surface de plancher ou l’emprise au sol est comprise entre 5 m2 et 20 m2 doit faire l’objet d’une déclaration préalable de travaux et que si elle est supérieure à 20m2, elle doit nécessiter un permis de construire ». Aussi, un particulier devra obligatoirement recourir à un architecte pour élaborer les plans du dossier d’un permis de construire à partir du moment où la surface de plancher des constructions en question sera supérieure à 150m2. Si le propriétaire a le statut d’exploitant agricole et que cela concerne un bâtiment agricole, ce chiffre monte à plus de 800 m2.



Le rôle central de la safer

Un certain nombre de lecteurs ont évoqué le rôle de la Safer (Société d’aménagement foncier et d’établissement rural) lors d’un achat de terrain. «Une Safer est une société anonyme, sans but lucratif (sans distribution de bénéfices), avec des missions d’intérêt général, sous tutelle des ministères de l’Agriculture et des Finances. Les Safer couvrent le territoire français métropolitain et trois DOM. Issues des lois d’orientation agricole de 1960 et 1962, les Safer ont aujourd’hui plus de cinquante ans d’expérience sur le terrain. Elles permettent à tout porteur de projet viable – qu’il soit agricole, artisanal, de service, résidentiel ou environnemental – de s’installer en milieu rural. Les projets doivent être en cohérence avec les politiques locales et répondre à l’intérêt général », informe le groupe Safer sur son site internet. Une Safer a plusieurs rôles : elle régule les prix du marché foncier, améliore la structure foncière des exploitations agricoles, facilite l’accès au foncier des candidats à l’installation et peut acheter des biens agricoles ou ruraux puis les revendre à des agriculteurs, des collectivités, des établissements publics nationaux ou locaux (Conservatoire du littoral, parcs naturels, agences, etc.), ou encore à des personnes privées (conservatoires, associations, fédérations, entreprises, etc.) dont les projets répondent à l’objectif de ses missions.

Pour autant, la Safer peut parfois interroger certains propriétaires de chevaux pour son droit de préemption, c’est-à-dire l’annulation d’une vente d’un terrain au profit d’une autre personne. Lors d’une mise en vente d’une propriété agricole, le notaire doit prévenir la Safer dès que le terrain dépasse une certaine superficie (très variable selon les régions, qui peut aller de 0m2 à quatre hectares, par exemple). Dès lors, la Safer informe les agriculteurs locaux que le terrain est à vendre. Dans le cadre d’un marché foncier très tendu, elle peut également choisir d’acheter elle-même le terrain, le garder en réserve et le revendre plus tard à un jeune exploitant qui s’installe, par exemple. La Safer dispose d’un délai de deux mois pour exercer son droit de préemption et ce dernier est souvent irrévocable, même si dans de rares cas certains acheteurs l’ont contesté et ont eu gain de cause. «La Safer a toutes les cartes en main», déprécie Jeremy, qui résume à ce titre plusieurs autres réponses négatives de lecteurs. La préemption concentre en effet les critiques, mais n’est cependant pas une pratique courante ; la Safer indique sur son site qu’elle a exercé "1240 préemptions en 2020 pour une surface de 5 400 hectares et une valeur de 59 millions d’euros (0,4% du nombre total des projets de vente notifiés aux Safer). Ces préemptions représentent 11 % du nombre, 5 % de la surface et 4 % de la valeur de l’ensemble des acquisitions réalisées par les Safer. » Dans certaines régions d’élevage, le risque est bien sûr plus grand. «Nous avons été préemptés deux fois par la Safer de Normandie », regrette Laetitia. «Le milieu équin n’est pas assez considéré par rapport aux secteurs bovins, de viande et de lait. » « Si la maison ne fait pas partie du lot du terrain, la Safer peut préempter et, en tant que particulier, nous n’avons pas le choix », argue Charlotte. « Je suis tiraillée entre les deux secteurs car mon mari est agriculteur bovin et je suis cavalière de loisir. Je suis la première à vouloir des prés pour mes chevaux, mais je ne dois pas oublier que ces derniers sont mon loisir et non mon gagne-pain. Il est donc logique qu’une terre rare et fertile soit destinée en priorité à ceux qui vont l’exploiter professionnellement. Par contre, un terrain pauvre, en pente, avec des arbres, etc. convient mieux aux chevaux et moins aux agriculteurs, il y a donc de fortes chances pour que la Safer ne s’y intéresse pas», commente Julie. 

La décision de la Safer est-elle toujours aussi tranchée en faveur des gros agriculteurs? "l'agriculteur n’est pas nécessairement prioritaire ! », nuance Émeline. « Chaque situation est examinée par le comité technique qui étudie les candidats positionnés sur un même bien. Il faut que le projet soit fiable et s’inscrive aussi dans le plan de développement de la région. » «J’ai convoité les deux hectares voisins lors de mon installation en tant que particulière et, malheureusement, le producteur laitier local également. Je m’attendais donc à un refus de ma candidature mais j’ai été agréablement surprise de voir qu’elle a finalement été acceptée. Je n’en ai pas vraiment eu la raison – peut-être que ce producteur laitier avait déjà beaucoup de terrains ? – mais ce fut une excellente nouvelle ! », se remémore Morgane.

En attendant la réponse négative ou positive de la Safer, existe-t-il un moyen de sécuriser a minima un achat ? « La maison et le terrain, bien qu’attenants, n’avaient pas le même propriétaire, il y avait donc un grand risque que l’un ou l’autre me soit refusé et dès lors devienne inutilisable dans mon cas. Mon agent immobilier a suggéré d’inclure une clause dans l’offre d’achat: en cas d’impossibilité d’avoir le terrain, la vente de la maison était annulée. Heureusement, j’ai pu avoir les deux, mais l’attente fut éprouvante. Je pense que je me tournerai vers Equisafer (réseau national de conseillers spécialisés de la Safer accompagnant les porteurs de projets économiques de la filière équine, ndlr) la prochaine fois », conclut Fanny.



L'échange avec les agences immobilières

Les relations entre les acheteurs et les agences immobilières classiques ne sont pas toujours très fluides pour notre panel de lecteurs. Parmi ceux ayant répondu au sondage, 83% n’ont jamais fait appel à une agence classique pour vendre ou acheter un bien à vocation équestre, 14% l’ont fait de manière épisodique et, enfin, 3% l’ont fait systématiquement. Peut-on établir les causes de ce désintérêt? «Il n’est pas facile de trouver des biens immobiliers à vocation équestre sur les sites classiques de ventes immobilières. De plus, l’agent immobilier choisi par les vendeurs n’avait pas les connaissances agricoles nécessaires pour nous aider." Débute Léa. « Beaucoup d’agences ne comprennent pas le besoin de terrain. Elles ont tendance à tout minimiser ! », poursuit Juliette. «Rencontrer une agent cavalière fut un pur hasard », raconte Adelaïde. « C’est en visitant notre maison à vendre qu’elle a remarque´ les flots et plaques de concours et nous a parlé d’une structure équestre potentiellement à vendre à quelques kilomètres de là. » « Les agences classiques ne connaissent souvent rien au milieu équestre: ni les termes, ni les dimensions et infrastructures souhaitées. Elles confondent carrière, manège ou rond de longe ou, par exemple, comptent en mètres carrés au lieu de donner la longueur et la largeur. En sus, elles ne donnent pas les renseignements nécessaires sur les points d’eau, si le terrain est clôturé ou non, la taille des dépendances, etc. », déplore Chantal. Même son de cloche pour une autre lectrice prénommée Chantal : « Durant mes recherches, j’ai trouvé une dizaine de biens immobiliers avec deux ou trois hectares de terrain, mais il s’est avéré à chaque fois que l’agent immobilier ne s’était pas donné la peine de vérifier si les terres n’étaient pas en fermage! J’ai fini par trouver mon bonheur en passant par un particulier. » 

Le bail rural – aussi appelé fermage – est un contrat passé entre un propriétaire et un exploitant en contrepartie d’un loyer. «Le bail rural est en principe conclu pour une durée minimale de neuf ans. Cependant, il existe des baux ruraux a` long terme conclus pour une période minimale de dix-huit ans ou pour une période de vingt- cinq ans [...]», détaille le ministère de l’Intérieur sur sa fiche pratique inhérente au sujet. La difficulté de mettre en évidence un bail rural repose également sur le fait qu’il peut être légalement verbal, c’est-à-dire non écrit, à condition toutefois de ne pas dépasser douze ans de fermage. Au-delà de cette durée, le bail doit être rédigé par un notaire. Ajoutons à cela le droit à la préemption de la part de l’agriculteur locataire s’il exploite le terrain depuis plus de trois ans. S’il le souhaite, il sera prioritaire à l’achat. Attention aux éventuelles intimidations : un agriculteur locataire qui exerce son droit de préemption doit ensuite s’engager à exploiter personnellement le terrain pendant neuf ans, sous peine de poursuites !

L’existence d’agences immobilières spécialisées en structures équestres a été saluée mais ces dernières n’ont pas recueilli que des suffrages favorables : si 38 % des lecteurs interrogés se sont déclarés satisfaits à très satisfaits d’un tel service, 45% ont indiqué ne pas l’avoir été totalement, quand 17% n’en ont « pas du tout » été satisfaits. « Les agences immobilières équestres sont trop méconnues à mon goût. Dès lors, les biens sont trop espacés et de nombreuses personnes font appel à des agences locales à la place. On perd ainsi les filtres de recherche et, pire, certains biens équestres sont transformés », regrette Amélie. Néanmoins, à part pour Emmanuel qui déplore une mauvaise estimation financière effectuée un jour par un spécialiste, la majorité des lecteurs pointent du doigt la rareté et le prix des biens présentés plutôt qu’une mauvaise gestion des agences immobilières spécialisées. Certains lecteurs soulignent d’ailleurs avec plaisir le bénéfice qu’ils ont pu en tirer. Pour Caroline, Clara, Laurène et Charlotte, « la recherche fut facile car elles proposaient de nombreux critères de recherche », tandis qu’Arthur tient à féliciter son agent spécialisé pour son soutien, malgré ses critères de recherche compliqués.



Une organisation sociale et familiale

Selon notre panel de mille soixante-trois sondés, plus des deux tiers s’occupent seuls de leurs chevaux, par nécessité ou choix. Seul un dixième gère l’entretien des chevaux en famille; le reste s’organisant entre amis, principalement pour mutualiser les pâtures quand ils ont chacun un cheval et ne veulent pas le laisser seul.

Le premier point débattu concerne le terrain familial. Plusieurs lecteurs ont indiqué avoir bâti leurs installations sur un terrain prêté ou hérité de leur famille. «Quand on est enfant unique, c’est simple, moins lorsque l’on est plusieurs frères et sœurs...», glisse Gabrielle. «Cela peut créer des jalousies ou amener à procéder à des dédommagements. Si le terrain est prêté par la famille, elle garde généralement un œil dessus et peut donner son avis sur les aménagements, voire en bloquer certains si cela se passe mal... » « Étant donné qu’il s’agit d’un projet familial, il faut que je puisse adapter le bâti et l’aménagement aux goûts de mes parents (maison ancienne avec du cachet, spacieuse, double vitrage, etc.) », appuie Margaux. «Avoir un terrain familial est un patrimoine très apprécié et un apport non négligeable quand il est question d’économiser de l’argent ! Il faut néanmoins avoir de très bons rapports avec sa famille et une compréhension mutuelle car vouloir investir autant afin d’avoir un cheval chez soi peut paraître aberrant et contre-productif pour les non-équitants», remarque Stéphanie.

L’autre point évoqué concerne l’impact d’un tel hébergement sur la vie de famille. «Ce choix de vie a une incidence sur toute la famille, entre le budget consacre´ a` l’entretien et les absences régulières et quotidiennes pour faire les soins », débute Natacha. « Héberger son cheval chez soi modifie complètement un rythme de vie. Je peux le comparer à l’arrivée d’un nouveau-né dans la famille! On vit en fonction de la météo et des chevaux. Une sortie? Il faut prévoir qui restera pour nourrir les animaux. Rester plus tard à un dîner chez des amis? Ce n’est pas possible, car il faut être à l’heure pour l’alimentation, mettre les couvertures ou enlever les masques anti- mouches. Un week-end se prévoit au moins trois semaines à l’avance pour trouver quelqu’un disposé à s’occuper des chevaux pendant notre absence. Si l’on est malade et incapable de bouger, qui va prendre le relais ? Et quid des économies ? Que nenni, il y a la dalle à couler sous l’abri, le bout de clôture à rajouter, sans oublier de prendre en compte le foin dont le coût a presque doublé », alerte Aurélie. « J’essaie de tout faire sans me reposer sur mon conjoint à qui j’ai imposé mes chevaux, avouons-le. Mais j’ai parfois une indisponibilité et il doit alors donner du foin ou de l’eau à ma place. Si ce n’est pas pleinement consenti de sa part, il faudra que ce genre de demande reste exceptionnelle sous peine de voir éclater son couple», met en garde Christine. Pour Marie-Hélène, enfin, l’impact est là, mais tout à fait accepté: «Notre installation est le résultat d’un projet réfléchi et partagé par tous les membres de la famille ; oui, il y a parfois des moments de découragement et des difficultés à joindre les deux bouts, mais nous assumons nos choix et n’envisageons pas de changer quoi que ce soit à notre fonctionnement.» En effet, parmi notre panel de lecteurs, 73% ne souhaitent pas revenir en arrière et remettre leurs chevaux en pension. Seuls entre 2% et 4 % s’apprêtent à le faire ou ont déjà sauté le pas.

 



Le certificat de compétences

Au sein de la culture populaire, il a longtemps été question de mettre en place des autorisations de détention pour les animaux, et en particulier pour les chevaux. C’est quasiment chose faite depuis la loi portée par le député LoÏc Dombreval contre la maltraitance animale, annoncée le 30 novembre 2021, qui a été complétée d’un nouveau décret le 18 juillet 2022 (articleD. 214-37-1 du Code rural et de la pêche maritime). Ce dernier, destiné à apporter des précisions sur les compétences requises pour s’occuper des chevaux, avance un peu plus sur le respect du bien-être animal mais manque pourtant de détails à l’heure actuelle. «À ce jour, les arrêtés d’application précisant les modalités de ce certificat ne sont pas encore parus. Le travail se poursuit pour définir en détails l’application de certificat: pour quelles professions le certificat sera-t-il délivré d’office? Qui pourra le délivrer? Quel sera son contenu? Etc.», commente Anne- Sophie Azzos, responsable communication, relations publiques et presse de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE).

"Il y a un vrai manque de formation sur les réels besoins des chevaux"

Nous pouvons néanmoins expliciter plusieurs points de ce décret. Une première distinction est faite entre les professionnels du monde équestre et les particuliers. Si les particuliers qui sont concernés par ce décret doivent être propriétaires de leur cheval, les professionnels sont indiqués comme «toute personne qui, dans le cadre de son activité professionnelle, est au contact direct d’un équidé ». De ce fait, le professionnel doit justifier «soit d’une expérience professionnelle au contact direct d’équidés, d’une durée minimale de dix-huit mois au moment de l’acquisition, soit la possession d’un diplôme, titre ou certificat figurant sur une liste publiée par arrête´ du ministre chargé de l’Agriculture» (non parue a` ce jour mais dont les diplômes évoqués concerneront très probablement ceux délivrés par le ministère de la Jeunesse et des Sports et par le ministère de l’Agriculture, ndlr). Le décret poursuit en notant que « les personnes a` la date du 31 décembre 2022 détenant un équidé dans le cadre de leur activité professionnelle sont réputées satisfaire aux conditions prévues».

Concernant le certificat du non-professionnel, le décret souligne que «à compter du 31 décembre 2022, toute personne détenant un équidé (à titre non-professionnel, ndlr) doit justifier d’un certificat d’engagement et de connaissance délivré par les organismes professionnels de la filière équine figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l’Agriculture ou par un vétérinaire». Ce certificat est signé par le détenteur de l’équidé et comporte une mention manuscrite par laquelle il s’engage expressément à respecter les besoins de l’animal, notamment: «Les besoins physiologiques, comportementaux et médicaux, y compris en cours de transport en tenant compte de l'état des connaissances scientifiques; les obligations relatives à la traçabilité et à l'identification de l'animal ainsi qu'aux conditions de transport; et les implications financières et logistiques liées à la satisfaction des besoins psychologiques, comportementaux et médicaux tout au long de la vie de l'équidé" En résumé, la loi avance mais manque de précision à ce jour: quelles seront les conditions de validation du certificat? Qui sera à même d'en contrôler la présence ou non? Quelles seront les sanctions en cas d'infractions? Y a-t-il une différence entre un propriétaire hébergeant et non-hébergeant? Enfin, un nouveau décret tranchera-t-il également sur le fait de détenir un cheval sans congénère (ce qui est illégal en Suisse, par exemple) Alors que toutes les études insistent sur la vitale grégarité d'un équidé? 
"Je suppose que cette loi est surtout destinée aux propriétaires abusifs, c'est-à-dire ceux qui achètent un cheval avec autant de désinvoltures qu'ils achèteraient une peluche" Commente Xavier, un des lecteurs sondés. "A priori cela me semble être une très bonne nouvelle. Je trouve qu'il y a un vrai manque de formation sur les réels besoins des chevaux" Il est à noter que la Fédération Française d'Équitation (FFE) propose depuis 2019 le diplôme Capacité détenteur d'équidés (CDE) correspond à une formation courte qui peut se faire à distance pour la partie théorique et se déroule au sein d'un établissement équestre agréé par la FFE ou peut être obtenu par équivalence (avec le Galop 4 par exemple) pour la partie pratique. La formation permet d’aborder les comportements, besoins et modes de vie du cheval, son alimentation et son hébergement, sa bonne santé, ses principales ma- ladies ainsi que leur prévention et les premiers soins en attendant le vétérinaire, la gestion des soins quotidiens, la manipulation des équidés, l’entretien du matériel et des installations, les obligations et la réglementation liées à la détention d’équidés et enfin ou` et comment actualiser ses connaissances dans ce domaine. Contrairement aux certificats de compétences décrit dans le décret D. 214-37-1 du Code rural et de la pêche maritime, le CDE ne revêt à ce jour aucune obligation.

"Ce choix de vie à une incidence sur toute la famille"