“Arrêtez de tirer…”, Éric Louradour

Éric Louradour, cavalier, instructeur et auteur de deux ouvrages, évoque le lien entre les mains du cavalier et la bouche du cheval. 



“Un cavalier plus confirmé techniquement apprendra qu’il n’y a pas une position mais des positions de mains”, nuance Éric Louradour.

“Un cavalier plus confirmé techniquement apprendra qu’il n’y a pas une position mais des positions de mains”, nuance Éric Louradour.

© Collection privée EL

“La chose la plus difficile pour un instructeur est d’enseigner à un élève le bon rapport main-bouche, le juste contact, la bonne tension, la bonne utilisation et le bon dosage… 

Afin de sensibiliser le cavalier débutant et certains autres plus confirmés, mais dépourvu de finesse et de sensibilité, sur l’importance de la bonne main il est important d’enseigner en priorité l’effet du mors dans la bouche du cheval. Bizarrement peu de cavaliers le savent !  

Pourquoi réussit-on à se faire comprendre avec subtilité par un animal de ce poids, de cette grande puissance et qui a tendance à fuir dans la crainte avec un simple morceau de plastique ? Eh oui, inutile de penser qu’il est indispensable d’utiliser des mors particulièrement forts et durs pour contrôler une monture imposante ou virulente. 

Quand le cavalier résiste avec ses mains le premier effet se fait au niveau de la commissure des lèvres. Cette zone, comme pour nous, est très sensible. Si de plus, vous vous blessez dans cette partie de la bouche, non seulement la plaie mettra beaucoup de temps à soigner, mais en plus sa sensibilité sera amplifiée. Pour éviter que le cheval se blesse au niveau des commissures et lui donner plus de confort, il est bon de mettre une pommade afin de maintenir cette zone plus souple, particulièrement avec des chevaux qui ont les lèvres sèches ou qui ont tendance à s’irriter. La prévention et le bon sens sont de rigueur. Pour mieux comprendre ce que peut ressentir votre ami équidé quand vous tirez et afin de vous sensibiliser sur l’importance d’une bonne main, mettez une corde dans votre bouche et résistez des deux côtés fortement… C’est désagréable, non ? 

Le deuxième effet est au niveau du palais du cheval. Lorsque vous résistez, l’anneau central du mors remonte dans le palais du cheval. Si vous restez longuement sur vos actions de mains ou tirez en permanence, cela provoque des hématomes dans la partie supérieure du palais qui endommagent et sensibilisent encore plus cette zone. Pour cette raison il est écrit dans tous les manuels et livres d’équitation que la main du cavalier doit apprendre à prendre et à donner ; à résister et à céder. Personnellement je favorise ou préconise les mors en trois parties (les double-brisures notamment, ndlr) ou droits afin d’éviter cette pression au niveau du palais. 

Le troisième effet se fait au niveau des barres. Où se trouvent les barres ? C’est la partie inférieure de la mâchoire du cheval où il n’y a pas de dents et où se positionne normalement le mors si le filet est bien ajusté. Il faut savoir que cet os a la forme d’une pyramide et il est recouvert de très peu de chair. Là encore, si vous résister longuement et particulièrement avec des mains basses, le mors va se plaquer contre cette partie de la bouche provoquant ainsi l’effet d’une lame de couteau sur laquelle vous appuyez fortement et devenant donc très désagréable pour le cheval. Sachez aussi que sur des mains basses, et quand l’effet du mors est plus concentré sur les barres, le cheval battra à la main en secouant sa tête d’arrière en avant, là encore pour se libérer”.



“L’effet de mains trop actives ou utilisées avec force ne permettront pas leur respect”

“Il faut savoir également qu’une action trop longue de la main du cavalier sur la bouche du cheval peut provoquer chez lui un effet d’opposition et l’inciter pour vouloir se libérer a toujours plus tirer et fuir. Bien des cavaliers, n’ayant pas fait cette bonne analyse utilisent des mors toujours plus forts. Si un cheval ouvre grand sa bouche, nombreux sont aussi les cavaliers qui utilisent à outrance les noseband et les serrent fortement. Dans tous les cas, pour se libérer d’une main de cavalier peu expérimentée, peu délicate ou peu stable, par provocation ou manque d’acceptation (particulièrement durant la période de sa formation, comme un adolescent qui se rebelle), ou pour encore faire comprendre à son cavalier qu’il a une mauvaise utilisation de ses mains, le cheval deviendra de plus en plus incontrôlable et nécessitera des mors toujours plus forts. 

Apprenez donc et veillez à la bonne utilisation de vos mains. Concentrez-vous avant tout sur leur bonne position. Dans la position de base, de représentation, quand un cheval est bien dressé et pour un cavalier débutant, la main doit être toujours au-dessus de la bouche du cheval, au-dessus du garrot et en avant de celui-ci, en direction de sa bouche. Dans cette position se forme une ligne droite partant de la pointe du coude du cavalier, passant par sa main, prolongée par les rênes pour arriver jusqu’au mors. La main est alors transportée par la bouche du cheval et accompagne ainsi les mouvements naturels de tête, d’encolure et de dos. Le pouce et l’index sont légèrement plus serrés sur les rênes alors que les autres doigts sont plus ouverts. Rappelez-vous également que la principale qualité d’une bonne main est sa stabilité en se souvenant que la main du cavalier débute de la pointe de ses épaules jusqu’au bout des doigts. Toute cette zone doit être souple et relâchée. Éviter pour trouver la stabilité de tomber dans la rigidité ou de devenir statique. Souvenez-vous également qu’avec les mains dans cette bonne position et bonne attitude vous pouvez contrôler aussi bien l’équilibre et la vitesse. Vous créerez ainsi un couple en parfaite en symbiose pour lequel la fluidité et l’élégance seront reines. 

Attention cependant à ne pas faire de confusions ! Un cavalier plus confirmé techniquement apprendra qu’il n’y a pas une position mais des positions de mains. La bonne position est celle qui permet au cheval de bien fonctionner. Cela est un autre sujet que j’aborderai prochainement.

Souvenez-vous donc que l’équitation est une question de sensations. Apprenez dans un premier temps donc à instaurer une présence avec un rapport main bouche constant. Comme si vous teniez un enfant par la main, sans lui arracher le bras et sans lui serrer fortement la main, maintenez une légère tension. La tension est là aussi une question de sensations. Vous ne devez pas tirer, ni « porter » votre cheval ou sa tête. Vous devez seulement imaginer un élastique légèrement tendu ou les muscles dorsaux des deux côtés de la colonne vertébrale sont étirés, allongés ayant la sensation que vous créez ainsi de l’espace entre les vertèbres… 

J’espère que mes explications vous aideront à « dialoguer » correctement avec la bouche de votre cheval à travers vos mains. Apprenez à « parler » avec délicatesse et parcimonie, « en vouvoyant et à voix basse ». C’est exactement la même chose que si une personne vous hurle dessus ou parle trop et en permanence, automatiquement vous vous mettrez contre ou vous vous détacherez ou déconnecterez de cette personne. L’effet de mains trop actives ou utilisées avec force ne permettront pas leur respect, de vos actions ou dans votre rapport et connexion avec le cheval. Apprenez donc avoir « une main de fer dans un gant de velours…» 

Sportivement vôtre, Éric”