Des rencontres de l’endurance pour le développement et la pérennisation de la discipline
Les 1 et 2 décembre, une centaine de participants se sont retrouvés au Parc équestre fédéral de Lamotte-Beuvron pour les rencontres de l’endurance. Cavaliers, officiels, organisateurs, dirigeants ou passionnés ont pu échanger et débattre sur l’avenir de la discipline.
Alors que le sport équestre ne cesse d’évoluer, la discipline de l’endurance se réinvente pour attirer de nouveaux compétiteurs, mais également de se questionner sur la pérennisation des événements et des nouvelles pistes à explorer. La dernière édition de ces rencontres remontait à 2019. Grâce à aux cavaliers amateurs et de haut niveau, officiels, organisateurs de compétition ou encore dirigeants de clubs réunis au Parc équestre fédéral, ils ont pu échanger, débattre et définir un projet d'avenir pour la discipline. Les différents sujets ont été abordés lors des assemblées et tables rondes interactives avec plusieurs intervenants spécialistes. Les échanges étaient encadrés par Michel Faucon, président de la commission fédérale endurance, Tiffaine Vermeulen, référente pour la discipline de l'endurance au Comité fédéral FFE, Jean-Michel Grimal, sélectionneur national et membre de la commission fédérale endurance, ainsi que Martin Denisot, conseiller technique national.
La question du bien-être animal
Déborah Bardou, présidente de la commission Bien-être animal à la FFE, est intervenue sur cette thématique primordiale : “Le regard de la société évolue. Il est important d’expliquer ce que l’on fait, ce qui est logique pour nous ne l’est pas forcément pour des personnes lambdas. Il faut s’approprier le sujet pour savoir en parler et apprendre à mettre des mots sur ce qui n’est pas toujours quantifiable.”
Les participants ont été invités à mentionner des faits ou actes qu’ils estiment incompatibles avec le bien-être des chevaux en compétition. La vitesse excessive, une mauvaise gestion de l’effort, le surentraînement des chevaux, le dopage ou encore le fait que des cavaliers soient mal formés sont les principaux arguments qui sont ressortis. Des propositions d’évolutions ont pu être proposées autour des tables rondes interactives : augmenter la distance des boucles pour réduire la vitesse, avoir un niveau minimum ou un parrain pour participer à sa première course, former les cavaliers et les moniteurs, valoriser les chevaux avec un prix de la meilleure condition, accentuer les contrôles anti-dopage des cavaliers et chevaux en courses, rendre le briefing obligatoire lors de la remise des dossards pour la sécurité, réaliser des études sur la nature et la gravité des boiteries, parmi d’autres.
Tous se sont accordés pour pointer l’importance de mieux communiquer sur tout ce qui se fait de bien au sein de la discipline, d’avoir une approche pédagogique sur l’importance du contrôle vétérinaire, l’entraînement du cheval d’endurance, etc. Pour conclure, Déborah Bardou a évoqué l’urgence d’“évoluer et de se remettre en question, sans repartir de zéro mais en intégrant les connaissances nouvelles pour changer les manières de faire et améliorer les choses. La politique de l’autruche mène à un échec rapide, il faut savoir écouter et prendre en compte les opinions de chacun. Nous sommes aujourd’hui à un stade où il faut agir et proposer des évolutions pour faire perdurer la discipline.”
Les épreuves à Vitesse Régulée au cœur des discussions
Pour proposer aux Amateurs des épreuves plus attractives que les vitesses imposées, des épreuves à Vitesse Régulée (VR - vitesse limitée sur la piste à 16km/h, que les organisateurs peuvent réduire entre 12 et 16km/h suivant leur terrain et sa topographie) avec une entrée dans l’aire vétérinaire à chaque étape et à l’arrivée ont été créées. Le classement d’une épreuve à Vitesse Régulée se fait selon l’ordre d’entrée dans l’aire vétérinaire lors du contrôle final de l’épreuve.
La gestion du grooming, le respect du cheval et de la vitesse pour une entrée rapide et une meilleure visualisation du classement pour les spectateurs et les participants seront les avantages proposés pour l’instant en Amateur 3 VR 40 km et Amateur 2 VR 60 km. Ils feront l’objet d’un apprentissage pour les cavaliers. De nombreux échanges et débats concernant cette création d’épreuve ont été enregistrés. Une phase de test est programmée en 2023 avant un potentiel développement à d’autres catégories.
Endurance et environnement
Joëlle Colosio, directrice des territoires ADEME (Agence pour la transition écologique), a évoqué cette autre thématique qu’il est nécessaire aujourd’hui de prendre en considération. Les participants ont été questionnés sur les faits ou actes en compétition qu’ils estiment incompatibles avec la protection de l'environnement. Sans surprise, l’utilisation de l’eau et la gestion de l’assistance (kilomètres effectués par les assistants, leur nombre) sont majoritairement ressortis.
Des tables rondes interactives ont permis de proposer des solutions d’évolutions de la discipline en faveur de la protection de l’environnement. Un vote s’est tenu et des modifications réglementaires devraient avoir lieu, telles que la sanction systématique des assistances sauvages et du jet de déchets dans la nature, l’interdiction de l’utilisation de la glace en dessous de 25°C ou encore la limitation du nombre d’assistants à deux par cavalier.
La nécessité de développer la discipline
L’épreuve Initi’Endurance a été mise en place cette année avec pour but de faire découvrir l’endurance de manière éducative et simple, à tous les cavaliers souhaitant s’initier à l’équitation d’extérieur. Cette épreuve peut s’inscrire dans le projet pédagogique d’un enseignant de club, et permet aux cavaliers de ressentir le plaisir de trotter et galoper dans la nature en compagnie d’autres camarades, tout en cherchant à mieux connaître, respecter et soigner son poney/cheval.
Définir une position française à l’international
Le dernier règlement de la Fédération équestre internationale (FEI), publié en 2019, fait l'objet de nombreux échanges sur le terrain. La prochaine modification d’envergure de ce règlement aura lieu le 1er janvier 2024, et chaque fédération doit faire ses propositions avant mars 2023.
La France propose :
· Pour les cavaliers, disposer du statut Élite à vie.
· Faciliter l’accès des couples au niveau 3*, car la qualification est difficile pour les cavaliers non Élites : prendre en compte les CEI 1* et 2* pour la course en couple.
· Limiter le coût de l’engagement, box inclus, pour les CEIO et championnats.
· Permettre aux IGA (Independent Governance Advisors) d’officier sur la compétition comme juges (ou autre) puisqu’ils connaissent parfaitement le règlement.
Tiffaine Vermeulen, référente pour la discipline de l'endurance au Comité fédéral FFE
“Les échanges étaient très riches, avec un large public orienté vers le même objectif : produire des choses simples pour faire évoluer positivement la discipline. Il y a eu plein d'idées sans être dans la critique, c’était très agréable. J’ai apprécié que les gens s’écoutent, se questionnent, défendent leurs positions en comprenant celles des autres. Le but est de faire évoluer la discipline, les chevaux. Les échanges nous ont apporté énormément de pistes de travail. Plein d’évolutions peuvent être mises en place avec une vraie volonté de faire progresser chacun. Le bien-être des chevaux a également été au centre des préoccupations. J’espère que la nouveauté des épreuves à vitesse régulée va fonctionner. C’est très discuté, mais je pense que c’est pour le bien-être de chacun et que cela va donner des objectifs à ceux qui ont fait quelques courses puis ont arrêté, n’ayant pas des chevaux avec un cardio extraordinaire. En effet, ils ne peuvent s’imposer sur des épreuves à vitesse imposée, n'ont donc pas de bons résultats même en courant au maximum. La vitesse régulée pourra pousser à aller chercher des formations et de la qualité dans le travail du cheval.”
Michel Faucon, président de la commission fédérale Endurance
“Pour moi, c’était très constructif. La commission va maintenant travailler sur ce qui a été demandé. Tout n’aboutira pas mais c’est une bonne avancée pour la discipline. Le souhait de la commission est de faire progresser le circuit Amateur, et Club par la même occasion, mais aussi de faire venir du monde dans la discipline, qui traverse actuellement une crise comme d’autres peuvent en traverser : hausse des coûts de l’énergie qui impacte les déplacements, des organisateurs plus fébriles face aux difficultés économiques et environnementales, etc.”
Jean-Michel Grimal, sélectionneur national et membre de la commission fédérale Endurance
“Je suis content que cet événement ait rencontré un franc succès et qu’il y ait eu autant de monde ; cela montre l’implication de chacun. Les échanges étaient constructifs, à nous d’analyser les résultats et de proposer des solutions. Pour le haut niveau, le règlement favorise l’esprit français, la notion de couple, de performance, la longévité des chevaux. Il y a quelques modifications à apporter comme un accès simplifié au niveau 3* avec juste une course en couple réalisée en 1*, peaufiner le règlement sur quelques points comme la taille des mors. Je regrette que peu de cavaliers de haut niveau aient fait le déplacement, ce sont souvent les premiers à critiquer et ils ne sont pas là quand on leur donne la parole. Il y avait une compétition en Espagne, où plusieurs cavaliers français s’entraînent, puis les saisons sont tellement longues que lorsqu’ils peuvent faire un break, ils en profitent. Ils ne sont qu’à moitié excusés. Concernant l’avenir de l’endurance, nous subissons comme partout l’inflation des prix, et j’ai peur que cela ne devienne une sélection par l’argent. Par exemple, s’il n’y a plus de commerce, seuls ceux qui ont des propriétaires investis pourront concourir.”
Sandrine Houis, dirigeante de l’écurie du Vièvre (27)
“La configuration en tables rondes interactives était bien et a favorisé les échanges, contrairement au fonctionnement d’il y a trois ans. Le choix des sujets a permis de bien avancer. Pour moi, les épreuves à vitesse régulée sont un peu à repenser, je ne vois pas trop l’intérêt au niveau Amateur. Par contre, au niveau Club, cela prépare au circuit Amateur et fait découvrir une autre endurance avec différents styles d’épreuves. Cela permettrait de créer un palier de progression et d’arriver sur 80 km vitesse libre avec une certaine expérience, que cela soit plus facile. L’endurance apporte beaucoup aux cavaliers, comme un regard sur le cheval car sur une journée de course il y a un suivi vétérinaire, mais aussi beaucoup d’autonomie pour s’occuper des chevaux, faire les soins et repérer les petits bobos. Cela forme au bien-être des chevaux. Ce sont aussi des cavaliers qui n'ont pas peur de la vitesse et sont toujours dans le mouvement en avant lorsqu’ils réalisent un tour d’obstacles par exemple.”
Caroline Cabardos, organisatrice du Concours International d'Endurance de Fontainebleau (77)
“Ce temps d’échanges et de rencontres était très positif. Nous concernant, cela va être un peu tôt pour mettre en place les épreuves à vitesse régulée puisque fin mars nous n’accueillons que des épreuves internationales 1*, 2* et 3* ainsi que des épreuves de 80 km vitesse libre. Par contre, nous pouvons étudier l’option des départs légèrement décalés, pour que ceux qui veulent partir plus tranquillement ne se fassent pas aspirer par le groupe de tête ; c’est à revoir avec le staff fédéral. L’aspect sécurité me tient tout particulièrement à cœur. Il faut impérativement sensibiliser les cavaliers, et tout particulièrement ceux qui viennent à Fontainebleau, qui est une forêt extrêmement fréquentée. Nous avons eu un accident en octobre et il sera impératif, en mars prochain, que les cavaliers ralentissent et repassent au trot quand ils croisent des usagers de la forêt, que ce soit des promeneurs, des vététistes ou d’autres cavaliers de loisir. Ce respect est primordial pour la sécurité des cavaliers, le bien-être des chevaux et l’image de l’endurance qui est renvoyée au public. Il en va de la pérennité de la compétition et de notre discipline.”