L’élevage des Forêts s’écrit en capitales à Saint-Lô, où le Selle Français a approuvé beaucoup de mâles

Après Riverland en 2021, c’est l’élevage des Forêts qui a réussi un carton plein cette semaine à Saint-Lô, à l’occasion des championnats des mâles de deux et trois ans organisés par le Stud-book Selle Français. Après le sacre de Jet des Forêts mercredi, Fabrice Paris a de nouveau connu la joie d’un titre hier grâce à Kasallito des Forêts. Vingt-huit et des soixante candidats de deux ans ont obtenu leur approbation, s’ajoutant aux quarante-six heureux élus de trois ans, ce qui suscite de légitimes questions en matière de sélection.



Trop d’étalons approuvés?

Hier, les mâles de deux ans ont disputé leur championnat, avec à la clé le droit à reproduire pour le Stud-book Selle Français. Soixante chevaux, issus des qualificatives automnales, ont été jugés au saut en liberté avant d’être expertisés au modèle et aux allures en liberté. Au final, vingt-huit ont été approuvés, soit près de la moitié du contingent, ce qui peut sembler beaucoup. Après les quarante-six mâles de trois ans approuvés, ou ayant confirmé leur agrément la veille, le Stud-book Selle Français semble avoir fait preuve de largesses. Tous ces mâles méritent-ils vraiment de reproduire? D’aucuns argueront que plus on en approuve, moins on risque de passer à côté d’un bon sire. Certes, mais si l’on suit cette logique jusqu’au bout, alors autant permettre à tous les mâles de saillir.

Pour autant, cela ne garantirait pas de passer à côté d’un bon étalon. Pour avoir une chance de prouver ses qualités de reproducteur, un étalon doit pouvoir engendrer un nombre assez conséquent de poulains. Or, plus il y a d’étalons agréés, plus leur nombre moyen de saillies diminue. Cela n’impacterait pas sur les stars, bien promues, qui attireront toujours un nombre suffisamment important de juments pour qu’on puisse rapidement déceler ceux qui sont réellement améliorateurs. En revanche, cela nuirait à d’autres reproducteurs moins “tape-à-l’œil” ou dont la semence serait commercialisée avec une communication moins efficace, mais néanmoins très sérieux, qui ne pourraient pas bénéficier d’un nombre suffisant de saillies. Même si la sélection se fait d’elle-même et qu’on peut compter sur les éleveurs pour séparer le bon grain de l’ivraie – sans référence à l’élevage de Stéphane Challier dont on reparlera un peu plus loin –, plus il y a d’ivraie, moins il est facile de trouver le bon grain. 

Certes, beaucoup de mâles approuvés seront très vite oubliés, parce qu’ils ne performeront pas en compétition et que leurs rares poulains ne se feront pas particulièrement remarquer, mais, durant quelques années, ils auront servi les juments de leurs propriétaires et de quelques copains. Cela ne représente peut-être que trente ou quarante juments saillies sur toute leur carrière à l’élevage, mais, multiplié par le nombre d’étalons qui, en d’autres temps plus stricts, n’auraient peut-être pas obtenu leur approbation, ou en tout cas avant d’avoir prouvé leurs qualités sportives sur les terrains de concours, cela commence à représenter un nombre conséquent de juments. 

Le Stud-book Selle Français a pris des mesures louables en faveur de l’encouragement à l’utilisation des jeunes étalons, afin de favoriser le progrès génétique. Cependant, va-t-on vraiment dans le bons sens en approuvant tant de jeunes étalons? Lorsqu’un stud-book se montre assez drastique dans sa sélection, il envoie un message fort aux éleveurs. Il leur indique les jeunes étalons qui ont semblé, aux yeux des juges, des humains qui ne sont pas infaillibles et ont toujours le droit se tromper, les plus à même de pouvoir apporter quelque chose d’intéressant à la jumenterie de ses adhérents. En réduisant le panel d’approuvés, on incite vraiment les éleveurs à utiliser massivement ce qu’on a jugé être, ce jour-là, la crème de la crème. Ces jeunes pourront alors honorer suffisamment de juments lors de leurs premières années de monte afin que l’on puisse vite évaluer les qualités et défauts qu’ils transmettent, se faire une idée de leurs qualités, mais aussi mieux identifier la jumenterie à leur adresser. Lorsqu’on approuve trop généreusement, non seulement on réduit mécaniquement le nombre moyen de saillies de chaque étalon, mais on brouille surtout le message envoyé aux éleveurs, qui risquent de se retrouver perdus ou de perdre confiance dans le processus de sélection de l’association nationale de race. 

De nombreux éleveurs présents à Saint-Lô ont soulevé ce sujet. Parmi les nombreux représentants de livres de race étrangers venus dans la Manche, André Nepper, président du Selle Luxembourgeois et membre de nombreux jurys d’expertise, souligne que ce problème devient récurrent presque partout en Europe. Si les juges refusent l’approbation à un cheval, ses éleveurs vont aller le présenter à la commission d’approbation d’un autre stud-book, et ainsi de suite jusqu’à ce que leur cheval soit agréé. Quand un cheval a été refusé par un stud-book, il ne devrait pas pouvoir se présenter à une autre expertise la même année. Malheureusement, les stud-books sont aussi soumis à des réalités économiques, et leurs adhérents abondent en grande partie à leur budget de fonctionnement. Dès lors, plutôt que de voir un étalon partir servir un autre stud-book, autant l’approuver et qu’il saillisse pour le nôtre.” S’il regrette la généralisation de cet état de fait, André Nepper l’estime quasiment irréversible. Les stud-books, et notamment le Selle Français, autrefois largement soutenu par l’État, bénéficient de moins en moins de subventions et doivent donc réussir à maintenir un nombre assez conséquent d’adhérents pour sécuriser une partie de son budget mais aussi attirer des partenaires privés.

On comprend parfaitement ces réalités économiques, et il n’est pas question de jeter la pierre au Selle Français, s’agissant d’un problème généralisé dans un marché européen toujours plus ouvert, mais il faudrait peut-être réfléchir au bien-fondé de cette générosité des juges au regard de la volonté collective de favoriser l’amélioration de l’élevage hexagonal.



Kasallito offre le doublé à Fabrice Paris

Parmi les nouveaux mâles de deux ans approuvés, on compte trois fils de Casall, Conthargos, Armitages Boy et Qlassic Bois Margot. Mylord Carthago en compte deux, tout comme Catoki. Si l’on confond les générations 2019 et 2020, Qlassic est le plus en vue avec huit fils approuvés contre cinq pour Casall et Untouchable 27, et quatre pour Mylord et Ogrion des Champs.

Avec une moyenne de 18,01, Kasallito des Forêts a été sacré champion, non sans une certaine émotion pour son naisseur, Fabrice Paris, qui a obtenu son deuxième titre en deux jours après avoir celui de Jet des Forêts. Fils du Holsteiner Casall et de Volvic des Forêts par le KWPN Lupicor, Kasallito est un cheval imposant, d’un bon gabarit à deux ans, qui montre beaucoup de force et a été crédité de la meilleure note au saut en liberté: 17,87. Il est issu de la même souche basse que Jet, mais par des branches qui se sont éloignées. Leur première ancêtre commune est Mayflower III (SF, Uriel x Ibrahim), la jument base de cet élevage manchois, quatrième mère de Kasallito et présente à la sixième génération chez Jet. Cette souche a donné de très grands gagnants tels les SF Lavillon (ISO 164, Diamant de Semilly), Seurat Galotière (ISO 165, Iowa), Un Diamant des Forêts (ISO 166, Diamant de Semilly), Ulysse des Forêts (ISO 166, Col Canto), Vagabon des Forêts (ISO 169, Corofino), Nicos de la Cense (ISO 173, Eyken des Fontenis) et bien sûr Quamikase des Forêts (ISO 181, Mr Blue), rebaptisé VDL Zirocco Blue, sacré champion d’Europe par équipes à Aix-la-Chapelle en 2015 avec le Néerlandais Jur Vrieling.

C’est donc un doublé pour l’élevage des Forêts, après celui réalisé l’an passé par l’élevage de Riverland. Un affixe que l’on retrouve cette fois à la deuxième place grâce à Katoki de Riverland (Catoki, Holst x Action-Breaker, BWP) avec 17,92. Katoki est un frère utérin d’Itoki (Candy de Nantuel*GFE); champion des deux ans puis de trois ans, avant de finir troisième du championnat des quatre ans en septembre dernier à la Grande Semaine de Fontainebleau. Ils sont issus de la souche très connue qui a notamment donné le célèbre et génial Itot du Château (ISO 193, Le Tot de Semilly). Né dans le Finistère, chez Alexandra Klouytten, Kyo de Biéville a pris la troisième place. C’est un fils de Cornet Obolensky et Andalie de Biéville (Kannan), sœur utérine de Vahiné de Bieville (ISO 152, Robin II Z), performante jusqu’à 1,50 m avec Margaux Rocuet.

À signaler également l’approbation d’un Anglo-Arabe. Joli petit cheval non dénué de qualités, Kraquant d’Ivraie est un pur produit de l’élevage de Stéphane Chalier. C’est un fils de Cyann d’Ivraie (Dollar dela Pierre x Cook du Midour) et de Caouette d’Ivraie par Scandale d’Ivraie. Issu de la très bonne famille d’Uzel de la Tour (Matador, AA), Kraquant est le fruit du croisement de trois des bonnes souches Anglo valorisées par l’éleveur du Cantal, et on retrouve dans son papier quelques-unes des plus grandes matrones du stud-book AA. 

Liste complète des étalons de deux ans approuvés

Kasallito des Forêts (Casall x Lupicor)

Kasallito des Forêts (Casall x Lupicor)

© DR Selle Français