“Le désordre est notre ennemi commun”, écrivent l’ASEP, le Selle Français et la Fadeteq dans une lettre ouverte

Face au développement continu du commerce parallèle de semence d’étalons, Denis Hubert, président de l’Association syndicale des étalonniers privés (ASEP), Julien Blot, président de la Fédération des acteurs du développement des techniques modernes de reproduction (Fadeteq) et Pascal Cadiou, président du Stud-Book Selle Français, ont adressé une lettre ouverte aux centres d’insémination, dont voici l’intégralité du contenu.



“Chers amis,
Depuis l’autorisation du recours à l’insémination artificielle pour les chevaux de sport en 1983 s’est développé en France un réseau de centres de prestations de services et de mise en place de semences fraîches, réfrigérées et congelées et vous êtes aujourd’hui plus de six cents à offrir ces services. Au cours de ces quarante années, le nombre d’acteurs pour la récolte et le traitement de la semence réfrigérée et congelée a augmenté de même que le nombre d’étalonniers qui, traditionnellement, vous confiaient la semence de leurs étalons pour vous permettre d’obtenir des gestations tout en restant propriétaires des paillettes non utilisées.



En parallèle à cette pratique qui reste largement majoritaire à ce jour, s’est développé un commerce de paillettes vendues par certains étalonniers à des éleveurs désireux de prendre le risque de payer pour rien en espérant faire des économies en utilisant judicieusement ces paillettes. Très vite, ce commerce a concerné des centres d’insémination et des ‘grossistes’ qui les revendent ensuite. Rien qu’à l’échelle française, il peut y avoir jusqu’à plus d’une dizaine de personnes physiques ou morales qui revendiquent la propriété de paillettes de certains des étalons les plus renommés. C’est un état de fait sur lequel il ne s’agit pas de revenir mais qui nécessite une vigilance accrue de tous les acteurs de bonne foi pour éviter de voir s’installer et se développer des dérives qui peuvent devenir inquiétantes.



Pour des raisons de santé publique et de traçabilité sanitaire, l’Europe a établi des règles concernant la production, la circulation, le stockage et l’utilisation des gamètes (semences et embryons) des animaux domestiques (références 2021/880 et 2021/403 de la loi de santé animale). Ces règles sont méconnues des acteurs de l’insémination artificielles et donc peu respectées. Les sanctions prévues en cas de non-respect de ces règles varient d’un pays à l’autre mais elles sont partout potentiellement très sévères (amendes, fermetures administratives, saisies de stocks, etc.). Nous vous avions déjà alerté à ce sujet début 2021, mais la situation reste préoccupante. Concrètement, il est facile d’agir dans la légalité en respectant les pratiques ci-dessous: 

A) Vous recevez des paillettes directement du centre français qui les a produites. Elles sont présumées répondre aux obligations sanitaires et avoir été stockées dans de bonnes conditions. En cas de contrôle, le centre producteur pourra vous en apporter la preuve et le vendeur de la saillie sera en mesure de vous délivrer les documents vous permettant de la déclarer – c’est votre responsabilité règlementaire de vous assurer que ces documents sont disponibles et c’est vous qui serez concernés en cas de contestation ultérieure. Vous pouvez stocker et utiliser ces paillettes sans problèmes.

B) Les paillettes ne proviennent pas du centre producteur mais vous sont apportées par un éleveur ou envoyées par un autre centre de stockage. Deux cas de figure sont alors possibles:
1) Les paillettes ont été produites par un centre français et vous obtenez de l’expéditeur la preuve qu’elles n’ont jamais quitté le territoire et la certitude que les documents permettant de déclarer la saillie sont disponibles. Vous êtes alors dans la situation A.
2) Les paillettes ont été produites dans un autre pays ou sont susceptibles d’avoir transité par un autre pays. C’est très souvent le cas pour les paillettes achetées sur internet ou les réseaux sociaux. Elles doivent alors obligatoirement être accompagnées d’un certificat sanitaire de modèle TRACE qui doit être présenté en cas de contrôle et qui sera nécessaire pour obtenir les documents de saillie. En cas de non-respect de ces obligations c’est vous et non l’expéditeur qui serez considérés comme fautifs et tenu pour responsables! C’est pourquoi, dans ce cas, nous vous recommandons de n’accepter de stocker et d’utiliser ces paillettes qu’après avoir obtenu les documents en question.



Bien évidemment, les raisons de santé publique ne sont pas les seules qui nous amènent à vous adresser ce courrier. Les parcours de paillettes A) et B1) décrits ci-dessus sont garants d’un respect probablement sérieux de la chaîne du froid qui est essentiel à la qualité du sperme. Ils sont aussi garants de la traçabilité de la propriété des paillettes au stade de leur parcours qui les amène chez vous: un propriétaire légitime de semence n’aura pas de problèmes à obtenir les duplicatas de certificats TRACE et les documents de saillie et ce n’est que si le parcours des paillettes comporte des ‘zones grises’ que ce sera plus difficile.



Notre collaboration historique est fondée sur la confiance mutuelle et le désordre est notre ennemi commun. C’est pourquoi nous faisons appel à vous pour être vigilants dans le respect des ‘règles du jeu’ et vous en remercions à l’avance. Dans cette perspective, nous vous adressons pour 2023 nos meilleurs vœux de réussite professionnelle et vous souhaitons une belle année à titre personnel.”