Ces métiers en plein boom

S’il existe des métiers traditionnels liés à l’industrie équestre, de nombreuses activités professionnelles se sont développées ou sont apparues ces dernières années du fait de l’évolution de la société et de ses besoins et aspirations. De fait, de multiples opportunités, notamment liées au bien-être animal, à l’écologie et aux réseaux sociaux, s’offrent aux jeunes passionnés.



Dans le monde du cheval, certains métiers semblent des évidences, comme ceux de moniteur, palefrenier, maréchal-ferrant ou sellier-harnacheur, quand d’autres, auxquels on pense moins, sont pourtant porteurs. Avec l’évolution des mœurs, des pratiques sociales et des attentes des équitants, certaines professions s’avèrent de plus en plus porteuses sur le marché du travail. Ainsi, l’avènement des réseaux sociaux et la volonté de démocratiser l’équitation donnent la part belle aux communicants et aux commerciaux. D’autre part, le bien-être animal étant devenu une véritable cause populaire, les métiers liés au soin, comme ceux d’ostéopathe, masseur, communicant animalier, nutritionniste, éthologue et expert en biomécanique (développement de maté- riel ultra-performant allant dans le sens du confort optimal du cheval et du couple qu’il forme avec son cavalier) ont vécu un véritable boom. Davantage vouée au bien-être humain, l’équithérapie s’est également développée. Le grand philosophe et historien grec Xénophon lui-même n’énonçait-il pas déjà au Ve siècle avant J.C. : « Le cheval est un bon maître, non seulement pour le corps, mais aussi pour l’esprit et le cœur.» Citons encore les nécessaires préoccupations écologiques et la volonté des collectivités de s’inscrire dans la lutte contre le dérèglement climatique qui ont (r)ouvert la porte aux métiers utilisant l’animal à la place d’un véhicule motorisé, à l’instar des gardes à cheval et de la traction animale.



Soigner le cheval : la base

Bien qu’il existe pléthore de nouvelles activités liées au bien-être, les métiers traditionnels de la santé équine se trouvent encore dans une situation dite de tension, c’est-à-dire qu’ils recrutent, comme les maréchaux-ferrants, les vétérinaires ou les dentistes équins. Quelle que soit son utilisation, et qu’importe la qualité de sa santé, un cheval doit en effet être vacciné et voir le dentiste régulièrement, par exemple. Les métiers afférents ne seront donc jamais en danger et cherchent continuellement de nouveaux praticiens. Rappelons que l’absence de contrôles dentaires réguliers peut provoquer non seulement des douleurs locales dues à un inconfort, mais également des problèmes de santé majeurs vis-à-vis de l’assimilation de l’alimentation et de la locomotion. De plus, certains de ces métiers ont évolué dans leur pratique. Par exemple, la mode des pieds nus (comprendre sans ferrure) dans le sport de haut niveau comme dans l’équitation de loisir a pu modifier la formation, l’approche et surtout la pratique de certains maréchaux-ferrants. Ces métiers nécessitent des études plus ou moins longues : minimum sept ans pour devenir vétérinaire, avec la possibilité de recevoir une formation supplémentaire en dentisterie équine (mais il est également possible de devenir, au travers d’un parcours simplifié, auxiliaire vétérinaire); deux ans pour la formation de base en maréchalerie – Capa (Certificat d’aptitude professionnelle agricole), BTM (Brevet technique des métiers) –, mais ces études peuvent être poussées beaucoup plus loin, notamment jusqu’à une formation dispensée par le Cirale (pôle équin normand de l’École nationale vétérinaire d’Alfort) ; dix- huit mois minimum sont nécessaires pour une formation en dentisterie (on parle, plus précisément, de «technicien dentaire équin»), et pour pouvoir exercer en toute légalité, il faut avoir obtenu un diplôme auprès d’une école agréée par la FFTDE (Fédération française des techniciens dentaires équins). 



Le bien-être avant tout

Ces métiers incontournables autour de la santé du cheval mènent à une considération de plus en plus fondamentale: le bien-être animal. Ainsi, au fur et à mesure de la prise de conscience individuelle de l’importance absolue du respect des besoins fondamentaux de l’animal afin de garantir, bien au-delà de son entretien, son bien-être quotidien, des métiers annexes deviennent de plus en plus indispensables et intensément recherchés par les propriétaires de chevaux : ostéopathe, masseur, communicant animalier, magnétiseur, etc. Ainsi, Gaëlle Desroches, dirigeante de Horse-Well Formation, explique qu’elle « propose des cursus de formations professionnelles en présentiel et en distanciel pour se préparer au métier de masseur bien-être équin. L’enseignement porte évidemment sur le massage, l’anatomie, la connaissance de l’animal au sens très large, mais je fais aussi intervenir des spécialistes de techniques complémentaires, comme le saddle fitting, le shiatsu, la méthode Masterson, les soins énergétiques, ou des spécialistes de la locomotion du cheval... J’aime que mes élèves s’ouvrent largement à toute la culture du bien-être animal. Le métier est émergent, et est aujourd’hui surtout porté par des entrepreneurs, bien que le salariat fasse doucement son apparition. Il y a de la place pour toutes celles et ceux qui travail- lent bien et qui osent. Dans le respect du cheval bien sûr, de son propriétaire et du cadre réglementaire. » 

Certains de ces métiers, désormais bien ancrés dans nos quotidiens, sont réglementés et nécessitent l’obtention d’un diplôme certifié par l’État pour être exercés, à l’instar de celui d’ostéopathe. D’autres non, ce qui n’empêche pas d’acquérir compétences et crédibilité; il faut, pour cela, simplement frapper à la bonne porte. Pour Gaëlle Desroches, cela peut être une chance : « Notre profession n’est pas réglementée. C’est un atout formidable qui permet une bonne adéquation entre le projet professionnel et le cursus de formation puisque chacun peut construire son parcours. Il y a sur le marché´ plusieurs écoles (mais aucun titre ou diplôme officiel reconnu par l’État français). La contrepartie, c’est que le discours n’est pas cadré et que certains flirtent avec les limites du cadre règlementaire... Cela induit un flou et un déficit d’image. C’est préjudiciable au développement du marché. Il va être temps de fédérer de manière objective et d’offrir un cadre à notre métier. Nous n’intervenons jamais dans le champ de la thérapie, donc nous ne sommes pas soumis au contrôle de l’Ordre des vétérinaires. Leur position dans ce domaine est claire. Nous sommes hors de leur champ de compétences. À partir de là, il va falloir qu’une entité puisse d’abord fédérer avant de pouvoir coordonner de véritables actions de promotion.» 

La nutrition fait partie des éléments clés du bien-être animal. Pour preuve, l’industrie de la complémentation et de la supplémentation alimentaire ne connaît pas de crise. « Un esprit sain dans un corps sain », dit l’adage... Aujourd’hui, de nombreuses recherches sont effectuées pour améliorer la façon dont on alimente les équidés au-delà de leurs besoins de base auxquels répondent l’herbe et le foin. C’est ainsi que se développent les compléments alimentaires sous forme de granulés ou d’aliments floconnés, CMV (complément minéral vitaminé), suppléments visant à optimiser les apports de la ration dans un but précis (ges- tation, digestion, locomotion, etc.). On peut embrasser cette voie en étant vétérinaire ou ingénieur agronome. Sont également plébiscitées les formations en naturopathie et phytothérapie. 

Le bien-être comprend également l’éducation du cheval au quotidien et celle de son cavalier, de manière à évoluer dans l’harmonie et la sécurité. Il est donc impossible de ne pas mentionner dans ce dossier les métiers gravitant autour de l’éthologie, autrement dit de l’étude du comportement animal dans son environnement naturel. Les éthologues se basent sur ces observations pour éduquer les individus au moyen de codes qu’ils comprennent. Pour exercer dans ce secteur, il faut valider des savoirs auprès de structures spécialisées (avec un Brevet fédéral équitation éthologique (BFEE) 1 et 2. À ce sujet, l’éthologue Ludovic Fournet, qui a lancé il y a un an avec succès sa plateforme de formation en ligne intitulée Instinctive Horse Training Concept, livre ses conseils : « Je pense que l’éthologie a vraiment de l’avenir. Les gens sont de plus en plus en demande car ils ont pris conscience de l’importance du bien-être du cheval et du couple qu’il forme avec son cavalier, basé sur la compréhension mutuelle, l’harmonie et la sécurité. Toutefois, je dirais que si l’on veut percer dans ce milieu, il faut vraiment être capable de proposer quelque chose en plus et de se démarquer, en voyageant et en allant découvrir la façon dont travaillent les maîtres en la matière aux quatre coins du monde. En bref, il faut accumuler de l’expérience en dehors de l’école. Avoir aussi ses propres chevaux, afin de pouvoir expérimenter, même si cela semble évident. Les cinq chevaux que j’ai éduqués et ce que je parviens à faire avec eux constituent la meilleure carte de visite possible. Je pense qu’il est important de préciser que l’essentiel de ce travail consiste à éduquer l’humain davantage que le cheval.» Il est également possible d’aller plus loin en la matière, en passant par exemple un diplôme universitaire (DU) dédié (bac+2) ou en poussant même jusqu’à une thèse, à l’instar de Léa Lansade, auteure d’une thèse de doctorat en biologie à l’université de Tours dédiée au tempérament du cheval, et qui est aujourd’hui membre de l’équipe de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE), rattachée à l’Inrae (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement) du Val-de-Loire. 




Des métiers qui s'inscrivent dans une démarche écologique et solidaire

Plus atypiques, mais ô combien intéressants et gagnant à être connus, de plus en plus de métiers s’inscrivent dans une démarche de lutte contre le dérèglement climatique. Citons, d’une part, le métier de garde équestre (écogarde) et, d’autre part, le secteur de la traction animale. Le garde équestre forme une équipe avec son cheval, sur le dos duquel il patrouille. Ses missions peuvent aller de la surveillance des sites naturels à celle des municipalités. Il est aussi possible d’entrer, en respectant les règles d’intégra- tion, dans la police ou la gendarmerie na- tionale afin de devenir un véritable militaire intégré à la Gendarmerie nationale, force armée française sous la tutelle du ministère de l’Intérieur. Comme les autres gendarmes, celui à cheval exerce en général trois types de missions : missions de police judiciaire, police administrative et de défense militaire. Jean-Pierre Mandziara, directeur de l’École garde équestre, explique que « le garde équestre réalise des patrouilles dans les villes, campagnes et bords de mer, et fait de la prévention, de la surveillance, et même parfois de la répression si nécessaire. Nous formons les gens au métier généraliste de garde équestre, qui peut se retrouver sur différents postes comme écogarde, garde littoral, garde des bois, garde des parcs et forêts, agent de sé- curité, A.S.V.P (agent de surveillance de la voie publique), policier municipal... Plusieurs de nos élèves ont pu passer le concours de gendarmerie et devenir gendarmes à cheval. Évidemment, le métier de garde équestre ne se limite pas à la réalisation de patrouilles ; il faut également continuer à entraîner son cheval, entre autres à la désensibilisation, afin d’avoir un binôme de patrouille qui peut passer partout et sans crainte. Nous avons un taux de retour à l’emploi de 80 %. Régulièrement, des élèves décrochent un contrat de travail avant la fin de leur formation. Une cinquantaine d’offres (en CDI, CDD ou saisonnier) parais- sent chaque année. » On notera que pour demander à être intégré dans une brigade de gendarmes à cheval, il faut avoir un niveau Galop 5 en équitation. La brigade équestre du château de Versailles exige, quant à elle, un niveau minimum Galop 6. Aujourd’hui, il existe mille gendarmes à cheval sur toute la France, parmi lesquels les femmes sont encore peu nombreuses... 

Quant à la traction animale, activité extrêmement ancienne puisque pratiquée avant la révolution industrielle, il est possible de devenir meneur en tant que débardeur laboureur ou agriculteur laboureur, autrement dit exercer son activité grâce à des équidés de traction à la place de véhicules motorisés. Si les nouveaux modèles ont réduit par cent quatre-vingts pourcents leurs émissions de gaz à effet de serre par rapport à ceux d’il y a vingt ans, sous la pression des nouvelles normes européennes et au fil des innovations de l’industrie automobile, les tracteurs représentent la source de polluants la plus importante du secteur non routier. De fait, le retour à une traction animale, non-émettrice de CO2, est de plus en plus plébiscité par les agriculteurs, les collectivités locales et même les acteurs de l’événementiel. 

Intimement liés aux dernières professions citées, puisqu’œuvrant également pour la préservation d’une connexion essentielle, les métiers du lien entre l’humain et l’animal se sont considérablement développés. Aujourd’hui, un jeune à la fois passionné de cheval et intéressé par le social peut se tourner vers l’accompagnement de personnes en difficulté via, par exemple, l’équithérapie ou l’équicie. Contrairement à la première, constituant un véritable soin psychique dispensé à une personne dans ses dimensions psychiques et corporelles par le biais du cheval, et qui est donc généralement pratiquée par des diplômés du soin comme des psychologues, psychomotriciens, éducateurs spécialisés ou kinésithérapeutes, l’équicie n’a pas de vocation médicale, même s’il s’agit d’une pratique adressée à des personnes atteintes d’une déficience, d’un handicap (moteur, mental, sensoriel et/ou social), d’un polyhandicap ou d’une souffrance passagère ou durable. L’équicie est pour autant un métier reconnu depuis 2014 au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Ces activités ont pu notamment se démocratiser grâce à la loi de 2005 pour l’égalité des chances et d’accès pour les personnes en situation de handicap. Les institutions du médico-social ont ainsi pu développer de nouvelles activités durant leurs journées, par exemple, et les centres équestres occuper leurs plages horaires vacantes durant la semaine. Une alliance gagnant-gagnant ! Pour Sarah Briest, coordinatrice formations professionnelles au haras de Jardy, cela s’inscrit totalement dans l’air du temps : « De nos jours, il est impératif de privilégier la relation avec le cheval et la communication, montrer et communiquer sur tous les bienfaits de la pratique de l’équitation, sur le lien avec l’animal et son environnement. Mettre l’accent sur l’éveil et l’éducation des enfants, le développement personnel, le cheval médiateur, etc. Le haras de Jardy, doté de matériel spécifique et d’équidés adaptés, forme d’ailleurs ses salariés et ses élèves enseignants à l’accueil de publics en situation de handicap.» 

Avec une dimension moins médico-sociale, puisque s’adressant au monde de l’entreprise en général, l’équi-coaching, dont il commence à exister des formations en France, est aussi une pratique en vogue. Elle est notamment employée pour établir une relation entre l’homme et le cheval dans le but de développer son leadership lorsqu’elle est utilisée dans un cadre professionnel. 



Les réseaux sociaux comme terrain de jeu

Depuis l’avènement des réseaux sociaux, qui ont littéralement bouleversé le monde de l’entreprise et du commerce, de nouveaux métiers se sont créés, y compris dans l’univers équin, industrie à part entière. Conception de produits, vente, communication, événementiel ou encore marketing, tous ces domaines nécessitent des profils précis et variés : ingénieurs, designers, artisans, commerciaux, RH (responsables des ressources humaines), développeurs, responsables communication et marketing, pour ne citer qu’eux, sont des métiers que l’on apprend dans des écoles plus ou moins spécialisées, et que l’on peut par la suite exercer dans la filière équestre. Une façon optimale d’allier travail « classique » et passion ! Ainsi, Anaïs Azorin est responsable communication chez Cheval Energy après avoir œuvré durant six ans chez Freejump à un poste similaire. « Je suis titulaire d’un bac ES, puis j’ai suivi un cursus Bachelor en business et management à l’École de gestion et de commerce (EGC) de Montauban avant d’intégrer l’Institut des hautes études économiques et commerciales (Inseec) de Bordeaux pour obtenir un mas- ter en communication et publicité », explique-t-elle. « J’ai commencé ma carrière dans le monde du vin, sans avoir conscience de pouvoir mêler mes compétences à ma passion de toujours, les chevaux. Un jour, ma route a croisé celle du patron de Freejump (Yann Dubourg, ndlr), qui m’a proposé d’intégrer son équipe.» Même son de cloche du côté de Pauline Martin, directrice innovation chez CWD Sellier : « Au départ, je me suis orientée vers la biomécanique humaine. Je pensais intégrer l’entreprise Décathlon pour rédiger ma thèse, puis la vie a mis sur mon chemin Laurent Duray, le patron de CWD. Dans l’équipe, il y a toutes sortes de profils : ergonomie, sellerie, conception 3D, statistiques, machine learning, analyse de marché, ou des chercheurs...» 

Quant à Barbara Sayous, directrice marketing au sein du groupe Voltaire, elle a suivi un Bachelor en alternance en école de commerce avant de terminer son master au sein de la maison Forestier. «J’ai dans mon équipe des personnes spécialisées dans l’opérationnel, le digital, le graphisme vidéo, la technologie... Selon le profil, il est plus ou moins nécessaire de détenir un diplôme spécialisé d’une part, et de connaître les chevaux d’autre part. Par exemple, ma chargée digitale ne montait pas à cheval lorsqu’elle est arrivée chez nous, puis s’y est mise au bout de deux mois! Transmission de passion! C’est la même chose dans les autres services. Par exemple, dans notre équipe commerce, un manager a été groom et cavalier de haut niveau, donc il connaît parfaitement le monde du cheval et s’est formé au métier sur le tas. » Noémie Renard, fondatrice et directrice de Nohe Agency, agence de communication et d’événementiel dédiée au monde du cheval, a d’abord suivi un cursus en comptabilité. «Puis j’ai passé un an aux États-Unis pour parfaire mon anglais avant d’intégrer une licence en commercialisation de produits équins à Saumur. C’est lors d’un stage en communication et marketing chez CWD que je me suis rendu compte que c’était ce que je voulais faire. J’ai géré la communication et le marketing chez Stephex Group durant plusieurs années en Belgique avant de revenir en France avec la volonté de monter ma propre structure. » 

Il est important de retenir certains éléments majeurs: oui, la filière équine recrute. Oui, il est possible de gagner sa vie en exerçant sa passion. Et oui, tous les chemins mènent à Rome: nous avons pu voir que, outre les formations les plus évidentes et les plus connues, de nombreuses formations a priori non en lien direct avec le monde du cheval permettent de travailler et d’évoluer dans ce milieu.