Simon Menez et Sliman El Ramaadi, à jeune talent, vieux cheval pour les Mondiaux

L’histoire commune de Simon Menez, vingt-deux ans, et du produit maison Sliman El Ramaadi (PsA, Ulm de Domenjoi*HN x Oursène*HN), est l’illustration parfaite de l’expression “à jeune cavalier, vieux cheval”. Âgé de dix-sept ans, le gris a déjà permis au Breton de décrocher l’or par équipes aux Mondiaux Jeunes d’Ermelo en 2021 ainsi que le même métal en individuel au championnat de France sur 120km l’an passé. Le couple a fait le voyage jusqu’à Butheeb et figure parmi les sélectionnés pour représenter la France aux Mondiaux Seniors.



À dix-sept ans, le produit maison Sliman El Ramaadi fait vivre à Simon Menez les plus grandes heures de sa jeune carrière de cavalier. Actuellement à Butheeb, aux Émirats Arabes Unis, ils sont en lice pour représenter la France samedi aux Mondiaux Seniors d’endurance. Après la visite vétérinaire de vendredi, le chef d’équipe Jean-Michel Grimal et le staff tricolore annonceront le nom des cinq couples au départ de l’épreuve sur les six ayant fait le voyage. 

Avant de prendre la route pour le Moyen-Orient, le gris Sliman El Ramaadi est né à Irvillac, dans le Finistère, chez les parents de son cavalier actuel. Thierry et Nadine Menez sont mordus d’endurance depuis leur rencontre avec le champion Stéphane Fleury à Plougastel-Daoulas, leur commune d’origine. Depuis, ces spécialistes de formation professionnelle se sont installés sur des terres permettant d’assouvir leur passion pour le cheval. 

Épaté par la victoire de Jean-François Legros au championnat de France de Locmaria-Berrien en 1993 avec Wacil (PsA, Kabul x Bahram), Thierry Menez rencontre son naisseur ardéchois Claude Lux et lui achète une poulinière, Faysa (PsA, Marzouck x Fawzan). Celle-ci devient la souche de son élevage avec sa fille Kabiira (PsA, Oursène x Marzouck), que le couple Menez fait naître en 1998. Elle-même donne d’abord Qaftan (PsA, Guenfhoud x Oursène), née en 2004, puis Sliman El Ramaadi deux ans plus tard. Dans ses jeunes années, Thierry se charge de faire passer les premières qualifications à son protégé. 

Par la suite, le hongre permet à son fils aîné Clément de gravir les échelons, le jeune cavalier en profitant pour introduire le hongre au haut niveau avec une deuxième place en CEI 1* 90km en 2014, suivie d’une première sélection en équipe de France Juniors en 2015 en vue du championnat du monde au Chili. Pour des raisons budgétaires, les Bleuets n’y prennent finalement pas part. En compensation, une Coupe des nations se tient à Fontainebleau, lors de laquelle Clément et Sliman se placent septièmes et l’équipe tricolore s’impose. Lors de ses années communes, le couple se classe dans trois championnats de France Jeunes Cavaliers et un championnat de France Seniors. Alors qu’il débute à travailler pour l’écurie du champion Julien Goachet, Clément laisse ensuite les rênes du gris à son cadet Simon à partir de 2017. Bac en poche, ce dernier a finalement rejoint son frangin dans la structure de grande envergure où sont préparés parmi les meilleurs chevaux de la discipline. 

“En septembre 2014, lors de son premier CEI 2* 120 km avec Clément, à Coatelan, nous avons vu qu’il était vraiment bon. Il avait huit ans et gagné précédemment le championnat de Bretagne sur 80 km à Landivisiau, en juin”, se souvient Simon Menez. “Il a une très belle classe de galop et sait s’économiser. C’est un cheval très froid, calme, qui sait se préserver énormément et parvient à lâcher son énergie lorsque nécessaire. Il est fait pour des courses de longues distances”, ajoute-t-il. Sliman tape déjà dans l’œil d’observateurs comme la cavalière France Paul, alors courtière. “Nous débutions un peu, alors quand on nous a dit que nous détenions un cheval de haut niveau, nous avons ressenti quelque chose d’exceptionnel ! Nous ne prenions pas exactement la mesure de son potentiel, qui s’est révélé les années suivantes, mais il était certain qu’il était un très bon cheval pour débuter. Il nous a énormément appris, à mon frère et moi”, ajoute Simon.

Notre vétérinaire était Marie Galliou (l’épouse de Julien Goachet, ndlr), qui était aussi celle de l’équipe de France Juniors. Elle a aussi tout de suite repéré le cheval et nous a poussés à tenter une sélection avec lui et Qaftan. Dès 2015, Clément a essayé d’obtenir des sélections avec les deux”, raconte le jeune homme. Grâce à une victoire en CEI 2* 120 km à Corlay en avril 2015, Clément a finalement rejoint les Bleuets sur Sliman. 



Champion du monde Juniors par équipes

Au printemps 2018, à Saint-Nicolas-du-Pélem, un CEI 3* 160km support de sélection pour le Mondial de Tryon, que Simon impressionne avec Sliman, même s’il ne court pas pour la sélection. “J’ai fait 50 km tout seul avec le cheval. C’était une course très dure”, se souvient-il. Le couple se classe onzième avant de figurer au cinquième rang du championnat de France Jeunes à Aumont-Aubrac. La paire contribue à la victoire de l’équipe de Bretagne. 

À l’automne, ils sont troisièmes sur les 2 x 100 km du CEI 3* de Montcuq et remportent même la seconde journée. C’est là que le cheval a vraiment été mis en valeur et que nous avons été repérés. J’avais dix-huit ans et il s’agissait aussi de la première course très importante du cheval. Figurer sur le podium, en présence de tous ces grands cavaliers, c’était quelque chose !”, raconte le Breton. Sliman fait montre des qualités héritées de son père Ulm de Domenjoi ; des foulées répétitives et économiques, puis une grande allonge pour exploser sur la dernière boucle. Pour parfaire sa condition, la famille Menez l’entraîne dans les chemins vallonnés du bois du Gars, à Hanvec, la commune voisine, ainsi que sur les plages de la presqu’île voisine de Crozon. 

La belle performance de Montcuq incite Simon à suivre les chemins de la sélection en équipe de France. Cela passe par une deuxième place sur les 120 km CEI 2*J de Compiègne en juin 2019 où il figure parmi les favoris et suit les consignes de l’entraîneur Jean-Michel Grimal. Il y avait un très haut niveau sur cette course-là”, se remémore Simon, qui est placé sur la liste longue à l’issue de l’épreuve. Mais le cheval se blesse et doit se reposer au lieu de poursuivre le processus de sélection. 

En octobre 2020, le couple réédite une deuxième place en CEI2*J 120km, à Fontainebleau cette fois. Le sélectionneur les retient à nouveau sur la longue liste pour le championnat du Monde, précisant qu’ils n’avaient pas besoin de recourir d’ici-là. Ils intègrent l’équipe pour le grand rendez-vous fixé en septembre 2021 à Ermelo, aux Pays-Bas. Une grande joie pour toute la famille et “la concrétisation de nombreuses années de travail”. Une sélection qui a aussi des airs de soulagement. “Le cheval avait quinze ans, nous commencions à ne plus trop y croire…”, lâche le cavalier français. 

Tout s’est très bien passé. Une fois que l’on intègre l’équipe de France, les dix premiers jours que nous passons avec le staff sont exceptionnels. Nous ressentons une grande entente et de la cohésion entre cavaliers pour élever le niveau”. Lors du grand jour, comme à leur habitude, les équipes émiratie et espagnole partent en tête et très vite. “Notre stratégie a été de faire un vrai travail d’équipe, un peu en retrait de ces cavaliers-là, et de constituer un groupe à cinq/dix minutes des premiers en gardant une vitesse constante. Nous visions une médaille par équipes, et si jamais il y avait des éliminés devant, obtenir éventuellement une médaille individuelle. C’est ce que nous avons fait lors des trois premières boucles. En partant sur l’ultime étape, nous étions toujours cinq couples mais savions qu’il y avait un trop grand écart pour rattraper la tête. Devant, il restait cinq Émiratis, quatre Espagnols... Sans prendre de risque, nous pouvions obtenir la médaille de bronze par équipe”. Focalisés sur leur travail commun, les jeunes Français ne suivent alors pas les résultats sur leurs téléphones lors de cet ultime parcours. “Quand nous avons passé la ligne d’arrivée, le sélectionneur est venu me voir et m’a dit que si les trois autres passaient le contrôle final, nous étions champions du monde ! Nous nous sommes tous regardés et n’y croyons pas”, conte Simon. Trois Émiratis et autant d’Espagnols ont été éliminés. Individuellement, les Français occupent de la cinq à la neuvième place, Simon et Sliman étant septièmes. Collectivement, les Bleus décrochent le plus beau des métaux. “J’avais passé la ligne avec le drapeau français en main, c’était de vrais frissons. Mais c’est à la remise des prix que nous nous sommes vraiment rendu compte”, se remémore le Breton



Champion de France à Fontainebleau

Sliman allant avoir seize ans et Simon vingt-et-un, l’aventure du duo semble toucher à sa fin en 2022. Mais Jean-Michel Grimal les convie au stage de début d’année, où il rassemble les meilleurs performeurs de 2021 pour lancer la saison. À cette période, le cavalier confie au sélectionneur vouloir simplement courir une dernière épreuve de 160 km avec son cheval avant de lui offrir une retraite bien méritée. Mais le couple se place troisième au CEI 3* 160km de Compiègne en juin et semble alors sur orbite, alors même qu’il ne joue pas la sélection J’ai fait une course pour le plaisir, comme je le sentais, comme j’avais envie de le faire”, décrit Simon. Impressionné par la fraîcheur du cheval après une telle performance, Jean-Michel Grimal l’a tout de suite mis dans la liste longue pour le Mondial de Vérone 2022 programmé à l’automne. Un rendez-vous italien annulé par la FEI, qui a attribué le championnat au site émirati de Bouthieb, où la course est prévue ce samedi 25 février 2023.

La date et le lieu étant annoncés tardivement, la préparation des équipes est chamboulée. Simon tente sa chance dans le championnat de France sur 120 km à Fontainebleau, mi-octobre. Et le couple s’impose ! 

Lors du stage de sélection de Durance où la concurrence est rude, mi-janvier, “tous les chevaux étaient en très grande forme”. Le choix se révèle encore plus difficile pour Jean-Michel Grimal, qui choisit notamment Simon avec son fringant vétéran, estimant que l’expérience pèse dans la balance compte-tenu des difficiles conditions attendues dans le Golfe. “Sans vraiment pouvoir le jauger avec exactitude, on s’attend à une course très dure, avec la chaleur, dans du sable très profond, contrairement aux pistes damées de Dubaï ou Abou-Dabi. Cela devrait être très long, sans trop de galop et même avec des passages au pas. Nous avons donc travaillé cela, sur la plage et la piste d’entraînement de Corlay qui est assez profonde avec du dénivelé”, décrit le cavalier.