“Derrière Jessica von Bredow-Werndl et Dalera, c’est très ouvert!”, Isabelle Judet
Ce soir, la finale de la Coupe du monde de dressage débutera avec le Grand Prix, programmé à 20h15, dont seize couples prendront le départ. Présidente du jury lors de l’édition 2018 à Paris, Isabelle Judet présente les enjeux directs et indirects de cette grande échéance. La cofondatrice des écuries Pamfou Dressage explique également comment les juges travaillent lors de ces événements.
Quels sont pour vous les enjeux de cette finale de la Coupe du monde?
Avec les chevaux, on ne sait jamais, mais si les choses se passent normalement, Jessica von Bredow-Werndl et Dalera BB (Trak, Easy Game x Handryk) devraient l’emporter haut la main. Derrière, c’est très ouvert! Sur le papier, je verrais bien Dinja van Liere monter sur la deuxième marche du podium avec Hermes (KWPN, Easy Game x Flemmingh), mais il a montré l’an passé à Doha (où l’étalon avait été éliminé après plusieurs défenses, ndlr) qu’il n’était pas toujours fiable, même s’il a réalisé de belles performances tout au long de la saison. Globalement, je pense que les places d’honneur vont se jouer entre ce couple, celui formé par Nanna Skodborg Merrald et Blue Hors Zepter (Old, Zack x Wolkentanz II) ainsi que les Allemandes (en plus des tenantes du titre, Isabell Werth et Ingrid Klimke seront présentes aux rênes de Quantaz, DSP, Quaterback x Hohenstein, et Franziskus, Han, Fidertanz x Alabaster, ndlr). Le cheval d’Isabell a quelques points faibles, en particulier au pas, mais elle a tellement la gagne qu’il faut s’attendre à tout! Souvent, lorsqu’elle ne réalise pas un très bon Grand Prix, elle performe encore mieux que d’habitude sur la Libre. Elle peut vraiment être surprenante. Un peu comme Hermes, Franziskus peut être facétieux et se montrer un peu moins coopératif, ce qui ajoute une sorte de piquant à cette compétition. Côté néerlandais, je pense que Marieke van der Putten et Tørveslettens Titanium RS2 (DWB, Totilas x Stedinger) peuvent se classer parmi les cinq ou six premiers, notamment dans le Grand Prix. Cependant, celui-ci ne compte pas pour l’attribution du titre et ne fait que définir l’ordre de passage pour la Libre, dans laquelle ils sont moins à l’aise.
“Je suis sûre que Dalera a dû gagner en condition physique depuis Bâle”
Ce week-end, Jessica von Bredow-Werndl et Dalera présenteront leur nouvelle reprise libre pour la quatrième fois. Y a-t-il pour elles également un enjeu en termes de notation, à l’heure où leur confrontation future avec Charlotte Fry et Glamourdale est si attendue?
Lors des trois premières compétitions (les CDI-W de Lyon et Bâle ainsi que le CDI 5* de Stockholm, ndlr) où elles ont présenté cette nouvelle reprise, Jessica et sa jument ont dépassé les 90%. C’est dire si elle plaît aux juges! En revanche, toutes deux étaient encore dans une phase de remise en route après la grossesse de Jessica (qui a donné naissance à son deuxième enfant le 11 août dernier, ndlr), et à Bâle, d’ailleurs, j’ai trouvé que la jument était un tout petit peu démusclée. Je suis sûre qu’elle a dû gagner en condition physique depuis, tant l’entourage de ce couple est professionnel! De toute façon, elles n’auraient pas fait le déplacement sans être totalement prêtes à décrocher un nouveau titre.
Quid de Morgan Barbançon Mestre et Sir Donnerhall II (Old, Sandro Hit x Donnerhall), le seul couple tricolore engagé?
Comme elle n’a pas trop sorti son cheval cet hiver (après avoir participé aux CDI-W de Lyon, Madrid et Malines fin 2022, l’étalon de dix-sept ans n’a pris part qu’au CDI 5* de Doha en 2023, ndlr), on ne sait pas trop dans quel état de forme il se trouve. Quoiqu’il en soit, j’espère qu’elle performera du mieux possible et lui tout souhaite tout le meilleur pour cette finale!
“Je ressens de la concentration, mais pas d’appréhension avant les grandes échéances”
Les événements américains sont connus pour leur ambiance endiablée. Ce paramètre peut-il perturber les juges?
Non, je ne crois pas. À Omaha, comment souvent aux États-Unis, je pense que la salle sera effectivement bondée et le public, participatif. Cela dit, on commence à avoir l’habitude de ce genre d’ambiances, et les chevaux aussi, puisque le public applaudissait également les couples sur la dernière ligne de leur reprise aux championnats du monde de Herning, l’été dernier. Bien sûr, certains ont été perturbés, et la Grande-Bretagne a d’ailleurs perdu la médaille d’or collective parce que Classic Briolinca, la jument de Gareth Hughes, n’a pas supporté ce bruit. En tant que juges, si l’arrêt final n’est pas tenu parce que le cheval est trop stressé, par exemple, nous sommes obligés de lui donner une mauvaise note, même si cela n’est pas représentatif de sa reprise et que nous comprenons bien ces réactions en tant que gens de cheval. Cela fait partie des aléas qui font aussi l’intérêt du sport. Par ailleurs, c’est l’une de raisons pour lesquelles il est si important pour les couples en lice de prendre part à d’autres compétitions de très haut niveau, où la pression du public est importante, avant de s’élancer dans une finale de la Coupe du monde. D’ailleurs, on remarque que les chevaux au départ de cet événement sont généralement très expérimentés.
Vous avez officié en tant que juge lors de plusieurs finales de la Coupe du monde et présidé celle de Paris en 2018. Comment prépare-t-on ce type d’événements?
Personnellement, comme je juge et entraîne à la fois, je me forme de façon permanente. Que je fasse travailler mes cavaliers (Isabelle entraîne notamment sa fille, Camille Judet-Chéret, ainsi que le compagnon de celle-ci, Corentin Pottier, qui a représenté la France à Herning, ndlr) ou que je juge, je reste toujours dans le bain du dressage. D’ailleurs, je ne peux m’empêcher de donner une valeur numérique aux mouvements des chevaux lorsque nous les entraînons à la maison! Mon fonctionnement est donc forcément très différent de celui de quelqu’un qui a une activité professionnelle totalement autre. En ce qui me concerne, je ressens de la concentration, mais pas d’appréhension avant les grandes échéances où j’officie. Bien sûr, une équipe de juges réunit sept personnalités différentes, et pour que cela fonctionne, il faut une bonne cohésion au sein du groupe. Ce n’est pas grave si tout le monde n’a pas le même avis, mais il faut que chacun soit capable d’échanger sur son point de vue et de respecter celui des autres. La réussite du travail collectif est encore plus importante lors des grands championnats qu’en CDI 3* ou 4*. Dans ces concours à moindre enjeu, on essaye toujours d’introduire des juges qui ont moins d’expérience afin qu’ils en prennent, justement, et on sait qu’il risque d’y avoir plus de différences de notation.