“Tout est réuni pour que nous assistions à du très grand sport”, Olivier Robert
Comme nombre de grands cavaliers et de passionnés d’équitation, Olivier Robert vivra dès cette nuit et jusqu’à dimanche matin à distance la quarante-troisième finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles. En 2017, le Girondin avait disputé la première finale disputée à Omaha, dans l’État américain du Nebraska, où le sommet printanier est de retour cette année. Quelques heures avant la Chasse, le quadragénaire a livré ses pronostics et son analyse des forces en présence.
Quel regard portez-vous sur la saison hivernale qui s’achève cette semaine avec la finale de la Coupe du monde Longines?
De manière générale, Julien Épaillard et Henrik von Eckermann ont largement dominé les débats. King Edward Ress (BWP, Edward 28 x Feo de Lauzelle) a joué un rôle très important (remportant les étapes de Vérone et Bâle, ndlr) pour le Suédois. Quant à Julien, on pouvait penser que la vente de Caracole de la Roque (SF, Zandor Z x Kannan) allait lui compliquer la tâche, mais il a continué à gagner avec Donatello d’Auge (SF, Jarnac x Hello Pierreville, dont GRANDPRIX vient tout juste de dresser le portrait, ndlr). Simon Delestre s’est également illustré, ce à quoi l’on pouvait s’attendre tant son Cayman Jolly Jumper (SF, Hickstead x Quincy) a bien sauté dès ses débuts en intérieur. Cet hiver, nous avons assisté à des barrages d’anthologie et vu des chevaux incroyablement bien sauter des parcours qui étaient tout de même assez difficiles. Certains très en vue ont pu commettre une faute par-ci, par-là, mais les favoris ont tenu leur rang, et King Edward semble parfaitement prêt pour performer à Omaha, d’autant que son cavalier a fait de ce championnat son objectif majeur de l’année.
D’autres couples, comme celui formé par Vitiki (Han, Valentino x For Expo) – qui a merveilleusement bien sauté les étapes qu’il a courues – et Yuri Mansur, sont sortis du lot en disputant un peu moins de manches que d’autres (le duo brésilien en a couru cinq, ndlr). On connaît tous l’histoire de ce cheval, qui s’était gravement blessé à Aix-la-Chapelle en 2018. En le voyant dans une si belle forme, je me dis qu’il peut réaliser une très belle performance cette semaine. Édouard Schmitz a également réalisé une saison admirable, tout comme son compatriote Pius Schwizer avec Vancouver de Lanlore (SF, Toulon x Le Tot de Semilly). Je crois aussi beaucoup en Kevin Staut et Visconti du Telman (SF, Toulon x Dollar du Mûrier). Kevin a pu alterner entre elle, Cheppetta (Holst, Chepetto x Cash) et Scuderia 1918 Viking d’la Rousserie (SF, Quincy x Apache d’Adriers), et engager Visconti comme deuxième cheval dans certains concours et lui faire sauter de plus petits parcours.
À quel scénario vous attendez-vous cette semaine?
Je pense qu’il y avoir une belle bataille pour le titre entre Henrik et Julien. Derrière eux, cinq ou six couples me semblent pouvoir réaliser de très belles performances. Je pense que cette finale va être incroyable! J’avais disputé la première finale qui avait eu lieu à Omaha (en 2017, où l’attachante Quenelle du Py, AA, Trésor du Renom x Ryon d’Anzex, s’était malheureusement blessée, ndlr). Je garde un bon souvenir du site. Nous y avions accès à deux paddocks de très grande taille et étions en immersion totale! Les cavaliers sont logés juste à côté du concours au point qu’ils peuvent ne jamais mettre le nez dehors, car il y a un grand tunnel entre l’hôtel et le hall de compétition. C’est d’autant plus merveilleux que les chevaux sont très bien logés et que leur vol en avion s’est, me semble-t-il, très bien déroulé. Tout est donc réuni pour que nous assistions à du très grand sport, d’autant que le public américain devrait répondre présent, comme il y a six ans. D’ailleurs, en parlant des Américains, McLain Ward est dans un tel état de forme ces derniers mois avec tous ses chevaux qu’il fait incontestablement partie des favoris, surtout qu’il avait réussi une finale d’anthologie à Omaha avec HH Azur Garden’s Horses (BWP, Thunder vd Zuuthoeve x Sir Lui vd Zuuthoeve) en 2017. S’il n’a pas engagé cette jument-là cette année, c’est qu’il se sent tout à fait capable de relever le défi avec Callas (Holst, Casall x Coriano).
Six, sept, voire huit couples me semblent donc se détacher. Attention pour ceux-là à ne pas prendre de risques inconsidérés lors de la Chasse. Il y a parfois des options tentantes, mais qui peuvent faire perdre toute chance de victoire en quelques secondes. À la reconnaissance, je me souviens très bien d’un échange à ce sujet avec le Suisse Beat Mändli, qui fait partie des légendes de notre sport.
“Il ne faut écarter l’éventualité d’une grande et belle surprise”
Pour vous, Julien Épaillard fait donc figure de favori malgré le jeune âge de Donatello?
Oui. Certes, son cheval n’a que dix ans, mais il a remporté le Grand Prix du CSI 5*-W d’Amsterdam et a incroyablement bien sauté au CSI 5* de Bois-le-Duc (terminé deuxième du Grand Prix Rolex, ndlr). Là-bas, les conditions étaient assez similaires à celles qu’ils retrouveront à Omaha, et le cheval a encore pris de l’expérience au Saut Hermès. S’il se sent bien sur cette piste, je pense qu’il peut accumuler les sans-faute et se battre pour la victoire, d’autant qu’il y a fort à parier que Julien va tenter quelque chose dans la Chasse. S’il ne fait tomber aucune barre, je l’imagine aisément sur le podium provisoire après cette première étape.
Cette année, quatre cavaliers ont choisi de disputer ce championnat avec deux chevaux, une formule qui avait pourtant permis à Martin Fuchs de l’emporter l’an passé. Comment l’expliquez-vous?
Dans mes souvenirs, seuls les frais de transport du premier cheval sont pris en charge, ce qui pèse lourdement dans la balance quand il s’agit de traverser l’Atlantique. Par ailleurs, dans l’histoire de cette compétition, peu de cavaliers se sont imposés avec deux chevaux différents (avant Martin Fuchs, seul l’Allemand Marcus Ehning y était parvenu, en 2010 à Genève, ndlr). On verra ce qu’il en sera cette année, mais dans un championnat aussi compétitif, je le redis, on peut tout perdre dans la Chasse ou l’épreuve à barrage du deuxième jour avec un cheval un peu moins expérimenté. À Göteborg, j’avais choisi de monter Eros dans la Chasse pour ne pas trop “ouvrir” Tempo de Paban, avec lequel j’avais du mal à aller vite. J’étais content de pouvoir appliquer cette stratégie, d’autant que la Chasse m’avait réussi, et que Tempo avait bien pris le relais. Ce sport n’est pas une science…
Cette fois en selle uniquement sur Leone Jei, Martin Fuchs vous semble-t-il capable de conserver son titre?
Bien sûr. Il n’est plus nécessaire de vanter ses qualités de cavalier, et Leone Jei est un cheval d’exception. J’adore ce couple. Si la Chasse se passe bien pour eux, ils seront très durs à battre. Martin a tout l’expérience pour gagner à nouveau. L’avoir fait l’an passé doit lui donner encore plus confiance en ses capacités. De plus, ces deux-là n’ont pas concouru à outrance cet hiver. Ils ont réussi d’excellents parcours, et ont parfois concédé quatre ou huit points. Je suis persuadé que Martin a bien analysé tous ces parcours et qu’ils vont tous les deux réussir une grande finale de Coupe du monde.
Quel podium pronostiquez-vous à quelques heures du coup d’envoi?
La réalité des forces en présence me fait pencher pour une victoire de Henrik von Eckermann et King Edward, puis Martin Fuchs et Leone Jei, et j’ai du mal à trancher ensuite parmi les cinq ou six autres couples que j’estime favoris. Cependant, tout me semble si serré qu’il ne faut écarter l’éventualité d’une grande et belle surprise.
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