“La deuxième étape de la finale nous a réservé du grand sport !”, Olivier Robert
Comme nombre de grands cavaliers et de passionnés d’équitation, Olivier Robert vit ce week-end et jusqu’à dimanche matin à distance la quarante-troisième finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles. En 2017, le Girondin avait disputé la première finale disputée à Omaha, dans l’État américain du Nebraska, où le sommet printanier est de retour cette année. Quelques heures après la deuxième étape du championnat, le quadragénaire a livré son analyse d’une épreuve décisive et très surprenante.
Qu’avez-vous pensé du deuxième acte de la finale de la Coupe du monde Longines, qui a largement rebattu les cartes ?
Cette deuxième étape de la finale nous a réservé du grand sport ! J’ai adoré ce que j’ai vu pendant ces deux heures et demie. Étant donné que le chef de piste (le Portugais Bernardo Costa Cabral, ndlr) officiait pour la première fois, j’étais un peu inquiet, mais il a construit un parcours qui n’a pas donné de mauvaises images. Aucun couple ne s’est écrasé dans les combinaisons, ce qui est toujours très important. Il est difficile de construire un parcours pour deux lots de cavaliers différents mais il s’en est très bien sorti. Je tiens à saluer son travail ; neuf barragistes avec un tel plateau et des fautes un peu partout c'est idéal. Cette épreuve montre bien que rien n’est jamais gagné d’avance, mais la victoire n’est pas perdue non plus pour Henrik von Eckermann (avec une faute, le Suédois et son génial King Edward ont été rétrogradés au troisième rang avec un point de pénalité, ndlr).
Richard Vogel a remporté l’épreuve à barrage, deuxième acte de cette finale. Remonté au quatrième rang au classement général, il comptabilise deux points avec le génial United Touch S. Pensez-vous qu’il puisse monter sur le podium, voire ravir le titre ?
Oui, il peut aller au bout, de façon indiscutable. La seule inconnue est de savoir s’il va parvenir à gérer son mental jusqu’au bout (l’Allemand de vingt-six ans prend part à son premier championnat international, ndlr). Il n’y a plus d’autre allemand aussi bien dans le coup, il a donc toute une nation derrière lui. À cet âge-là, ce n’est bien sûr pas si simple. Il monte un cheval d’exception. Bart Bles l’a monté à une époque et je l’ai notamment vu dans le du CSI 2* à Riesenbeck (en marge des championnats d’Europe en 2021, pour son premier international avec Richard Vogel, ndlr). J’avais demandé s’il était à vendre et on m’a un peu ri au nez. Il saillissait trois cents juments par an. Ce cheval fait partie d’une lignée d’exception, celle de Classic Touch (la championne olympique avec Ludger Beerbaum en 1992 à Barcelone, ndlr). Il était hors du commun mais nous le trouvions très lent. Pourtant, il a fini par gagner la Coupe du monde de Stuttgart de manière formidable. Hier, il a signé un barrage somptueux et le couple montre beaucoup de liant. Ils peuvent aller jusqu’au bout. Pour Vancouver (de Lanlore, l’étalon de Pius Schwizer, ndlr), il y a moins de certitude compte-tenu de la façon dont il a sauté le tour initial de cette épreuve à barrage. Il a tutoyé à deux ou trois reprises des obstacles et a eu de la chance. Ils vont profiter de presque quarante-huit heure de repos et Pius est tellement en forme en ce moment que pourquoi pas. Le danger vient toutefois de derrière car Vitiki (l’alezan du Brésilien Yuri Mansur, pour l’heure cinquième avec trois points, ndlr) saute très bien. La faute au barrage pourra peut-être lui servir et lui redonner de l’attention pour la finale. Si le chef de piste construit une finale digne de ce nom, il peut à nouveau il y avoir un sacré chamboulement. Rien n’est perdu mais rien n’est gagné !
Qu’avez-vous pensé de la prestation d’Andreas Schou sur Darc de Lux, double zéro et en tête ex-æquo avec Pius Schwizer ?
C’est merveilleux ! Ce garçon effectue un travail remarquable, j’ai apprécié les mots de Laurent Elias à son propos (aux commentaires de ClipMyHorse.tv aux côtés de Kamel Boudra, ndlr). Je vois ce garçon en tournées en Espagne chaque année ; il était par exemple pendant trois semaines à Oliva. Il est très besogneux, monte les cinq et six ans… Son cheval est bien entendu super mais nous voyons bien ici la notion de couple si chère à notre sport. Il connaît sa monture par cœur et c’est vraiment beau à voir. À première vue, ce cheval peut laisser penser qu’il est lourd, peu respectueux et pas particulièrement adapté au matériel utilisé aux obstacles d’Omaha, qui sont particulièrement légers. Nous l’imaginons plutôt sur de grandes pistes en herbe, et pourtant, ils sont tous deux merveilleux et respirent la sérénité.
“Je trouve que la stratégie de Julien était la bonne ”
D’autres couples ont quant à eux tout perdu hier…
Absolument, c’était incroyable ! Pour ma part, je n’avais pas mis Daniel Deusser dans mes favoris car je trouvais que son cheval (Scuderia 1918 Tobago Z, ndlr) ne terminait pas avec quatre points ou un abandon par hasard lors des derniers Grands Prix courus. Il commettait des fautes importantes dans les combinaisons. À Bois-le-Duc, il a pédalé dans le triple Rolex, qui se franchissait pourtant plutôt bien. L’échec n'était pas si loin. La contre-performance de Scott Brash est un peu plus étonnante (l’Écossais a reculé au neuvième rang après trois fautes avec Hello Jefferson, ndlr). La pression est-elle finalement arrivée sur ses épaules ? A-t-il montré qu’il était en réalité humain ? Pour l’avoir vu gagner le Grand Chelem à Calgary avec Hello Sanctos, alors qu’il avait une pression folle, il est très impressionnant. Cette fois, nous avons senti que ce n’était pas du même acabit, sa prestation était étonnante. Ce deuxième acte a mis la pression et le comptage inhabituel de ce championnat remet tout en question au terme de cette très belle épreuve. Je suis par ailleurs très content d’avoir vu le cheval de Gerrit Nieberg bien sauter à nouveau. Lors de la Chasse, il y avait un malaise, quelque chose n’allait pas (Blues d’Aveline y a commis cinq fautes inhabituelles, ndlr). Ce sont des animaux et nous sommes humains. C’est en tout cas une bonne nouvelle. J’ai par ailleurs été agréablement surpris par la cavalière américaine (Hunter Holloway, ndlr) qui a montré une très belle équitation. Cette fille ne cesse de sourire, on a l’impression qu’elle fait son parcours en souriant et c’est génial car nous ne voyons jamais cela. Le panache de cette jeune femme est fabuleux ! Pour parler de couples, elle en forme un exemplaire avec sa jument (Pepita Con Spita, ndlr). Dans une autre écurie, cette dernière serait peut-être troisième ou quatrième cheval, mais elle forme un couple merveilleux avec cette cavalière. J’ai passé une soirée extraordinaire à regarder cette épreuve et ce Grand Prix !
En sortie de piste, Henrik von Eckermann avait un peu moins le cœur à sourire après sa faute avec King Edward…
Il est apparu crispé bien sûr, mais j’ai pris le temps de revisionner son parcours de la Chasse. Bien sûr, il veut gagner l’épreuve et il y a un peu plus d’émotion mais ce n’était pas aussi au point qu’il y a un ou trois mois. Son cheval s’est montré peut-être un peu plus en avant. Je ne suis pas suffisamment au point techniquement pour donner les raisons mais je trouve que ce n’est pas aussi au fluide que ça ne l’a été. Il est bien sûr arrivé à Omaha en vainqueur éventuel et cette pression est difficile à gérer. Ce couple a été sacré double champion du monde de façon incroyable il y a quelques mois et il est a annoncé que cette finale était son objectif de l’année. Henrik s’est peut-être mis une pression supplémentaire par rapport à d’habitude. Il y avait en tout cas un peu plus d’émotion dans les parcours, et ce, dès la Chasse. Bien sûr, le cheval et ce couple sont merveilleux. Pour la finale en deux manches, ils signeront peut-être un double sans-faute et peuvent s’imposer, c’est tout le mal que nous pouvons leur souhaiter. Pour cela, il faudra revenir à la base le matin lors de l’entrainement je pense.
Qu’avez-vous pensé des prestations des Français Julien Épaillard et Kevin Staut ?
Kevin Staut a monté de façon remarquable. Il a eu deux petites fautes, pas forcément dues à la jument, mais lorsque je lis sa réaction, cela me parle. Il n’y a pas vraiment d’explication, comme pour sa faute de la veille dans la Chasse. Kevin a réussi deux super beaux parcours, peut-être qu’à quinze jours d’écart les résultats auraient été différents. Quant à Donatello, il a signé un parcours digne d’un récital. Comme Julien l’a dit, il a pris un risque important au barrage mais il n’avait pas tellement d’autre solution. Compte-tenu de son classement après la Chasse et du comptage de points de cette finale, je trouve que sa stratégie était la bonne. Ça n’est pas passé cette fois, mais cela ne veut pas dire qu’il ne pourrait pas signer un double sans-faute demain. Il y est allé pour donner de l’expérience à son cheval, c’est une réussite. S’il était passé en fin de barrage, il aurait certainement pris un peu moins de risque pour aborder le n°2. Nous savions qu’il était trop loin pour probablement remonter sur le podium. Il a bien fait de tenter sa chance. J’ai vu cheval merveilleux lors du premier parcours, j’ai adoré !
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