“Les Chinois ont réalisé leurs minima dans des conditions dignes d’un CSI 5*”, John Roche

Au lendemain de la publication de notre article remettant en question la crédibilité du processus d’obtention des minima qualificatifs individuels des couples chinois pour les épreuves de saut d’obstacles des Jeux olympiques de Tokyo, John Roche assure que tout s’est bien passé dans le cadre prévu par les règlements de la Fédération équestre internationale. Selon le directeur du jumping de l’instance, la “compétition qualificative spéciale JO 2020” disputée le 25 juin 2019 à Lierre, en Belgique, était tout à fait digne d’une épreuve à 1,60m de niveau CSI 5*.



Dans un article publié hier soir, à l’issue d’un travail d’analyse des qualifications collectives et individuelles pour les épreuves de saut d’obstacles des Jeux olympiques de Tokyo, programmés cet été au Japon, GRANDPRIX a sérieusement mis en doute le sérieux de la “compétition qualificative spéciale JO 2020” disputée le 25 juin 2019 à Lierre, en Belgique. Pour faire court, il apparaît étonnant que six couples n’ayant jamais – ou presque – performé à 1,50m en CSI 3*, 4* ou 5* aient pu ce jour-là conclure avec huit points ou moins un parcours prétendument du niveau d’un Grand Prix ou d’une Coupe des nations de CSIO 5*, même s’ils ont pu le sauter à deux reprises, comme le dispose le règlement olympique de la Fédération équestre internationale (ce raisonnement est expliqué plus longuement ici).
 
Tout cela est d’autant plus surprenant que cette compétition n’a pas été annoncée publiquement, comme le serait n’importe quel CSI, sur la base de données de la FEI, et qu’on en découvre l’existence uniquement en examinant les conditions d’obtention des minimas olympiques individuels des couples concernés. Vraisemblablement, il n’y avait donc ni spectateurs, ni témoins extérieurs, ni caméras permettant de suivre en direct ou de revoir cette épreuve à l’importance cruciale pour les cavaliers chinois et leurs supporters mais aussi pour bien des observateurs et passionnés. John Roche, directeur du jumping au sein de la FEI, balaie toute forme de suspicion. “Il s’agit d’une épreuve spéciale permettant à des cavaliers et chevaux, à la demande de leur Fédération nationale, d’essayer d’obtenir un certificat d’aptitude pour les Jeux olympiques, fondé techniquement sur des conditions minimales d’éligibilité. La date n’apparaît pas sur le calendrier sportif de la FEI parce que ce n’est pas un CSI, mais une épreuve spéciale. La Fédération chinoise, comme le lui permet le règlement, nous a sollicités pour en organiser une parce que nombre de ses cavaliers concernés ne pouvaient pas, pour des raisons administratives, demeurer très longtemps en Europe, quelques semaines tout au plus (pas plus de trois mois sur une période de six mois selon les règles de l’espace Schengen, ndlr), ce qui leur compliquait grandement l’obtention de ce certificat d’aptitude.”

Plus encore, l’Irlandais tient à assurer ceux qui en douteraient que cette épreuve s’est disputée dans le respect scrupuleux des règlements. “Comme dans n’importe quel CSI, les chevaux ont été inspectés. De même, les conditions techniques étaient comparables à celles d’un CSI. Nous avons mandaté un délégué évaluateur étranger, Harry Braspenning (juge 3* néerlandais, ndlr), et une présidente de jury, Maria Teresa Pires Miranda (juge 3* portugaise, ndlr). La FEI a fourni le parcours préparé par une chef de piste espagnole qui travaille régulièrement avec Santiago Varela Ullastres (l’un des meilleurs chefs de piste au monde, et également membre du comité technique de saut d’obstacles de la FEI, ndlr) et validé par nos services. Je peux garantir sans la moindre réserve que celui-ci était du niveau d’un Grand Prix CSI 5*, avec des combinaisons complexes, de larges oxers, de hauts verticaux et une rivière longue de 3,90m, suivie à quelques foulées de galop d’un vertical à 1,60m, le tout à accomplir à la vitesse réglementaire de 375m par minute.”
 
Sur place, Harry Braspenning et Maria Teresa Pires Miranda étaient donc là pour veiller au bon déroulement de l’épreuve, au respect du parcours et des cotes demandés par le chef de piste, et pour attester des aptitudes réelles des couples candidats au fameux sésame olympique. Dans ces conditions, trois auraient bouclé le test avec huit points ou moins dès leur premier passage, puis quatre autres auraient réussi cette performance à leur second essai : “trois ont obtenu huit points après en avoir concédé douze à leur première tentative et le quatrième en a obtenu cinq après avoir été précédemment sanctionné de neuf points”, précise John Roche.
 
Au cours de la période de qualification individuelle pour les JO de Tokyo, laquelle a couru des Jeux équestres mondiaux de Tryon, en septembre 2018, au 31 décembre 2019, la Fédération chinoise a été la seule à solliciter la FEI pour organiser une telle épreuve. John Roche précise qu’un cavalier taïwanais y a également pris part – étonnant quand on sait que la Chine ne reconnaît pas Taïwan comme un État indépendant, estimant que cette île lui appartient de plein droit… Le fonctionnaire fédéral, directeur du jumping depuis mai 1987 après avoir accompli une carrière de cavalier international en tant que capitaine de l’armée irlandaise, et qui prendra sa retraite en août prochain après les JO, rappelle que cette procédure réglementaire existe “depuis toujours et ne concerne pas uniquement les JO. Elle est aussi ouverte aux Fédérations qui en font la demande en vue des championnats du monde et d’Europe.”
 
À l’avenir, pour tuer tout soupçon dans l’œuf, sans doute la FEI aurait-elle intérêt à assurer plus de publicité à ces événements, à les ouvrir au public et peut-être à requérir qu’ils soient filmés. Ainsi, chacun pourrait se forger une plus juste opinion des résultats qui y sont obtenus par les couples en lice.