Xavier Le Sauce, le juge français qui vit son premier Badminton

À trente-huit ans, Xavier Le Sauce vit depuis aujourd’hui son tout premier CCI 5*-L de Badminton, monument du concours complet mondial. On ne l’y verra pas en selle, tentant de vaincre le cross le plus prestigieux de la planète, mais à pied, tiré à quatre épingles, les yeux rivés sur le rectangle de dressage, demain et après-demain, puis sur les écrans de contrôle permettant de ne rien manquer du test de fond, dimanche, et enfin sur l’immense piste en herbe accueillant le décisif atelier de saut d’obstacles, lundi. Sa fonction: juge international de niveau 3. Une consécration pour ce Nantais qui professe l’histoire-géographie dans le civil, tout en présidant le comité départemental d’équitation, mais aussi le comité départemental olympique et sportif de Loire-Atlantique.



Après Burghley en 2019, puis Pau en 2020 et 2022, Xavier Le Sauce officie ce week-end au sein du jury du terrain du CCI 5*-L de Badminton. Le saint des saints, la Mecque, le Graal pour tout passionné de concours complet. Dans l’histoire de ce concours légendaire, seuls trois autres Français ont vécu pareil honneur. C’est dire la qualité que les équipes du duc de Beaufort reconnaissent à ce Nantais de trente-huit printemps, qui enseigne l’histoire et la géographie dans le secondaire pour la quinzième année scolaire consécutive. Juge 3*, le niveau le plus élevé dans la hiérarchie établie par la Fédération équestre internationale, il fait partie d’un club de soixante-dix-neuf membres, où les seuls autres Français se nomment Robert Adenot, Laure Eslan, Alain James, Éric Lieby et Emmanuelle Olier.

Avec un grand-oncle militaire, un autre qui fut agriculteur, et des parents ayant monté à cheval durant leur jeunesse, Xavier Le Sauce est né dans une famille où la plus noble conquête de l’homme ne laisse pas indifférent. Pour autant, l’équitation sportive ne fait partie de son paysage. Dans ce contexte, le garçon est hissé sur le dos d’un poney dès l’âge de cinq ans, à l’occasion de vacances scolaires, un peu par hasard. Peu avant sa majorité, le Nantais envisage de suivre une formation de jugement des épreuves Club, pour comprendre ce qu’on attend du cavalier, mais aussi pour pouvoir œuvrer à l’organisation des concours de son club. Avec trois camarades, il s’y rend dans une Renault 5 hors d’âge. “Nous nous demandions si nous parviendrions à destination”, se souvient-il aujourd’hui. Il rencontre alors Jocelyne Furet et André Polybe, ses deux premiers formateurs, qui donnent envie au cavalier amateur de se prendre au jeu. “Juger permet de vivre les concours d’une autre manière”, résume-t-il.

En 2003, se préparant aux championnats de France des sociétés hippiques rurales et urbaines en concours complet, à Cognac, il suit le stage d’Alain Chiron. Conseiller technique régional des Pays-de-la-Loire et juge international, ce dernier a pour mission d’aider l’équipe locale à gagner des points en dressage. Le technicien restera un accompagnateur, un conseiller et un ami fidèle de Xavier. À vingt ans, le Ligérien continue alors à monter dans la banlieue nantaise avec Fabienne et Pierre Normand, deux enseignants passionnés, Madame, de dressage, et Monsieur, de cross et de jumping. Techniquement, le jeune adulte apprend beaucoup et reçoit “l’amour du dressage”. Dès 2004 s’ouvre le chapitre de l’engagement associatif, qui lui tient particulièrement à cœur. Aux côtés de Jocelyne Furet, Xavier intègre le bureau du Comité départemental d’équitation de Loire-Atlantique, dont il devient le trésorier. À l’époque, je ne savais pas du tout de quoi il s’agissait, mais je faisais entièrement confiance à Jocelyne”, avoue-t-il. Il conserve ce siège pendant un peu plus de seize ans, avant d’être élu président de ce CDE parmi les plus importants de France.



L’importance des rencontres, encore et toujours

En 2008 à Chateaubriant, Xavier Le Sauce juge sa première Tournée des As. À cette occasion, il rencontre Emmanuel Quittet, alors sélectionneur national de l’équipe de France Poneys, qui lui ouvre les portes de l’Open de France de Lamotte-Beuvron. Aujourd’hui encore, il y officie régulièrement. “Quel que soit son niveau, un juge doit pouvoir œuvrer dans n’importe quelle compétition. C’est vraiment indispensable”, assène le Nantais. En 2010, il devient juge National 1 de complet, puis juge des épreuves de la Société hippique française. Durant cette ascension, prudente, vers le sommet de la hiérarchie nationale, le jeune homme rencontre Patrick Michaud, délégué technique international à l’époque, et Michel Asseray, juge international et futur directeur technique national adjoint, auprès desquels il parfait sa formation. “Ils avaient en effet envie d’aider, de transmettre. À cette époque, une équipe de jeunes juges arrivait, avec Nolwenn Simon et Johan Montfort, chapeautée par Alain Chiron. À ce moment-là, il y avait une véritable émulation dans la région, grâce notamment à l’action d’Alain, qui s’occupait aussi très activement des juges de dressage, d’ailleurs. Rencontrer de telles personnes a été une chance pour nous. Ils nous ont aussi présenté aux organisateurs, qui nous ont ouvert alors les portes de leurs concours, à Saint-Mars-d’Outillé, Meslay-du-Maine, Bazoges-en Pareds ou La Flèche.” En parallèle, toujours guidé par Alain Chiron, le jeune homme devient juge de dressage jusqu’au niveau N3. Convaincu que “l’idéal pour pouvoir continuer à se former constamment, progresser et se faire l’œil, est de déjà savoir juger correctement un cercle et une épaule-en-dedans pour s’attaquer aux épreuves de complet”, il assiste aussi attentivement aux formations de Claire Bardon.

En 2012, sur les conseils de Michel Asseray, Xavier Le Sauce suit sa première formation internationale, qu’il prépare activement, notamment en révisant le vocabulaire technique en anglais. Il rencontre alors Anne-Mette Binder, aujourd’hui cheffe de l’équipe danoise de dressage et qui officie alors comme directrice de cours. Ayant atteint le sommet de la hiérarchie établie par la FEI, elle avait présidé le jury des Jeux olympiques de Londres. Là, avec ses collègues, elle portait la responsabilité d’attribuer ou non le niveau demandé par tel ou tel candidat.

En 2013la famille Grasset convie le juge nouvellement promu à Bazoges-en-Pareds, en Vendée, son département natal. “C’était mon premier concours international”, raconte Xavier, “mais c’est surtout pour moi l’occasion de rencontrer le délégué technique Per Magnusson, qui organise les concours de Malmö”, se rappelle-t-il. Chargé d’évaluer le candidat international, le Suédois le convie dès l’année suivante en Scandinavie. Le Français officie donc pour la première fois à l’étranger en 2014 à Malmö. Il y rencontre des juges expérimentés, dont les Britanniques Nick Burton, membre du jury des JO de Londres, eti Les Smith Lessons. Dès 2015, l’Angleterre, terre de prédilection du complet, lui ouvre ses portes, à l’occasion d’un CCI 2* organisé à Hartpury, école que l’on pourrait comparer à celle de Saumur. “C’est un superbe souvenir. Non seulement les installations y sont extraordinaires, mais les CCI anglais sont vraiment uniques en termes d’ambiance!” Jeune trentenaire, le Nantais suit son deuxième cours international, organisé en Irlande, pour “continuer à se construire” et progresser dans la hiérarchie



Adélaïde, là où l’aventure a vraiment commencé

De son côté, la FEI poursuit un programme de brassage visant à aider un maximum d’officiels à aller se former à l’étranger. Dans ce contexte, en novembre 2016Xavier Le Sauce se rend à Adélaïde, en Australie, où se déroule l’un des six CCI 5*-L du calendrier annuel, aujourd’hui au nombre de sept avec l’émergence du concours de Fair Hill, à Elkton, dans l’État américain du Maryland. Appelé à juger le CCI 4-S, il est évalué, sur proposition des organisateurs, sur le 5*. “L’aventure commence vraiment là”, explique le jeune juge. Après un autre test en Pologne et un nouveau cours obligatoire, il est nommé juge de niveau 3 le 25 janvier 2018. Cette même année, sans manquer à ses obligations d’enseignant, il intègre les jurys des CCI de Blair Castle et CCIO 4*-S de Strzegom.

En 2019, toujours aussi engagé dans la vie associative, le Nantais est élu président du Comité départemental olympique et sportif (CDOS), activité “qui occupe mon deuxième trente-cinq-heures”, sourit-il. Pour la première fois, il officie au CCI 5*-L de Burghley, le concours le plus exigeant au monde. Il y est à nouveau accompagné d’officiels en qui il a toute confiance, dont la Suédoise Christina Klingspor et Nick Burton. “Quand on reconnaît son premier cross de niveau 5*, surtout en Angleterre, on se rend compte de l’importance de l’événement, qui est véritablement mythique, avec des tribunes pleines à craquer dès le mercredi pour la première inspection vétérinaire. Pour autant, on est si préparé et formé et on a tellement répété qu’on se sent prêt et qu’on a hâte de donner le coup d’envoi.” Dans cette grande compétition, comme dans tout concours, Xavier a commencé à œuvrer en s’excusant “auprès de mes secrétaires, en raison de la densité des commentaires que je savais à venir. Je suis un grand bavard! La naissance de l’esprit d’équipe, qui permet vraiment d’avancer dans le bon sens, naît sûrement de ces paramètres finalement très britanniques.”

La même année, en voisin, le Ligérien intègre pour la première fois le jury du Mondial du Lion-d’Angers, “le premier championnat (des chevaux de six ans, ndlr) pour lequel j’ai été nommé par la FEI”, souligne-t-il. En octobre 2020 à Pau, le juge nantais vit son deuxième CCI 5*-L au terme d’une année excessivement ralentie par la pandémie de Covid-19, le rendez-vous béarnais étant le seul concours de ce niveau maintenu. Mû par “la volonté de bien faire et l’envie de promouvoir la qualité sportive”, il se rappelle un concours qui restera unique en raison d’une contradiction caractérisée par la présence de 25.000 spectateurs lors du cross, quelques jours avant un douloureux reconfinement national.

En 2022, Xavier Le Sauce intègre un groupe de travail de la FEI chargé de réfléchir à “la manière de donner des cours en visio.” Pédagogue dans l’âme, l’officiel rejoint aussi le groupe des directeurs de cours de la FEI. Concrètement, il animera son premier cours cet automne en Pologne. Entre les CCI 4*-L de Saumur et Bramham, ainsi que les championnats d’Europe Jeunes Cavaliers de Hartpury, il ne s’ennuie pas. En cette dernière occasion, il retrouve un autre Nantais, Jean-Michel Roudier, juge 4* de dressage, qu’il avait déjà côtoyé lors des formations techniques de dressage qu’il continue fidèlement à suivre. En 2023, année précédant les Jeux olympiques de Paris 2024, cavaliers et chevaux se sont déjà soumis à son jugement aux CCI 4*-S et L de Strzegom et au CCI 3*-S de Saumur. Après Badminton, le sommet de sa saison, le Français est attendu à Baborówko, en Pologne, pour l’épreuve de qualification olympique des nations d’Europe de l’Est, puis à Hartpury, Burgham et Segersjö pour le championnat non officiel des “Gentlemen”, où s’affrontent des Amateurs dans une épreuve de niveau 3*. Jusqu’où le mènera ce parcours exemplaire? Nul ne le sait, mais tout porte à croire que Xavier Le Sauce a encore de très beaux jours devant lui.