“Après ma chute, j’ai vraiment pris conscience de la nécessité de prendre soin de moi”, Dorothée Amar

La notion de bien-être est de plus en plus importante dans le monde équestre. Bien-être du cheval bien sûr, mais aussi du cavalier. Après une chute en décembre dernier, Dorothée Amar s’est retrouvée clouée au lit durant plusieurs semaines. Au cours de sa convalescence, la récente médaillée de bronze du championnat de France de Pro 2 a décidé de changer sa pratique sportive et de se focaliser davantage sur sa santé physique et mentale. Elle se confie à ce sujet, mai aussi sur ses chevaux et ses activités de coaching.



Dorothée Amar et Angela D’Orchis dans la Pro2 à 1,35m à Magnanville, juin 2022

Dorothée Amar et Angela D’Orchis dans la Pro2 à 1,35m à Magnanville, juin 2022

© Agence Ecary

Vous avez annoncé, notamment sur les réseaux sociaux, avoir adopté une nouvelle approche et de nouvelles pratiques équestres. Qu’est-ce qui a guidé ce changement? 

En décembre dernier, j’ai chuté violement de mon cheval. Comme toujours, je me suis directement remise en selle et j’ai continué comme si de rien était. Je m’étais fait mal, mais j’ai serré les dents. Quinze jours sont passés, puis trois semaines, et les douleurs étaient toujours là. Je suis alors allée consulter mon ostéopathe afin de tenter d’y remédier. Le lendemain de la séance, qui m’a permis de lâcher prise tant physiquement que psychologiquement ( GRANDPRIX avait notamment consacrée un dossier à la santé mentale des cavaliers, à retrouver ici, ndlr ) , j’étais incapable de me lever. C’était comme si mon corps me disait stop. Je suis restée au lit pendant quinze jours, ce qui a été extrêmement difficile pour la personne très active que je suis, toujours en train de m’occuper de mes chevaux ou de faire autre chose. Je ne m’arrête pas. Clouée au lit sans pouvoir rien faire, j’ai commencé à réfléchir. En parallèle, j’ai trouvé un très bon médecin qui m’a prodigué de bons conseils de rétablissement. La solution consistait à bien me muscler, notamment au niveau des cervicales, qui avaient été lourdement impactées lors de ma chute. 

J’ai alors appris à quel point il est important de s’entretenir physiquement pour un cavalier. Je me suis demandé comment je devais muscler le haut de ma colonne vertébrale, et surtout pourquoi je n’étais pas au point physiquement alors que je montais à cheval quasiment tous les jours et que je courais et jouais au ping-pong régulièrement. En me renseignant, j’ai appris que la pratique sportive conduit généralement nos muscles à durcir, mais que nous oublions de les assouplir, ce qui est pourtant primordial pour notre bien-être physique. De fait, les cavaliers ne s’échauffent pas et ne s’adonnent pas aux assouplissements. Nos chevaux ont le droit aux extensions, assouplissements et phases de récupération à tire-larigot, mais nous, cavaliers, nous oublions dans ce processus. Je me suis donc penchée sur le yoga et tout ce qui concerne de manière générale les étirements et exercices de relâchement. Mon conjoint, qui est coach sportif, m’a également accompagnée dans mes recherches. Aujourd’hui, je fais davantage attention à mon état physique, ma souplesse et ma disponibilité. Surtout, j’écoute plus mon corps, sans pour autant tomber dans l’hypochondrie. La nécessité de prendre soin de mon corps a été une prise de conscience salutaire, car je veux rester à cheval le plus longtemps possible. 

En quoi consistent vos exercices? À quelle fréquence les réalisez-vous? 

J’ai commencé par du yoga, des étirements des cervicales, de la colonne vertébrale et du dos en général. Il s’agissait d’exercices très basiques comme toucher le sol avec ses mains ou encore des mouvements de torse et de la colonne?: être capable de garder le bas du corps dans un sens mais d’étirer le haut dans l’autre sens. À cheval, nous nous tenons toujours un peu cambrés. Le fait d’inverser le mouvement et d’étirer ma colonne vertébrale dans l’autre sens m’était très difficile au début. Ce sont des exercices inspirés de ce que font les athlètes dans d’autres sports et que j’ai pu découvrir en partie grâce à mon conjoint. Nous avons pris ce qui fonctionne ailleurs et l’avons adapté à mes besoins. Aujourd’hui, j’ai gagné en souplesse, ce qui m’apporte du confort à moi, mais aussi à mon cheval, puisque je me tiens mieux sur son dos. 

J’ai intégré ces exercices à mon rituel matinal. Lorsque je suis en concours, j’ai encore du mal à me les imposer, car nous vivons des journées très chargées?et chaotiques. Je dois encore parvenir à m’organiser, et trouver l’endroit adapté. Pour m’aider, mon conjoint m’a conçu huit exercices à faire debout pour tout de même m’étirer le dos, la nuque, le bassin, les épaules et les chevilles avant de monter à cheval. J’ai également adapté mon alimentation, car cela influe beaucoup sur notre bien-être. En concours, nous n’avons pas le temps de bien nous alimenter. Souvent on mange des frites, un hamburger ou un autre sandwich. Or, il faut prendre le temps de s’organiser et de se réapproprier son temps, son corps et son esprit. C’est d’autant plus important que nos chevaux trouvent du confort dans notre attitude sereine.  

Dorothée Amar aux rênes de Cancun Torel dans la Pro2 à Magnanville, juin 2022

Dorothée Amar aux rênes de Cancun Torel dans la Pro2 à Magnanville, juin 2022

© Agence Ecary



“Mes élèves sont très demandeurs, à l’écoute et surtout très motivés”

Dorothée Amar avec Canto de Laouga au Jumping de Bory 2022

Dorothée Amar avec Canto de Laouga au Jumping de Bory 2022

© Agence Ecary

Enseignez-vous à vos élèves tout ce savoir que vous avez assimilé? 

Oui, tout à fait! j’ai toute une équipe de compétiteurs, composé de jeunes et moins jeunes cavaliers, qui s’intéresse également à ces questions de bien-être. Au début, j’ai eu un peu de mal à motiver les jeunes qui n’ont évidemment mal nulle part. Mais finalement, en voyant ce que tout cela m’apporte, ils ont pris conscience de l’importance de bien s’entretenir. Je ne leur impose aucun exercice, mais les conseille seulement lorsque je considère qu’ils rencontrent, non pas un souci technique à cheval, mais un problème de position à travailler à pied. Mes élèves sont très demandeurs, à l’écoute et surtout très motivés, mais ils doivent encore gagner en régularité. 

Qu’apportent ces exercices aux chevaux? 

Avant tout ces changements, nos chevaux bénéficiaient déjà d’un suivi. On peut en quelque sorte parler de yoga pour le cheval puisque nous vivons des semaines assez rythmées permettant d’entretenir les chevaux physiquement, mais aussi mentalement. Le mardi, nous les faisons travailler sur le plat et nous concentrons sur les étirements, ce qui correspond au yoga. Le mercredi, nous leur faisons faire de la gymnastique sur des barres au sol ou des cavaletti. Le jeudi, tous nos chevaux vont en trotting. Le vendredi, nous les longeons. Et le week-end, soit nous concourons, soit nous sautons à la maison. Après les séances de saut, nous leur mettons de la glace ou de l’argile sur les membres, et pour détendre toutes leurs tensions dorsales, nous employons un tapis massant. De plus, nous les sortons le plus possible au pré, au paddock ou bien au marcheur. Tout est vraiment au point pour nos chevaux. Maintenant, nous devons parvenir à prendre soin de nous-mêmes avec autant d’engagement. Si l’on se sent bien dans son corps et sa tête, la connexion avec le cheval n’en sera que meilleure. Si le couple va bien physiquement et mentalement, il ne peut qu’évoluer dans le bon sens. Pour moi, les maîtres-mots sont bien-être, du cavalier comme du cheval, et couple. Le cavalier et le cheval doivent tous les deux se sentir à l’aise pour former un couple harmonieux et bien travailler ensemble. 

Avez-vous gardé des séquelles de votre accident? 

Entre l’arrêt d’un mois et le temps nécessaire pour me remettre en route, j’ai pris du retard sur la saison. C’est pourquoi je n’ai pas concouru de décembre à mars. Depuis que j’ai repris mon rythme de croisière, j’ai un tout petit peu relâché mes exercices mais je me suis assez vite rendu compte que je me sentais moins bien sans ce petit rituel. Tout cela est vraiment important pour ma santé physique et mentale. On ne résout pas ce genre de problèmes en quelques mois. Il me faut du temps pour que tout soit parfait. 



“J’aime tout autant monter et former mes chevaux que former mes élèves”

Dorothée Amar et Cancun Torel Z dans l’épreuve toisée à 1,45m du CSI 3* de Canteleu, septembre 2022

Dorothée Amar et Cancun Torel Z dans l’épreuve toisée à 1,45m du CSI 3* de Canteleu, septembre 2022

© Agence Ecary

Sur quels chevaux pouvez-vous compter??  

Aujourd’hui, vingt-trois de nos vingt-cinq boxes sont occupés. Parmi nos pensionnaires se trouvent les chevaux de mes clients, mais aussi une bonne dizaine de chevaux de commerce. J’aime former, façonner et valoriser les jeunes; c’est vraiment quelque chose qui me passionne. Ma jument, Angela d’Orchis (SF, Luccianno x Calvaro), vient d’être saillie donc ne sortira pas en concours cette saison, et nous avons vendu la plupart de nos chevaux de commerce l’hiver dernier, sauf certains jeunes. Je suis tout de même assidue en concours, pour accompagner mes élèves ou monter mes jeunes chevaux. J’ai aussi quelques partenaires plus expérimentés qui concourent un peu en CSI 2*. Le commerce me plaît énormément, mais avoir un bon piquet de ce niveau ne me déplairait pas non plus (rires). Cependant, j’aime tout autant monter que former mes chevaux et mes élèves. Ce sont mes deux grandes passions. Je trouve très intéressant d’accompagner en concours, d’observer les autres et de voir le travail des chefs de piste et la façon dont les chevaux réagissent aux différents parcours.  

Quels sont désormais vos ambitions? 

En tant que coach, mon objectif principal est de continuer à voir évoluer mes cavaliers. Pour moi, c’est primordial. Je veux les voir bien monter et se faire plaisir avec leurs chevaux. Me concernant, je veux perdurer et continuer à me faire plaisir en piste. Et même s’il y’a des moments creux, ce qui arrive toujours lorsqu’on priorise le commerce, ce n’est pas grave. Mieux vaut prendre le temps de bien former les chevaux. Bien sûr, j’entends continuer à sauter de belles épreuves. Enfin, l’idée de voir Angela pouliner me tient très à cœur. 



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