André Thieme et Chakaria s’offrent un triomphe romain sur la sublimissime place de Sienne
André Thieme et Chakaria ont remporté le Grand Prix Rolex du CSIO 5* de Rome, cet après-midi sur la place de Sienne. Devant des milliers de spectateurs admiratifs, l’Allemand et sa pépite, champions d’Europe en titre, ont signé le plus rapide des cinq doubles sans-faute de cette épreuve de référence, devançant le Suédois Jens Fredricson, deuxième sur Markan Cosmopolit, et le Brésilien Stephan de Freitas Barcha, troisième avec Chevaux Primavera Montana Imperio Egipcio. Seul Français qualifié pour la seconde manche, Julien Épaillard s’est classé dixième sur Dubaï du Cèdre.
Ils sont venus, ils ont vu et ils ont vaincu, selon la formule attribuée à Jules César et consacrée depuis plus de deux mille ans. Sur la sublimissime place de Sienne, au cœur des jardins de la Villa Borghèse, poumon vert de la Ville éternelle, André Thieme et Chakaria (née Carelia) se sont offert un véritable triomphe romain. De ceux que seuls les souverains pouvaient goûter, au retour de glorieuses batailles remportées aux confins de l’empire. L’Allemand et sa jument Brandebourgeoise de quatorze ans par Chap 47 et une mère par Askari 173, ne seraient-ils pas le plus brillant couple de l’ancien Saint-Empire romain germanique? Sacrés champion d’Europe il y a deux ans à Riesenbeck, en leur Allemagne natale, ces deux admirables athlètes, à l’attitude perpétuellement chevaleresque, n’ont pas manqué grand-chose depuis. L’an passé, ils avaient gagné le Grand Prix du CSIO 3* de Mannheim, fini deuxième du Grand Prix CSI 5* de Hambourg, signé trois sans-faute dans les Coupes des nations de Sopot et Aix-la-Chapelle, avant de s’imposer dans le Grand Prix CSIO 5* de Falsterbo. On se rappelle évidemment leur spectaculaire séparation de corps aux Mondiaux de Herning, effacée par une belle fin de saison et notamment une neuvième place dans le Grand Prix Rolex du CHI de Genève.
En 2023, la paire n’a guère renversé que quatre obstacles en épreuves internationales, remportant au passage le Grand Prix Coupe du monde Longines d’Ocala. De retour en Europe le mois dernier après avoir, comme toujours, passé l’hiver en Floride, André Thieme n’a engagé sa pépite, qu’il “aime aussi intensément que [son] épouse”, selon ses dires, que dans une épreuve à 1,40m en Allemagne, avant de participer pour la première fois au CSIO 5* de Rome. Et quelle première, avec un tour d’échauffement jeudi, une très belle Coupe des nations vendredi (sans-faute puis quatre points sur le char romain qui a causé tant et tant de tracas), et deux manches absolument parfaites aujourd’hui. Et maintenant? “J’essaie de lui imposer le moins de parcours possibles, dans l’optique des Jeux olympiques de Paris 2024. En 2021 à Tokyo, notre couple était encore trop vert. L’expérience acquise nous avait profité, puisque nous avions été sacrés champions d’Europe quelques semaines plus tard, mais je rêve vraiment des JO. Si Otto Becker (sélectionneur national allemand, ndlr) m’y contraint, nous participerons bien sûr aux championnats d’Europe de Milan, mais mon véritable objectif n’est pas celui-là.” Qui vivra verra.
Dure après-midi pour les Bleus
Comme toujours, ce Grand Prix, l’une des premières épreuves de référence de la saison extérieure, s’est avéré épais, sévère et technique, avec quelques séquences particulièrement fautives: le double oxer (sur bidet)-vertical placé en 6 par le chef de piste italien Uliano Vezzani, le triple vertical-oxer-oxer monté en 9, ainsi que la dernière ligne, constituée du massif oxer 11 (1,55m x 1,70m), du sec vertical sur bidet 12 (1,65m) et de l’exigeant oxer 13 (1,55m x 1,70m). Sous un soleil de plomb, Julien Épaillard, qui a lui aussi découvert ce sublime Officiel d’Italie, a été le seul Français à se qualifier pour la seconde manche, brillamment qui plus est, en selle sur Dubaï du Cèdre. Le couple a même signé le deuxième plus rapide des onze sans-faute. Kevin Staut et Dialou Blue PS ont fauté sur l’oxer 8 et le vertical 12. Simon Delestre et Dexter Fontenis ont péché de façon surprenante sur les oxers 9b et c, puis sur le vertical 10. Enfin, Grégory Cottard a concédé vingt-six points avec Bibici, en raison de fautes sur les oxers 9c et 11 et d’un refus devant le 12.
Au second acte, le vent s’est quelque peu levé, pour le plus grand plaisir des milliers et milliers de spectateurs massés sur les buttes encadrant l’ovale engazonnée de la place de Sienne. Après le sans-faute du Belge Koen Vereecke et Kasanova de la Pomme, pénalisés de quatre points en première manche et finalement sixièmes, et le beau parcours de l’Italienne Francesca Ciriesi et Cape Coral, révélations de ce CSIO 5*, battus uniquement sur l’oxer final et neuvièmes, la bataille pour les tant espérés doubles sans-faute a pu commencer. Jens Fredricson a été le premier à y parvenir, de fort belle manière avec son bienaimé Markan Cosmopolit. Un très bon chronomètre leur a offert une deuxième place amplement méritée et qui a comblé de joie ce Suédois au sang-froid et à l’équitation diablement efficaces. Le public italien a perdu tout espoir d’entendre son hymne national lorsque Emanuele Gaudiano et son spectaculaire Chalou ont péché sur les 13 et 9a, placés au milieu du parcours réduit imaginé par Uliano Vezzani.
Comme souvent avec son puissant Long John Silver 3, le Néerlandais Jur Vrieling a assuré l’essentiel sans forcer, ce qui leur a valu la cinquième place. Stephan de Freitas Barcha a été un poil plus téméraire, avec Chevaux Primavera Montana Imperio Egipcio, lauréate d’un Grand Prix CSI 4* il y a deux semaines à Montefalco, mais qui entame son initiation aux grands concours européens. Le Brésilien, qu’on avait découvert en 2016, lorsqu’il avait été préféré au légendaire Rodrigo Pessoa aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, a vu son excellent double sans-faute lui rapporter une superbe troisième place. De bon augure pour l’équipe auriverde, qui va devoir batailler comme jamais pour obtenir sa qualification pour Paris 2024, à Barcelone en finale mondiale des Coupes des nations Longines et possiblement aux Jeux panaméricains de Santiago du Chili, où il y aura beaucoup de nations candidates et seulement trois élues…
Plus de peur que de mal pour Laura Kraut et Baloutinue
Une faute sur le 9b a privé de podium le Néerlandais Harrie Smolders et Bingo du Parc, septièmes. André Thieme a alors pris la tête des opérations, en se montrant très prudent en début de parcours, puis en lâchant Chakaria à l’abord du triple réduit en double, avant d’avaler le reste du menu à tout berzingue. Le podium leur semblait promis, mais pas forcément la victoire. Le Belge Pieter Devos ne s’est guère montré dangereux, Nascar van’t Siamshof glissant entre les verticaux 3 et 15, dans une zone où le gazon avait déjà montré des signes de fatigue en première manche. S’en sont suivies deux fautes les 9b et 13, pour une onzième place finale. Plus précautionneux, le Britannique Tim Gredley, auteur d’un come-back plutôt inattendu à très haut niveau, a joué placé avec Médoc de Toxandria, se hissant à la quatrième place.
Dans ce qui devait être le money-time, rien ne s’est passé comme prévu. Parti pour gagner, le Suisse Bryan Balsiger a quasiment réussi son coup de force… jusqu’à ce que Dubaï du Bois Pinchet ne refuse de sauter l’oxer 4, dernière difficulté de l’après-midi, qu’elle a contournée à pleins gaz par la gauche. On attendait l’autre Dubaï, du Cèdre cette fois, sous la selle du cavalier le plus rapide de la planète. Vainqueur de deux épreuves depuis jeudi, Julien a évidemment tenté sa chance, mais il n’a pu empêcher deux fautes sur les 3 et 15, finissant dixième. Un classement prometteur en vue du CSIO 5* de La Baule, que le couple vivra au sein du quintette tricolore. Pour Laura Kraut, cette seconde manche s’est carrément avérée cruelle. Après un début de parcours mené tambour battant, l’incroyable Baloutinue a glissé en plein virage dans la zone instable entre les 3 et 15, jetant sa cavalière par-dessus bord. Fort heureusement, plus de peur que de mal pour l’Américaine, dont l’airbag a amorti la chute, et son crack, qui a gratifié le public de son très beau galop, deux ou trois minutes durant. On aurait préféré les voir aller au bout de ce parcours que de finir treizièmes, mais ainsi va le sport. Et pour ce sacre romain dont elle rêve tant, Laura devra donc revenir en 2024.