“Je ne vais pas mettre en péril ma structure et mes chevaux pour briller en compétition”, Christophe Grangier
Installé près de Pont-l’Évêque depuis trois ans avec sa femme et ses deux enfants, Christophe Grangier vit, à quarante-cinq ans, l’une des plus belles périodes de sa carrière sportive. Il y a dix jours, accompagné de son fidèle Catch Boom Bang, il a notamment pris la deuxième place du Grand Prix à 1,55m du CSI 3* de Cabourg Classic, aux couleurs de CWD et de la ville de Cabourg. Quelques jours après cette performance, le cavalier dresse le bilan de son week-end de compétition. Pouvant compter sur cet excellent étalon et sur sa famille, celui qui écume depuis de nombreuses années les concours normands espère un nouveau coup d’éclat pour mettre à nouveau sa structure en lumière. Tentant de ne pas mêler précipitation et ambition, il mène son affaire d’une main de maître, attendant patiemment et passionnément son heure de gloire.
Il y a dix jours, avec Catch Boom Bang (Old, Cornet’s Prinz x Argentinus), vous avez terminé deuxième du Grand Prix CWD de la ville de Cabourg à 1,55m lors du CSI 3* de Cabourg Classic organisé par les équipes de GRANDPRIX Events. Comment avez-vous vécu votre week-end?
C’était vraiment bien. Catch avait déjà très bien sauté lors du concours précédent, à Compiègne (mi-mai, le couple avait terminé troisième du Grand Prix du CSI 3* de Compiègne Classic, ndlr). À Cabourg, le premier jour, il a commis deux fautes mais a tout de même bien sauté. Le vendredi, il a réalisé un parcours sans faute en première manche puis au barrage de l’épreuve à 1,50m (le couple a terminé troisième du Prix Defender le vendredi, ndlr). Il a ensuite conclu son concours en beauté avec sa performance dans le Grand PRIX donc c’était un bon week-end.
Il s’agissait de votre deuxième participation à Cabourg Classic…
Oui, l’année dernière j’étais déjà venu avec ce cheval-là, qui courait alors son premier 3*. Nous avions écopé de quatre points dans le Grand Prix et terminé onzièmes. L’année dernière, il s’agissait d’une découverte. Nous avons désormais plus d’expérience en commun, mais cela n’empêche pas une faute de vite arriver.
Qu’avez-vous pensé de l’ambiance de cette compétition?
C’est un concours très sympathique. Il est au milieu d’un hippodrome donc un lieu de cheval alors on se sent dans notre élément. Les infrastructures sont pratiques et vraiment adaptées pour les chevaux.
Comme mentionné plus haut, vous avez également obtenu un bon résultat à Compiègne. Catch Boom Bang semble très en forme en ce moment! Pouvez-vous en parler plus en détail?
C’est un cheval que je monte depuis deux ans. Il m’avait été confié par Florin Codre et Dora Stànescu, ses anciens propriétaires, un couple de Roumains ayant un élevage de chevaux dans l’Orne. Ils avaient pour objectif de le vendre mais, à cause d’une fracture du garrot survenue lorsqu’il était plus jeune, il ne passait pas la visite vétérinaire. Des amis à moi l’ont donc acheté afin de le garder et de vendre quelques saillies. Il a d’ailleurs déjà produit quelques chevaux désormais âgés de quatre ans et très prometteurs!
Cette ancienne blessure le rend donc atypique dans sa façon de fonctionner, n’est-ce pas?
Il a une tolérance à la contrainte assez limitée mais une qualité intrinsèque, un talent et un cœur très au-dessus de la moyenne.
Quels sont vos objectifs cette année avec lui?
Je n’ai pas d’objectifs précis. Je n’ai que lui pour participer à des Grands Prix de ce niveau alors je ne peux pas me permettre d'aller en concours toutes les semaines. À Partir du label 3*, il faut se qualifier pour participer au Grand Prix donc je fais en sorte d’y parvenir dès le premier jour puisque je n’ai pas d’autre cheval capable de l’épauler sérieusement.
“Les chevaux coûtent de plus en plus cher alors mieux vaut les acquérir jeunes”
Qu’en est-il de Cornet’s Dream et Go Up de Villette, deux autres chevaux que vous montez?
Go up de Villette (SF, Quartz Rouge x Easy Boy) prend part actuellement aux épreuves réservées aux chevaux de sept ans. Elle participera, l’année prochaine, à de petites épreuves qualificatives pour épauler un peu Catch Boom Bang e,t à neuf ans, elle devrait pouvoir sauter les épreuves comptant pour le classement mondial Longies. Cornet’s Dream (Old, Cornet’s Prinz x Nabab de Rêve) a huit ans mais est un peu tardif. Bien qu’il ait réalisé une bonne année à six ans, il n’a quasiment pas couru à quatre et cinq ans. Il ressemble aujourd’hui plus à un cheval de sept ans et commence cette année les épreuves à 1,40m.
Où êtes-vous installé?
Nous avons construit, il y a trois ans, une écurie à côté de Pont-l'Évêque, à Saint-André-d'Hébertot. Nous sommes en Normandie depuis douze ans et louions jusqu’alors des installations en attendant de trouver un endroit où nous installer définitivement. L’écurie compte vingt-cinq boxes et nous avons entre vingt-cinq et trente chevaux.
Y a-t-il quelqu’un qui vous entraine ou êtes-vous autonome?
Mon père m’aide encore beaucoup à la maison. Il m’a toujours accompagné depuis que j’ai mis le pied à l’étrier pour la première fois. En plus de cela, je regarde beaucoup les autres et demande à certains des avis. Je pense qu’avoir un œil extérieur est obligatoire.
Comment fonctionne votre système? Vous avez également des jeunes chevaux au travail, n’est-ce pas?
La plupart des jeunes chevaux avec lesquels je travaille appartiennent à des éleveurs ou des marchands. J’ai donc souvent eu de très bons jeunes sans pour autant réussir à les garder. Je n’ai pas de mécènes pour m'aider à les maintenir sous ma selle et aucun n’appartient à des sponsors qui me les confiraient sur le long terme. Aujourd’hui, j’aimerais pouvoir compter sur deux ou trois chevaux d’âge en plus. C’est ce que j’essaye de construire avec Cornet's Dream et Go Up de Villette, bien qu’ils soient aussi à vendre.
Exercez-vous également une activité d’enseignant?
J’enseigne très peu car je n’ai pas vraiment le temps. La semaine, nous sommes en compétition avec les jeunes et, le week-end, avec les chevaux plus âgés. J’aime transmettre mais à petit dose, avec quelques personnes que j’apprécie, mais ce n’est pas quelque chose que je souhaite développer énormément pas la suite. Je préfère le commerce, l’élevage et la compétition.
Maintenant que vous êtes installés, allez-vous développer l’élevage?
J’aimerais bien mais c’est une activité qui demande un petit peu de chance au départ, à moins d’avoir de quoi investir dans de superbes souches. À notre petit niveau, nous faisons naître un à deux poulains par an. Pour autant, si nous avons l’opportunité de trouver une poulinière, nous la prenons avec plaisir. Les chevaux coûtent de plus en plus cher alors mieux vaut les acquérir assez jeunes.
Vos enfants montent-ils à cheval?
Oui, Julie a dix-sept ans et Clément quatorze. Ils sortent tous les deux en compétition. Ils ne sont pas assez bien équipés pour pouvoir concourir sur les circuits réservés aux jeunes mais se font plaisir et apprennent. Nous faisons avec nos moyens et à notre rythme. Ils montent avec mon père, ma femme, ou moi, en famille. Nous n’avons pas les reins assez solides pour investir dans des chevaux déjà prêts, donc la route est un peu plus longue.
“Même sans chevaux d’âge, je continue de travailler pour être prêt lorsque j’en aurais un”
À quarante-cinq ans, vous semblez vivre la plus phase de votre carrière sportive. Espérez-vous profiter de ces années et vous installer à haut niveau?
On espère toujours! J’ai eu la chance de faire partie des meilleurs pendant mes années Jeunes mais, après ça, j’ai eu des périodes plus creuses lors desquelles je n’avais plus de chevaux d’âge. Je n’ai jamais été très inspiré pour trouver des investisseurs. Je suis un passionné de concours alors, s’il y a une possibilité pour continuer à progresser et monter en grades, je le ferai avec plaisir. Cependant, je ne vais pas risquer de mettre tout en danger pour briller en concours. J’ai un système économique à respecter et je veux préserver mes chevaux. J’avise donc au fur et à mesure. J’aimerais réaliser une ou deux belles performances pour mettre en lumière l’écurie sans pour autant prendre de risques.
Vos récentes performances vous ont-elles offert de nouvelles opportunités?
Pas vraiment, mais je ne suis pas le roi de la pub! Le saut d’obstacles est un milieu dans lequel beaucoup de gens ont de l’argent et peuvent donc se permettre de faire les choses différemment mais, pour des raisons économiques, ce n’est pas notre cas. Nous ne pouvons pas mettre la charrue avant les bœufs et partir en tournée, prendre des chevaux gratuitement et voir ce qu’il se passe. Nous devons faire les choses dans l’ordre, étape par étape.
Avez-vous regretté de voir certains chevaux partir?
Oui, mais c’était le jeu et tout était prévu dès le départ. J’ai eu de très bons jeunes qui m’ont quitté mais il faut respecter sa part du contrat et, lorsqu’ils finissent dans une bonne maison, c’est agréable. Aujourd’hui, j’ai la chance d’avoir un très bon cheval et, s’il est forme, nous n’avons pas besoin de cinquante concours pour nous mettre au niveau de ceux qui prennent part à de grosse épreuves tous les trois jours. Même quand je n’ai pas de chevaux d’âge, je continue de travailler et de progresser pour être prêt le jour où j’aurais le bon cheval. Je reste dans tous les cas passionné et motivé!