Chaman Dumontceau, une étoile pour l’équipe de France
Il a le look, les allures ainsi que les moyens recherchés chez un cheval de complet et se montre extraordinairement régulier: Chaman Dumontceau est l’un des meilleurs représentants français dans sa discipline. La regrettée Thaïs Meheust, disparue lors d’un accident tragique avec lui en 2019 et en l’hommage de qui il porte désormais l’affixe Ride for Thaïs, fondait d’ailleurs en lui de grands espoirs. Aujourd’hui, c’est sous la selle de Stéphane Landois que le gris performe. Vainqueur du CCIO 4*-S de Chatsworth il y a quelques semaines, il pointe actuellement au deuxième rang du championnat de France Pro Élite avant le dernier test et fait partie des favoris pour intégrer l’équipe de France lors des championnats d’Europe du Pin-au-Haras en août.
Né le 29 mai 2012 chez Renaud Fressange et Marie-Juliette Jean au Haras du Montceau, en Saône-et-Loire, Chaman Dumontceau n’a jamais laissé quiconque indifférent. Son atout phare? Son excellente locomotion, transmise par son père, Top Berlin du Temple (SF, Berlin ex- Caspar 48 x Câlin du Manoir). Très peu plébiscité par les éleveurs puisqu’il ne compte que sept produits enregistrés en France, dont quatre portant l’affixe “du Montceau”, l’étalon a été choisi pour Cocagne des Pins (Narcos II SF x Montigny PS), la mère de Chaman, pour des raisons pratiques. “Nous avions acheté Top Berlin lors du concours des étalons Selle Français de trois ans à Saint-Lô (en 2010, ndlr) et l’avions à disposition durant toute la saison de monte 2011”, raconte Renaud Fressange. “Or, nous n’arrivions pas à féconder Cocagne avec de la semence congelé, donc nous avons décidé de l’inséminer avec du sperme frais de Top Berlin.” Avant de donner naissance à Chaman, son seul produit brillant en concours complet, la fille de Narcos II avait déjà prouvé sa valeur à l’élevage en mettant au monde Jasmina des Pins (ISO 155, SF, Allegreto) et Sisko du Plaisir (ISO 139, SF, Pégase Gerbaux), qui ont respectivement performé en épreuves à 1,60m et 1,50m en saut d’obstacles.
“Thaïs a eu un coup de foudre pour Chaman”, Corinne Meheust
Par ses origines, Chaman Dumontceau était lui aussi destiné à une carrière en jumping. Cependant, après quelques sorties seulement dans cette discipline sous la selle de sa naisseuse, Marie-Juliette, la décision a bien vite été prise de l’orienter vers le triathlon des sports équestres. “Marie-Juliette sentait qu’il avait de très bonnes allures et le cheval s’est toujours montré très disponible en dressage”, explique Renaud Fressange. “Elle l’a donc engagé dans cette discipline pour voir ce qu’il pouvait donner, et il a obtenu de bonnes notes pour un cheval de saut d’obstacles. (rires) Par ailleurs, lorsqu’elle l’emmenait en extérieur, sur nos chemins vallonnés de Bourgogne, il avait une véritable envie de se porter vers l’avant et montrait un très bon mental. On sentait qu’il adorait ça.” Confié au vice-champion d’Europe par équipes Didier Dhennin, Chaman effectue deux sorties sur le Cycle classique des chevaux de concours complet de cinq ans avant de taper dans l'œil d’une toute bonne jeune cavalière: Thaïs Meheust.
“Elle a eu un coup de foudre pour lui”, expose sa mère, Corinne Meheust. “Il bougeait très bien et avait l’air stable. Comme Thaïs adorait le dressage, elle a aimé son attitude: il semblait très sérieux.” Le gris rejoint donc les écuries de la jeune cavalière en mars 2017. Alors âgée de 20 ans, la Normande se prépare à cette époque pour les championnats d’Europe Jeunes Cavaliers avec ses chevaux de tête, Quamilha et Risotto Mail, et est épaulée par Stéphane Landois pour la formation de Chaman, que le cavalier présente également en compétition en alternance avec elle.
Le fils de Top Berlin du Temple obtient des résultats en dents de scie, oscillant entre bons classements et éliminations. Avec du temps, de la patience et de la rigueur, Thaïs Meheust réussit à le révéler à sept ans, Chaman terminant troisième et quatrième des CCI 2*-L du Pin-au-Haras et de Marnes-la-Coquette et signant une première plutôt réussie en CCI 3*-S au même endroit. La cavalière engage alors logiquement son complice dans le championnat de France de sa génération, disputé cette année-là au Haras du Pin. C’est là que tous deux subiront une chute mortelle pour la jeune femme sur le deuxième obstacle du cross. “Chaman était assez tardif”, se remémore Stéphane Landois. Il a toujours eu une belle locomotion et de gros moyens, mais il a été difficile de le garder bien connecté à nous au départ. Il avait un défaut majeur à l’hippique ainsi qu’au début des parcours cross, et je pense que c’est malheureusement ce qui a coûté la vie à Thais: il était très distrait par ses congénères et un peu trop grégaire.” “Pour ma fille, Chaman était l’avenir”, narre Corinne Meheust. “Elle l’adorait. Tout le monde avait vu ses qualités et croyait en leur couple. Chaman a toujours été courageux et c’était un métronome sur le cross, je crois qu’il n’a jamais rien regardé. Malheureusement, tout se joue parfois à une fraction de seconde.”
Quelques mois après le drame, début 2020, Chaman part rejoindre les écuries de son ancien partenaire, Stéphane Landois, au Haras des Sens, en Charente-Maritime. Pour Corinne Meheust, “c’était une évidence que ce soit Stéphane qui récupère Chaman: parce qu’il était l’ami de Thaïs, parce qu’elle aimait son équitation, son sérieux et son respect des chevaux et qu’il l’avait déjà monté pendant ses jeunes années. Thaïs rêvait d’aller aux Jeux avec ce cheval et j’ai pensé que Stéphane serait heureux de pouvoir essayer de réaliser son rêve pour elle.” Le couple retrouve ses automatismes assez rapidement, et après quelques épreuves nationales, ils s’octroient une troisième place dans le CCI 3*-de Marnes-la-Coquette en juillet 2020, puis la victoire dans une épreuve similaire courue au Pin-au-Haras le mois suivant. “Chaman avait besoin de répéter un peu ses gammes dans les épreuves qu’il maîtrisait bien avant de monter de niveau”, explique aujourd'hui son cavalier, qui l’engage dans son premier CCI 3*-L à l’automne 2020 à Lignières-en-Berry. Là, le gris commet la seule désobéissance de sa carrière internationale et ne termine que quarante-sixième, mais il se rattrape très bien lors de sa deuxième sortie à ce niveau, en juin 2021 à Bazoge-en-Pareds, où il se classe quatrième. “Au moment où je l’ai récupéré, Thaïs avait déjà fait un travail remarquable avec lui. Forcément, c’était assez facile de le monter ensuite”, raconte le cavalier charentais.
Une régularité exceptionnelle
Trois mois après sa performance en Vendée, le couple dispute son premier CCI 4*-S à Lignières-en-Berry et le remporte, quelques semaines après avoir terminé sixième de la Pro Élite au Grand National du Pin-au-Haras. Depuis, le duo ne cesse de se faire remarquer grâce à sa régularité. Toujours sans faute aux obstacles lors du cross, n’écopant jamais de plus de quatre points au saut d’obstacles et progressant de plus en plus en dressage, les deux compères terminent deuxièmes de leur premier CCI4*L à Saumur en 2022 et intègrent ensuite l’équipe de France lors des Coupes des nations d’Aix-la-Chapelle, du Pin-au-Haras, puis de Boekelo, où ils terminent dixièmes de l’exigeant CCIO 4*-L. “ Maintenant qu’il est vraiment avec moi et que je le connais par cœur, Chaman est très régulier dans ce qu’il fait”, appuie Stéphane Landois. Cela fait plus de deux saisons qu’il n’a pas raté un classement.”
Avec leur récente consécration par équipe comme en individuel lors du réputé CCIO4*S de Chatsworth, en Angleterre, où ils ont obtenu une superbe moyenne de 77,2% lors du dressage, Chaman Dumontceau et Stéphane Landois se sont dirigés vers le championnat de France Pro Élite de Vittel, où ils pointent actuellement au deuxième rang avec seulement un dixième de point de retard sur la tête avant le saut d’obstacles. Pouvant donc espérer un titre dans les Vosges, ils sont en tout cas plus que jamais en lice pour une sélection aux championnats d’Europe, qui auront lieu au Haras du Pin du 9 au 13 août. “Chaman a vraiment passé un cap cette année et est prêt à disputer une telle échéance”, considère Stéphane Landois. “C’est clairement notre objectif de l’année. Bien sûr, on pense déjà aux Jeux olympiques de Paris, qui vont arriver vite, mais je reste pour l’heure concentré sur les Européens.” Quelles que soient les prochaines échéances auxquelles ils participeront, Stéphane et Chaman pourront sans nul doute compter sur leur bonne étoile lors de celles-ci.