Marcus Ehning entre dans le club des légendaires triples vainqueurs du Grand Prix d’Aix-la-Chapelle

Voir le pudique Marcus Ehning lâcher ses rênes, lever les poings et se coucher sur l’encolure de son étalon n’est pas une image commune. Ces quelques secondes, instants suspendus, donnent toute la mesure de l’exploit réalisé par le Centaure avec Stargold cet après-midi, dans le stade de la Soers.  

Débutée à 14h, la première manche du Grand Prix a permis à onze couples de se distinguer malgré un parcours exigeant, notamment composé d’un triple en fin de course, mais aussi d’un ultime oxer à la largeur maximale d’1,90m. Le double n°4, dont l’entrée était placée sur un bidet enterré, a pour autant causé le plus de dégâts avec douze fautes sur les quarante couples au départ. Ces difficultés n’ont toutefois été que des formalités pour un paquet de champions, dont notamment les champions olympiques Ben Maher et Steve Guerdat, respectivement en selle sur leurs jeunes pépites Dallas Vegas Batilly et Dynamix de Belhème. Lauréats et révélations de l’épreuve l’an passé grâce à une galopade folle, Gerrit Nieberg et Ben 431 se sont eux aussi assurés de prendre le départ du deuxième acte réservé aux dix-huit meilleurs avec un score vierge. Avec le difficile rôle d’ouvreur le Français Olivier Perreau en a fait autant, juché sur sa jument maison GL Events Dorai d’Aiguilly, qui a fait forte impression pour sa première apparition dans la Mecque des sports équestres. Malheureusement, la seconde manche ne s’est pas aussi bien déroulée avec une faute sur le n°3 puis un refus sur l’entrée de la combinaison n°4, le très fameux double de bidets. Le Costalorien a alors préféré en rester là. Fautifs à une reprise en première manche, le Suisse Martin Fuchs et le Lorrain Simon Delestre ont relevé la tête de belle manière avec un sans-faute, qui leur permet de terminer sept et huitièmes, respectivement sur l’espoir Dexter Fontenis Z et Leone Jei. Déjà auteur d’une Coupe des nations à zéro puis quatre points jeudi soir, le fils de Diarado repart d’Allemagne avec le titre de meilleur cheval du concours. Quelle première pour le hongre ! 

“Je suis comblé”, Philipp Weishaupt

Bien partis dans la première manche, plusieurs couples attendus ont trébuché dans la seconde, à commencer par Jens Fredricson. Deuxièmes dans le Grand Prix du CSIO 5* de La Baule, le Suédois et son fidèle Markan Cosmopolit ont péché sur l’ultime obstacle, ce qui leur a fermé les portes du barrage. Le couple tenant du titre n’a quant à lui pu se mesurer au chronomètre en raison d’une faute sur la sortie du double. Pour Ben Maher, les n°3 et 5 ont été fautifs tandis que Steve Guerdat n’a pu empêcher une grosse faute de sa fille de Snaike de Blondel. À l’abord du mur placé en n°2, la jument a en effet très fortement ralenti, certainement troublée par le visuel montrant le stade de nuit. Sollicitée par le champion olympique de Londres, Dynamix a consenti à le franchir, sans parvenir à laisser les briques en place et en emmenant même un chandelier. Expert en sang froid, son cavalier a repris le fil, permettant à sa complice de montrer l’étendue de son immense talent. Vainqueur à La Baule, Nicola Philippaerts doit indiscutablement se mordre les doigts ce soir, sa seule erreur lors du second parcours ayant été de trop prendre son temps. À de nombreuses reprises, le Belge a violemment repris sa survoltée Katanga vh Dingeshof, faisant bruisser les tribunes, ce qui a fini par lui valoir un point de temps dépassé. 

Cinq couples ont réussi à se qualifier pour le barrage avec maestria. Le premier, Eugenio Garza Perez, est indiscutablement la surprise de cette épreuve. Avec le génial Calanda, le Mexicain qui évolue majoritairement outre-Atlantique, a en effet surpris son monde, même s’il collectionne déjà quelques beaux classements et victoires. Soixante-douzième des Mondiaux de Herning, il figure ce soir au cinquième rang de l’un des Grands Prix les plus importants au monde au mérite d’un double zéro remarquable. Une seule faute sur le n°3 du barrage est venue enrayer quelque peu son bonheur, qui doit être immense compte-tenu des cavaliers qui le précèdent sur la liste de résultats. Il y a d’abord le champion olympique de 2004 Rodrigo Pessoa, qui confirme toutes les belles choses que Major Tom avait démontré à La Baule, en signant un double zéro dans la Coupe et en se plaçant cinquième du Grand Prix. Remarquable dans les deux manches, le fils de Vagabond de la Pomme doit encore se faire la main au barrage, où il a fauté sur la deuxième barre de l’oxer n°4. 

Avec trois membres de la Mannschaft en fin de barrage, la victoire a semblé promise à l’Allemagne. Tous déjà lauréats du Grand Prix, Philipp Weishaupt en 2018 avec Convall, Daniel Deusser en 2021 et Marcus Ehning en 2006 et 2018, les trois cavaliers se sont livré une bataille sans merci. Disciple de Ludger Beerbaum, le premier a laissé à terre le n°4, bouclant l’épreuve au troisième rang avec un cheval de seulement neuf ans. Fils de Zinedine, Zineday a une nouvelle fois prouvé qu’il faudrait compter sur lui à l’avenir. Jusqu’alors, il n’avait pris part qu’à trois Grands Prix 5*, des Coupes du monde, terminant septième à Oslo. “Je suis comblé ! Mon cheval a montré toute sa qualité, il est absolument exceptionnel”, s’est réjoui le cavalier à la veste grise, qui a aussi vécu avec une grande émotion les adieux surprises de son mentor, qui ne l’avait pas même mis dans la confidence.

Hans Günter Winkler, Fritz Thiedemann, les frères Alwin et Paul Schockemöhle, Ludger Beerbaum et Marcus Ehning

Avant-dernier au départ de l’épreuve, Daniel Deusser a mis la pression à Marcus Ehning en bouclant le premier triple zéro sur sa reine tueuse, Killer Queen VDM. Pas loin de la faute dans le double, l’Allemand a fini par franchir la ligne d’arrivée en 45“73. Un chronomètre battable, qui n’en faisait pas moins un challenge de taille pour Marcus Ehning. 

Dans un silence de cathédrale, face à plus de quarante-deux mille âmes, et sur un Stargold des grands jours, le champion de quarante-neuf ans a livré une nouvelle leçon d’équitation. Sans rupture de rythme, il a dessiné les contours de sa victoire, scellée par l’écran géant affichant un triple zéro en 45“12. Aussitôt, les tribunes ont fait exploser leur joie de voir l’un des grands noms de l’équitation s’imposer à nouveau dans son jardin. 

Quelques minutes après la cérémonie des mouchoirs, tradition aixoise permettant au public de dire au revoir aux héros de la semaine, les deux hommes du jour, le jeune retraité Ludger Beerbaum, et son coéquipier Marcus Ehning, se sont retrouvés pour partager un moment privilégié entourés de leurs proches. Peut-être évoquent-ils leurs souvenirs. Marcus Ehning vient de s’en créer un inoubliable, déjà inscrit sur le tableaux des vainqueurs à l’entrée de la piste de ce concours sans pareil. Si Piero d’Inzeo et Nick Skelton figurent à quatre reprise dans la liste des vainqueurs de ce rendez-vous mythique, Marcus Ehning dénombre désormais autant de victoires que Hans Günter Winkler, Fritz Thiedemann, les frères Alwin et Paul Schockemöhle, ainsi que… Ludger Beerbaum ! 

Les résultats en direct

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