Des compositions au service de l’humain et du cheval

Aussi familiers que les bottes et les casques, les textiles équestres accompagnent les passionnés d’équitation au quotidien, habillent chevaux et cavaliers, et avancent toujours davantage de confort et de performances. Mais que sait-on de ces tissus souples, imperméables, anti-UV, résistants, compressants ou encore galbants? En résumé, de quoi sont faits nos vêtements équestres? Plusieurs acteurs du secteur ont accepté de répondre à cette question. Un plongeon au cœur des étoffes, des fils et des mailles!



Si la fast fashion et son phénomène de surconsommation concernent peu le secteur de l’équitation, il est néanmoins juste de rappeler que l’industrie textile est l’un des plus gros facteurs de pollution à l’échelle mondiale. “L’industrie textile est le troisième secteur le plus consommateur d’eau dans le monde, après la culture de blé et de riz”, informe sur son site l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Bien conscients de cette réalité, les concepteurs s’attachent à avancer sur un terrain mieux maîtrisé et davantage écoresponsable, sans pour autant se restreindre outre mesure sur des avancées textiles, notamment en utilisant des fibres synthétiques, “produites à 70 % à partir de pétrole à l’échelle mondiale”, précise l’ADEME. Les normes régissant l’industrie textile de la conception du produit jusqu’aux affects sur la santé du consommateur sont très nombreuses en France et en Europe. Les plus médiatisées sont le règlement européen REACH (pour Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals, règlement européen entré en vigueur en 2007 pour sécuriser la fabrication et l’utilisation des substances chimiques dans l’industrie européenne, et renforcé en 2020), et les labels européens OEKO-TEX, qui s’assurent de l’innocuité pour l’homme des textiles, du cuir, du coton ou encore des colorants. Le premier label OEKO-TEX, et également le plus connu, est l’OEKO-TEX STANDARD 100, introduit en 1992. “Si un article textile porte le label STANDARD 100, vous pouvez être certain que chaque composant de cet article, c’est-à-dire chaque fil, bouton et autres accessoires, a été testé pour les substances nocives et que l’article est donc sans danger pour la santé humaine”, indique sur son site l’organisation OEKO-TEX. “Ces normes garantissent que les textiles utilisés respectent des critères stricts en termes de sécurité, de qualité et d’impact environnemental”, informe Pauline Paulh Manssens, chargée de communication de Samshield, dont les vêtements de la marque beauvaisienne sont conformes à ces deux normes. “Nous pouvons aussi noter la certification EPD (pour Environnemental Product Declaration, accompagnant également les textiles Samshield, ndlr), évaluant l’impact environnemental d’un produit tout au long de son cycle de vie, depuis la production des matières premières jusqu’à son élimination.”



L’ARRIVÉE DES FIBRES SYNTHÉTIQUES, LE POUVOIR DE L’INNOVATION

Les fibres synthétiques sont présentes dans l’habillement depuis la fin du 19e siècle: la viscose, sorte de soie artificielle, a été créée en 1884. Entre les années 1930 à 1960, les industriels ont rivalisé d’ingéniosité pour mettre au point l’acrylique, le polyamide, le polyuréthane, le polyester, ou encore le Nylon. Si l’habillement équestre a intégré ces nouvelles matières, il garde encore néanmoins plusieurs points à améliorer au niveau du confort, à l’aube des années 2000. “En 2007, le créateur d’Animo Italia, Alberto Vriz, a donné naissance aux premières vestes en tissus techniques, élastiques, respirants et antibactériens, lavables en machine”, introduit Claudia Marcelli, responsable marketing et communication de la marque Animo Italia, qui fête cette année ses vingt ans. “Cette facilité de lavage a été une grande révolution dans le secteur! En 2008, Alberto a supprimé les traditionnelles (mais gênantes) attaches Velcro qui fermaient les bas de pantalon de cheval pour les remplacer par une pièce en jersey, élastique. Enfin, la même année, il a proposé d’intégrer des grips en silicone sous le genou et sur l’intérieur de la jambe pour remplacer les empiècements en cuir ou en Alcantara (suédine synthétique, ndlr), car ces derniers étaient encombrants et supportaient très mal le lavage. Ces inventions ont été rapidement reproduites par les autres marques du secteur, si bien que ces nouveautés textiles sont désormais la norme.” “Avant le style, c’est surtout la liberté de mouvements et d’usages qui ont guidé mes recherches”, complète Alberto Vriz, lui-même ancien compétiteur. “Si l’habillement équestre s’inscrit bien sûr dans les tissus sportifs, il s’inclut également depuis quelque temps dans les vêtements du quotidien”, éclaire à son tour Julie Maupoint, responsable communication de la sellerie Cheval-Shop, proposant un large choix d’équipements pour chevaux et cavaliers par le bais d’une centaine de marques. “Les coupes des vêtements sont de plus en plus stylisées. Du côté des matières, on note que le mesh (tissu en polyester maillé très finement, ndlr) gagne du terrain, notamment grâce à son confort et sa respirabilité, car il favorise l’évacuation de l’humidité et de la chaleur. On le retrouve dans les tee-shirts et les tapis. Relevons également l’usage de tissus boostés par un traitement antibactérien au sel d’argent (la technologie Polygiene BioStatic, ndlr), inhibant le développement des odeurs dues aux bactéries et aux champignons, et donc l’odeur de transpiration.”



L’ÈRE DU MOULANT ET DU COMPRESSIF, POUR UN CAVALIER PLUS ATHLÉTIQUE

Tissu moulant par excellence, le legging d’équitation est fait d’une pièce d’un seul tenant et s’enfile comme un collant. Il concurrence désormais le traditionnel pantalon à braguette. “Le legging est très populaire en Allemagne, au Benelux et en Scandinavie, alors que le pantalon reste majoritaire en France”, développe Emmanuel Coisy, président de la société équipementière sarthoise Privilège Équitation, présente en France depuis 1995. “Les leggings et les pantalons peuvent être fabriqués en polyester ou en Nylon, combinés avec de l’élasthanne et éventuellement une autre matière, comme du coton, de la viscose ou de la fibre de bambou. Globalement, un legging sera plus confortable, mais un pantalon sera plus solide. Cependant, certaines matières haut de gamme combinent le confort du legging à la résistance du Nylon tissé.” L’autre tendance textile du moment repose sur le tissu compressif, partenaire d’une meilleure circulation sanguine. “Ce système de compression nous vient d’autres sports”, indique Aurélien Guillon, cofondateur et directeur marketing de l’équipementier nordiste Horse Pilot. “Bas, cuissards, maillots, la compression se décline sous toutes ses formes en course à pied, par exemple. En plus du maintien musculaire qu’elle procure, elle permet d’améliorer le retour veineux. Les bénéfices sont multiples : une meilleure oxygénation du muscle, ainsi qu’une meilleure élimination de l’acide lactique, responsable des crampes. C’est une technologie existant depuis une dizaine d’années dans le secteur de l’équitation (Horse Pilot a proposé des chaussettes compressives dès 2012, puis des pantalons et hauts de même fabrique en 2014, ndlr). Ayant une grosse part d’élasthanne, le tissu compressif est donc à la fois élastique et résistant.”

© Manol Valtchanov



À LA RECHERCHE DE DURABILITÉ

Avec l’avancée technique de nouvelles matières et de nouveaux tissages, les textiles sportifs gagnent en longévité. “Il est désormais possible d’avancer des tissus résistants à l’abrasion grâce à leur conception, car les techniques de tissage ont évolué”, reprend Aurélien Guillon, de Horse Pilot. “Par exemple, nous utilisons pour tous nos pantalons des matières ‘indémaillables’, c’est-à-dire que le tissu ne se détricote pas s’il subit un accroc. Les vêtements ont évolué dans leur globalité pour gagner en longévité. Que ce soit au niveau du fil, des matières anti-UV, résistantes à l’abrasion, stretch, des accessoires ou de l’assemblage plus ergonomique. On pense aujourd’hui un vêtement pour qu’il soit confortable et dure longtemps.” Si les points de couture savaient être discrets, ils sont désormais aptes à disparaître grâce à la technologie dite seamless ou encore sans couture. “Les vêtements conçus sans couture offrent des caractéristiques techniques différentes en fonction des zones corporelles. Ils utilisent des matières à densité, respirabilité et stretch variables sur un même morceau de tissu, permettant ainsi de supprimer totalement les coutures et les frottements. L’autre avantage est que ces pièces nécessitent moins de découpes et produisent moins de chutes de tissus (si Horse Pilot propose déjà des hauts sans couture, l’entreprise prévoit d’élargir cette technologie à des pantalons et des leggings pour la fin de cette année ou le début de l’an prochain, ndlr).”

En France, l’étiquetage textile indiquant le pourcentage des fibres et matières composant le produit est obligatoire. S’il est fortement conseillé, l’étiquetage d’entretien reste, quant à lui, facultatif, bien que primordial à respecter lorsqu’il est question de durabilité. Composé de plusieurs symboles, cet étiquetage illustre généralement les températures de lavage, d’essorage, ou encore les conditions de repassage. “Les textiles équestres sont résistants, mais doivent toutefois nécessiter des conditions de lavage spécifiques”, rappelle Pauline Paulh Manssens, de Samshield, dont le site reprend la longue liste des conseils d’entretien. “Laver le vêtement à l’envers pour ne pas abîmer les éléments extérieurs tels que le revêtement des Zips, les logos métalliques, les cristaux-bijoux, etc., choisir une température de lavage comprise entre 30°C et 40°C pour ne pas entraîner de risques de dégorgement et d’altération de la membrane, enlever les taches à l’eau froide avec du savon de Marseille avant de passer le vêtement en machine, ne pas utiliser d’eau de Javel, glisser dans la machine une lingette antidécoloration pour les vêtements bicolores et blancs et, très important, utiliser une lessive sans adoucissant lorsqu’on lave des tissus avec une membrane respirante, car il altère les qualités de cette dernière ! Une fois le vêtement lavé, on proscrit l’utilisation du sèche-linge et on préfère un séchage à l’air libre. Enfin, le repassage doit se faire à l’envers et à faible température, car une haute température peut transférer la couleur d’un tissu sur un autre par le biais de la vapeur d’eau.” La durabilité d’un vêtement joue ainsi sur les matières utilisées, son entretien “mais également sur la façon dont il a été assemblé. Je pense notamment à son indice de réparabilité”, poursuit Aurélien Guillon. “Un vêtement vieillissant bien est un vêtement qui se répare bien. Il est donc nécessaire de prévoir cela dès sa conception : est-il possible de changer facilement un Zip, de repriser une couture?, etc.? Notre service de réparation (gratuit ou sur devis, ndlr) est là pour accompagner les vêtements dans leur utilisation au quotidien. Il semble que nous ayons trouvé le bon équilibre entre un vêtement sportif souple et réactif, et qui ne présente pas de fragilité.”



QUAND LE CHEVAL PROFITE ÉGALEMENT DES AVANCÉES TEXTILES TECHNIQUES

Tapis, couvertures, bandes, masques antimouches, le cheval n’a pas à rougir de la garde-robe dont il dispose! Si les traditionnels tapis en coton et les lourdes couvertures inlavables sont passés dans de nombreuses mains de cavaliers, ces équipements textiles ont peu à peu laissé leur place à des tissus plus évolués et plus performants. “Lorsque nous avons créé GEM Équitation il y a dix ans, les tapis techniques n’étaient pas encore énormément mis en avant sur le marché, ou alors leurs esthétiques ne plaisaient pas beaucoup”, introduit Margaux Lambert, gérante associée avec Barbara Gillot de la marque nordiste. “Nos premiers tapis de selle étaient en coton en face externe, pour sa résistance, et en matière mesh en face interne, c’est-à-dire au contact du cheval. Le tissu mesh est très respirant. Ici établi sur trois épaisseurs, il est fin, évacue la transpiration, puis sèche vite. Le mesh a de beaux jours devant lui! Nous avons d’ailleurs sorti en parallèle cinq ans plus tard un tapis 100 % en mesh, toujours sur trois épaisseurs. Il est légèrement plus épais que celui mixant coton et mesh, mais garde toutes ses propriétés de respirabilité. Les cavaliers l’utilisent particulièrement en été, mais il est, bien sûr, utile en toutes saisons. Son look peut surprendre, car la sphère cavalière de l’équitation classique est encore très habituée aux tapis en coton, mais il devient de plus en plus populaire. Le mesh ne crée ni irritation ni allergie, bien que cette dernière soit une réaction propre à chaque cheval. Nos tapis sont, bien sûr, longuement testés avant leur mise sur le marché, car nous sommes avant tout cavaliers.”

Dans ce cas, l’usage des fibres synthétiques est-il inexorablement lié à une innovation technique? “Si le coton reste populaire, le bambou fait une percée dans le monde des tapis de selle”, remarque Julie Maupoint, de Cheval-Shop. “Des fibres de bambou sont utilisées dans la doublure et proposent de très intéressantes propriétés thermorégulantes, antibactériennes, anti-odeurs et antistatiques.” “Les matières synthétiques nous conviennent très bien actuellement, mais il y a sans doute quelque chose à explorer du côté des matières naturelles, tant pour des tissus techniques que pour des tissus moins exigeants. La flambée des prix de ces dernières années freine malheureusement les recherches à ce sujet, car l’entreprise doit composer avec la hausse du prix des matières premières et celle des transports. Certaines de nos recherches n’ont pu aboutir à un produit, car, précisément, le prix final d’achat aurait été trop élevé. Mais nous gardons espoir, cette situation va sans doute se stabiliser et nous permettre d’avancer sur d’autres plans”, poursuit Margaux Lambert, de GEM Équitation. Quid, enfin, des couvertures, dont le prix d’achat conséquent n’est pas sans rappeler la complexité de tels produits? “Concernant les couvertures, deux matières peuvent être mises en avant: le Téflon (un polymère thermoplastique, ndlr), qui est anti-UV, antitaches, résistant à l’abrasion et idéal pour repousser la saleté et les liquides renversés, et le tissu Coolmax (des fibres de polyester établies en plusieurs canaux, ndlr), évacuant l’humidité de la peau à travers la couche externe du tissu et permettant une meilleure respirabilité et thermorégulation”, informe Julie Maupoint. “Nous pouvons également noter l’usage du ripstop, un maillage de fils fin et solide (fils de renforts entrelacés à intervalles réguliers entre cinq à huit millimètres, ndlr)”, complète en conclusion Emmanuel Coisy, de Privilège Équitation. “Le ripstop est ainsi très solide et évite l’extension d’une éventuelle déchirure. Pour les couvertures d’extérieur, le polyester ripstop reçoit une induction en polyuréthane le rendant imperméable et respirant. Enfin, pour les protections d’été (masques anti-mouches ou couvre-nez), il existe des tissus bloquant 70 % du rayonnement UV (tissus en polyamide ou en polyester, avec parfois l’ajout de dioxyde de titane, ndlr).”