“Grimper dans le classement mondial avec un seul cheval est mission impossible”, Bruno Garez (1/2)
Deuxième d’une épreuve à 1,50m du CSI 4* de Chantilly Classic avec United Sunheup mi-juillet, Bruno Garez a été sélectionné avec son étalon pour représenter la France lors du CSIO 5* d’Hickstead ce week-end. Cinq ans après sa dernière sélection en première ligue pour représenter l’équipe de France, le Saône-et-Loirien évoque cette occasion donnée, l’échéance olympique qui approche, ainsi que sa vision du bien-être animal.
Vous êtes sélectionné pour votre deuxième CSIO de niveau 5* avec United Sunheup le 28 juillet, à Hickstead. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?
J’étais bien sûr ravi ! J’ai participé à une petite dizaine de Coupes des nations il y a un certain nombre d’années déjà, mais avec un autre cheval, Donald Rouge (SF, Thoas du Theillet x Kouglof). United Sunheup (SF, Balougran x Brett Saint Clair) m’appartient depuis environ dix ans et a toujours réalisé beaucoup de sans-fautes. Notre défaut était de ne pas toujours réussir à rentrer dans le temps imparti. Avec le temps et de la patience, ce problème s’est réglé. J’espérais voir arriver cette nouvelle.
Quelles ont été les étapes clés pour préparer ce concours ? Comment se déroulent les derniers jours de préparation ?
Je n’ai absolument rien changé. J’ai appris ma sélection la semaine dernière et j’étais en concours Jeunes Chevaux lorsque l’on m’a appelé pour me proposer d’aller à Hickstead. En une semaine, je n’ai pas tout chamboulé. Avec United, nous sommes arrivés à une très belle complicité donc je préfère ne pas sauter. Je ne fais que de l’entretien et n’approche pas de barres. Ce n’est pas au dernier moment que l’on change quelque chose. Une seule petite chose a différé de d’habitude. Je sais qu’Hickstead est un concours avec des obstacles très larges, des barrières et bidets. Ces éléments le rendent particulier. J’ai simplement sauté des barrières à 1,20m qui me servent habituellement à encadrer un espace, ainsi qu’une haie que je ne saute jamais. Peut-être que cela peut aider mon cheval à ne pas être surpris une fois sur la piste. Mais je ne pense pas que cela va lui poser des problèmes car il est vraiment très courageux.
Dans quel état de forme est United Sunheup avant ce CSIO d’Hickstead ?
Depuis le début de l’année, United a dû faire sept classements d’affilé en Grand Prix, sans évoquer les épreuves de vitesse dans lesquels je le faisais concourir et où il se classait régulièrement. Il peut difficilement aller mieux ! Maintenant, je n’arrive pas à gagner. (rires) Bien sûr que j’aimerais gagner mais c’est déjà vraiment un plaisir de sentir mon cheval qui répète régulièrement les sans-fautes. Selon moi, cela veut dire que nous avons réussi à construire une vraie complicité.
Il s’agira de votre deuxième sélection en CSIO 5* avec United Sunheup, la première datant de 2018 à Gijón. Comment expliquez-vous cette absence pendant cinq ans ?
L’année suivante, nous avions été sélectionnés à Drammen (en 2019, en Norvège, ndlr) dans une Coupe des nations 3*. Ce n’est pas à moi d’expliquer pourquoi je n’ai pas été choisi à nouveau. Je pense qu’il y avait certainement meilleur que moi. (Rires) Les sélections ne dépendent pas de moi. Il est compliqué pour un sélectionneur de parier sur moi parce que je n’ai qu’un cheval. Tout le monde est unanime pour dire que c’est un phénomène. Mais je n’en ai qu’un de ce niveau-là pour courir ces épreuves. J’ai une de ses filles qui devrait bientôt performer. Je pense que le sélectionneur (Henk Nooren, ndlr) préfère miser sur des cavaliers ayant plusieurs chevaux de haut niveau, qui peuvent se relayer. Dans tous les cas, je ne peux pas parler à la place de l’entraineur. De plus, nous nous sommes arrêtés de concourir pendant une longue période. D’abord, il y a eu le Covid-19 et puis, je me suis blessé. J’ai eu un problème d’abducteur donc nous nous sommes arrêtés. Je pense que cela a joué. Et puis, il y a le classement mondial. Pour pouvoir prendre part à de beaux concours, il y a la sélection de l’entraineur mais aussi le classement mondial qui rentre en ligne de compte. Grimper dans le classement mondial avec un seul cheval est mission impossible. C’est mon cas. J’ai un seul cheval pouvant concourir des Grands Prix 5* mais je n’en ai pas d’autres pour aller gagner une 1,45m. Des cavaliers ayant plusieurs chevaux pour courir ces épreuves montent dans le classement mondial plus facilement et pourront accéder à ces compétitions. C’est aussi ce qui me bloquait.
“Je suis convaincu que mon cheval peut tout sauter, et je ne suis pas le seul”
Ces dernières saisons, vous avez néanmoins eu l’occasion d’évoluer en CSI 5* à plusieurs reprises. Qu’en retenez-vous ?
J’avais déjà côtoyé le haut niveau avec un cheval qui s’appelait Donald Rouge et une jument nommée Sternstunde (Old, Silvio x Quidam d’Or). J’avais déjà une bonne expérience même si je n’y étais pas tous les week-ends. Je m’étais notamment classé dans le Grand Prix de Cannes avec Donald. Mon objectif était de préparer United pour ces concours. Dès que je l’ai senti prêt, nous y sommes allés et il s’est quasiment classé à chaque 5* auquel il a pris part. C’est sûr que si l’on compare à des cavaliers qui sautent 1,60m tous les week-ends, j’avais un plus long laps de temps entre chaque Grand Prix 5*. Au bout du compte, je crois que cela ne s’est pas fait ressentir et tout s’est bien passé. Bien sûr, il est plus confortable d’avoir quatre chevaux de Grands Prix ou deux très bons. J’en ai un exceptionnel, c’est un phénomène ! Désormais, j’essaye de le gérer au mieux pour qu’il dure le plus longtemps possible.
En 2021, vous expliquez que vous continuiez à monter des jeunes chevaux. Cela prend-t-il encore beaucoup de place dans votre système ?
Je pense toujours au futur et suis patient avec mes chevaux. Je pense que nous sommes dans un monde où les gens sont pressés et veulent des résultats tout de suite, que tout aille vite. Je pense qu’avec les chevaux, c’est tout l’inverse. Il faut savoir être patient et refuser d’aller à un concours si son cheval n’est pas prêt. Je préfère choisir un petit concours sympa à côté de chez moi qu’un autre plus prestigieux. Quand je sens que je suis prêt et m’en sens capable, je prends mon camion pour prendre part à de beaux concours. Sinon, je laisse ma place aux autres. Faire de la figuration ne m’intéresse pas. Le plus important pour moi, c’est le terrain. Si le sol est bon et que les obstacles sont corrects, cela me va. Je n’ai pas besoin de faire énormément de kilomètres pour trouver cela.
Quels sont vos objectifs, à moyen et long termes ? Plus de sélections en Coupe des nations et CSIO 5* ?
Chaque chose en son temps. Pour l’instant, j’ai été sélectionné pour le CSIO 5* d’Hickstead, c’est super, et je vais essayer de bien y figurer. Nous verrons ensuite. Je suis convaincu que mon cheval peut tout sauter, et je ne suis pas le seul.
United Sunheup a quinze ans. Comment envisagez-vous son avenir ?
Si je sens mon cheval un peu moins en forme, je ne cours pas. En cas de doute, je reste à la maison. J’ai toujours fait comme cela avec tous mes chevaux. Je suis sur très content car j’ai l’impression qu’il a dix ans, dans sa forme physique et dans son évolution. Il a pourtant quinze ans et continue d’évoluer. Moi aussi, certainement. C’est super agréable. Par rapport à d’autres cavaliers, je vis plus au jour le jour. Je pense que les meilleurs cavaliers français ont un programme prédéfini et savent où ils vont aller. Pour moi, c’est un peu moins simple. Après tout, les choix reviennent au sélectionneur. J’espère déjà que ce week-end va bien se passer. Je suis assez confiant, United va vraiment bien. Il reste un cheval, tout peut arriver, mais il n’y a pas de raison.
“Je pensais que je n’allais pas pouvoir remonter”
Sur quels autres chevaux pouvez-vous compter ? Comment les trouvez-vous ?
Pendant une période, beaucoup de clients m’en confiaient, mais j’ai eu une longue pause avec un gros problème de santé. Je pensais que je n’allais pas pouvoir remonter à cause de ces soucis aux cervicales et de grosses opérations. À ce moment-là, les propriétaires sont partis et c’est normal. Désormais, beaucoup de chevaux que je monte m’appartiennent. Je fais aussi de plus en plus d’élevage car je me suis rendu compte qu’United produisait incroyablement bien. J’ai plusieurs très bons produits. La fille d’United, Élégante de Curaine (SF, United Sunheup x Jouyeux Ardent) a neuf ans et a déjà concouru en 5*. Elle a encore beaucoup à apprendre mais devrait bientôt être au point. Par exemple, je ne l’ai pas emmenée à Hickstead car je pense que c’est un concours trop difficile par rapport à sa maturité, ça n’allait pas lui apporter grand-chose. Je vais la faire patienter dans d’autres concours et l’engagerai dans des épreuves plus importantes quand je la sentirai prête. J’en ai plusieurs autres, dont un cheval de quatre ans par United aussi qui est exceptionnel. J’essaye d’acheter des poulinières avec des souches intéressantes pour investir dans l’élevage.
L’élevage vous anime donc…
J’ai un fils de quatorze ans, qui commence à s’illustrer en compétition. L’année dernière, ses coéquipiers et lui ont remporté une Coupe des nations Enfants et je pense qu’il a envie d’en faire son métier. Je suis donc très motivé à faire de l’élevage. J’apprécierai trouver des personnes qui soient prêtes à investir dans les chevaux avec nous afin de faire du haut niveau. Je ne veux surtout pas lâcher cet aspect. Élever ses propres chevaux est important. Je vais essayer d’améliorer cela, d’en avoir davantage afin que mon fils ait moins de mal à atteindre le haut niveau et y rester.