“Ruby a de grands rêves et je l’aiderai à les réaliser, étape par étape”, Gareth Hughes

À quinze ans, Ruby Hughes vient de remporter une médaille de bronze en équipe aux championnats d’Europe Juniors de dressage de Kronberg avec l’équipe britannique. Déjà accoutumée aux déplacements en compétition partout en Europe pour avoir toujours suivi son père, Gareth Hughes, en compétition, la jeune cavalière a fait ses propres débuts internationaux en …voltige! Désormais bien décidé à briller sur les rectangles, qui ont vu son père se parer de deux médailles d’argent collectives aux championnats du monde Seniors et de deux autres décorations aux Européens, elle peut compter sur le soutien bienveillant de celui-ci.  Cet atypique duo père-fille se dévoile dans cet entretien croisé. 



Quel est le parcours de votre fille, Ruby Hughes?

Gareth Hughes : Ma fille est née dans une famille de cavaliers, puisque Rebecca, mon épouse, a elle aussi concouru en international. Depuis que Ruby est enfant, nous avons constaté son attirance pour la nature en général. Sportivement, elle a très vite pratiqué la voltige, jusqu’aux championnats d’Europe (Seniors, ndlr), auxquels elle a participé en 2019 (dans la catégorie des équipes, où il est courant que de très jeunes voltigeurs participent aux épreuves, ndlr). Ces dernières années, la pratique de l’équitation est devenue de plus en plus importante pour elle, même si elle est de plus en plus occupée au quotidien. À un moment donné, elle a décidé de se consacrer exclusivement au dressage. Elle montre un talent naturel dans cette discipline, couplé à un réel feeling avec les chevaux. Grâce à un bon sens du rythme, elle est particulièrement bonne en piste. Elle a commencé en catégorie Poneys, et aujourd’hui, à bientôt seize ans, elle présente le Saint-Georges et l’Inter I en compétition nationale. Elle a déjà participé à deux échéances européennes à poney à Strzegom, en 2021 et 2022, avec Hilkens Showgirl (Westf, Dreidimensional I at x FS Champion de Luxe), et la voilà aujourd’hui en piste aux championnats d’Europe Juniors avec Classic Goldstrike (KWPN, Tango x Ips Krack C, avec lequel elle a terminé vingt-cinquième de la reprise individuelle après être montée sur le podium par équipes avec la Grande-Bretagne, ndlr). Elle monte aussi régulièrement de jeunes chevaux à la maison, puisque nous sommes éleveurs et valorisons nous-mêmes nos produits. Ruby fait partie de ce système et se doit d’apprendre comment les entraîner. Elle me rend en vérité très fier. 

Ruby, pouvez-vous présenter votre père?

Ruby Hughes : Je suis particulièrement chanceuse de l’avoir comme père. En fait, il concourt certes au plus haut niveau, mais il a une véritable vocation aussi pour l’entraînement, peut-être accentuée par les multiples disciplines qu’il a lui aussi pratiquées (le dressage, l’équitation western, les présentations, ndlr). Je dirais qu’il est très bon, comme en témoignent tous les titres qu’il a remportés, et spécialement ses accessits aux Mondiaux (l’argent par équipes en 2014 et 2022, ndlr) ou aux championnats d’Europe (le bronze en 2013 et l’argent en 2021, à chaque fois par équipes, ndlr)! Mais il n’est pas que cavalier, puisqu’il s’occupe aussi volontiers de conseiller, ayant été par exemple entraîneur de l’équipe de complet australienne. J’apprécie le simple fait de le regarder, l’écouter car j'apprends beaucoup de lui. C’est très agréable.



Gareth Hughes sort de piste aux championnats d'Europe de Rotterdam en 2019

Gareth Hughes sort de piste aux championnats d'Europe de Rotterdam en 2019

© FEI / Liz Gregg

À la maison, comment vous organisez-vous? 

Gareth : Nous avons une écurie professionnelle de compétition de vingt chevaux. Mon épouse, Ruby et moi avons chacun les nôtres en charge. Personnellement, lorsque je suis à la maison, je me consacre beaucoup à l’enseignement, tout comme Rebecca. Ruby rejoint notre grande équipe lorsqu’elle rentre de l’école et les week-ends. Quand nous partons en concours, nous allons parfois dans plusieurs directions mais aimons particulièrement être là les uns pour les autres. Dans la mesure du possible, Ruby monte tous les jours un ou deux chevaux, et elle s’entraîne également avec Carl Hester car je travaille avec lui depuis vingt ans. Elle fait de gros progrès grâce à ses interventions. Bien sûr, l’école est très importante, mais nous avons cette chance que l’établissement où elle est inscrite soit très proche de chez nous. C’est donc une jeune fille très affairée. 

La page de la voltige de haut niveau est-elle tournée?

Ruby : Dans mon enfance, j’ai finalement plutôt pratiqué la voltige comme un loisir. Je me suis rendu compte que j’adorais le dressage, et j’ai pris ma décision! Cela ne veut pas dire que je n’aimais pas la voltige, mais j’ai fait un choix. La voltige est avant tout un sport d’équipe et c’est d’autant plus compliqué.

Gareth : La voltige a beaucoup apporté à Ruby. En premier lieu, je dirais qu’elle y a acquis l’esprit d’équipe, qu’elle a appris à faire confiance, par exemple, à ses coéquipiers. Lorsque vous êtes portée tout en haut d’une figure, à bout de bras par les porteurs, il faut vite apprendre à se dépasser et à vous livrer à eux! Ça a été très positif pour elle. Le second point positif, c’est l’équilibre instinctif qu’elle a appris dans cette pratique.  Cela lui sert bien sûr énormément.



“Ma priorité est de voir un sourire sur son visage quand elle sort de piste”, Gareth Hughes

Ruby Hughes présente ici Extra Time P au CDIOJ du Mans l'an passé

Ruby Hughes présente ici Extra Time P au CDIOJ du Mans l'an passé

© Les Garennes

Quelles sont les qualités de Ruby?

Gareth : Elle est vraiment douée dans la projection mentale de sa reprise. Elle a un très bon mental et elle pense avec justesse. D’ailleurs, cela ressort à l’école où elle travaille très bien. Elle y est tout aussi systématique qu’à cheval. C’est sa façon d’être. Elle est très claire avec elle-même, avec ses chevaux et son entourage. En plus, elle est très impliquée, essaie constamment de s’améliorer et parvient au bout du compte à réaliser ce qu’elle annonce! 

En concours, qui est le plus anxieux? 

Gareth : À ce jour, j’ai beaucoup d’expérience comme compétiteur. Maintenant, il s’agit d’établir un équilibre entre mon rôle d’entraîneur et celui de papa. En effet, sous ma casquette de coach, je sais tout à fait ce dont elle est capable, mais comme papa, c’est un peu différent. Ma priorité est de voir un sourire sur son visage quand elle sort de piste. Mais plus globalement, j’essaye de gérer tout ce qui entoure la performance, au niveau organisationnel, financier; tout ce qu’il faut inclure pour que la réussite soit là, au bon moment. J’attends qu’elle soit très sérieuse et elle l’est. Le plus important pour moi est que quoiqu’elle fasse, elle ait essayé de faire son mieux et en ressente de la joie. Ce sport est propice à de nombreuses déceptions. En tant que père, je suis inquiet et ce n’est pas facile à gérer.

Ruby : Je tiens à présenter ce que j’ai prévu, comme je l’ai prévu. En effet, en compétition, il n’y a qu’une seule chance. Faire exactement la bonne action, au bon moment, pour un mouvement qui est requis dans un texte de reprise, n’est pas évident. 



En concours, lorsque vous êtes ensemble, qu’estimez-vous le plus satisfaisant? 

Gareth: l’objectif principal des parents est, en règle générale, de voir leurs enfants s’épanouir, de les voir heureux! Beaucoup d’adultes sont très occupés, ne profitent pas de leurs enfants, mais nous avons la chance que la passion de Ruby soit les chevaux. Nous passons beaucoup de temps ensemble, partageons beaucoup et j’en suis vraiment profondément heureux. Notre relation est très enrichissante, même dans la difficulté. Lorsqu’une reprise ne s’est pas vraiment bien passée et que nous nous asseyons pour en parler, notre relation se solidifie encore et encore. 

Pour cette année, quels sont vos objectifs?

Ruby : Je n’ai pas encore seize ans, je ne suis pas encore une cavalière rodée, et je voudrais prendre part à autant de concours internationaux que possible pour accumuler un maximum d’expérience. Plus vous montez de chevaux, plus vous rencontrez des situations nouvelles et plus vous vous accoutumez à l’inattendu.  J’aimerais donc dérouler un maximum de reprises et les championnats d’Europe sont très importants car ils font partie intégrant de ce circuit international où l’on engrange de l’expérience. 

Gareth: Mon objectif principal est bien sûr d’obtenir une sélection pour les championnats d’Europe de Riesenbeck (prévus du 5 au 10 septembre, et pour lequel il est présélectionné avec Classic Briolinca, ndlr). J’aime laisser aux chevaux le temps de se préparer, mais je m'oriente dans cette direction.

À long terme, quels sont vos objectifs?

Ruby : Je veux déjà pouvoir continuer à allier mes études et ma pratique équestre.

Gareth : En fait, Ruby a de grandes ambitions mais est très prudente de nature. Elle veut apprendre, autant dans la vie qu’à cheval, elle apprécie le fait d’être coachée. Elle a de grands rêves et je l’aiderai à les réaliser, étape par étape! On ne devient pas cavalier professionnel de Grand Prix du jour au lendemain, mais je l’aiderai dans ce cheminement grâce à mon expérience.



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