“Je me réjouis de pouvoir défendre mon titre européen chez moi”, Bram Chardon

À tout juste trente ans, le Néerlandais Bram Chardon s’est installé au sommet de la hiérarchie mondiale de l’attelage à quatre et se classe aujourd’hui deuxième du classement FEI de la discipline, derrière l’indétrônable Boyd Exell. À l’approche des championnats d’Europe d’Exloo (du 23 au 27 août), sur ses terres natales, le meneur aborde cette échéance comme le point culminant de sa saison 2023 et compte bien y défendre son titre, décroché à Budapest en 2021. Entretien.



Comment vivez-vous la préparation des championnats d’Europe d’Exloo? 

Se préparer pour un objectif comme les championnats d’Europe nécessite beaucoup de temps et d’entraînement, surtout quand cet événement a lieu dans votre propre pays. Il s’agira de l’aboutissement de ma saison. J’ai l’avantage de déjà connaître ce genre d’ambiance et de contexte, puisque j’ai déjà pris part à des grands championnats, mais à chaque fois, c’est une nouvelle émotion. Cette fois-ci, je me prépare à la vivre dans mon pays ! Il faut que je sois prêt afin de ne pas décevoir mon public, d’autant plus que mon écurie n’étant qu’à deux heures de route, je vais avoir de nombreux supporters. Quelques meneurs professionnels que j’entraîne viendront aussi me soutenir. Je me réjouis de pouvoir défendre ce titre européen chez moi, cela va être un moment absolument hors-normes ! Depuis le début de ma préparation, tout gravite autour de cet objectif et pendant le championnat, je vais devoir me donner à deux cent pour cent. En début de saison, je n’ai pas été au niveau que j’espérais, mais j’ai dû l’accepter et ne pas en demander trop à mes chevaux alors qu’ils n’étaient pas totalement prêts. Il était important de rester calme et d'attendre le bon moment pour les solliciter davantage. Ne pas respecter cela est ce qui peut nous faire risquer des fautes.
Le premier concours important auquel je me suis rendu cette année a été le CAIO 4* de Saumur, dont j’ai profité pour effectuer quelques petits réglages. Par exemple, j’ai essayé un nouveau leader, âgé seulement de sept ans, sur le dressage, et j’ai pu constater qu’il y avait encore des tensions entre tous mes chevaux. Sur le marathon, qui était long et éprouvant, mon leader n’a pas été présent tout au long du parcours. Si je commence toujours une compétition en me fixant un objectif précis et réaliste, j’essaie néanmoins d’appréhender chaque jour et chaque test l’un après l’autre. Même si je peux être franchement déçu quand nous ne sommes pas les meilleurs, j’ai aussi appris à voir ce que nous avons réussi. À Saumur, j’ai atteint mon objectif de terminer dans le Top 3 puisque nous nous sommes classés troisièmes. J’ai pris en compte ce résultat et ai conclu que, même si nos prestations auraient été perfectibles dans les trois épreuves, c’était finalement très positif !

Concrètement, comment vous organisez-vous pour préparer une échéance de cette importance?

Pour monter progressivement en puissance jusqu’à l’objectif défini pour la saison, j’ai l’habitude de participer à un gros concours par mois, jusqu’à l’échéance. Ce n’est pas vraiment facile et c’est assez stressant pour tout le monde, mais c’est le rythme qui me convient. Suivant ce schéma, après notre passage en France, j’ai participé au CAIO 4* d’Aix-La-Chapelle, fin juin, où nous avons pris la cinquième place. J’ai enchaîné avec le CAIO 4* de Beekbergen fin juillet, en changeant un cheval par rapport à mon attelage de début de saison, et nous avons cette fois décroché une très belle deuxième place. Il peut en effet m’arriver de modifier un peu la composition de mon attelage quand je vois qu’un cheval en a besoin. Mon équipe est composée de chevaux de sept à douze ans et je leur demande beaucoup, mais je veille surtout à les préserver. À la maison, j’ai quatre chevaux de cinq ans qui attendent de prendre la relève. Ils vont débuter la saison prochaine en compétition, mais, à six ans, s’ils peuvent commencer les internationaux, il est évident qu’ils ne sont pas prêts à participer aux concours les plus importants. Je vais encore les laisser gagner un peu en maturité.



“Dans mon pays, l’attelage est une culture, un art de vivre”

Vous semblez apprécier les Coupes du monde et les Coupes des nations, où vous êtes très présent…

Ce sport est ma vie ! Mon père Ijsbrand (actuellement troisième au classement mondial FEI, quatre fois champion du monde en individuel, dix fois par équipes et détenteur de neuf médailles européennes, dont quatre en or par équipes et deux en individuel, ndlr) et moi sommes des meneurs professionnels et à ce niveau, les coupes du monde et les coupes des nations permettent de conserver de la visibilité. Les sponsors ont accès à nos performances dans ces événements. Par ailleurs, les concours en indoor présentent un autre attrait: nous pouvons y montrer notre discipline à un public vraiment plus large. De nombreux spectateurs sont présents sur place et il y a également des retransmissions. Les épreuves sont aussi très différentes, ne serait-ce que par leur longueur. Nous y présentons d’ailleurs majoritairement d’autres chevaux que ceux des championnats, car l’ambiance n’y est pas la même qu’en extérieur. Personnellement, j’apprécie vraiment les deux : à la fin de la saison en extérieur, j’ai hâte de commencer les indoor, et en fin d’hiver, je n’attends que de débuter la saison d’extérieur ! C’est un très bon équilibre. Nous pouvons maintenant pratiquer notre sport à haut niveau toute l’année et plus seulement d’avril à septembre.

Comment envisagez-vous le déroulement de ce championnat d’Exloo pour les Pays-Bas?

Je pense que les Pays-Bas comptent sur une équipe particulièrement forte, avec mon père à sa tête, mais aussi Koos de Ronde (cinq fois champion d’Europe et six fois champion du monde par équipes, ndlr). L’Allemagne est aussi très bien représentée, notamment avec Michael Brauchle (champion d'Europe individuel en 2015, ndlr) et peut être très rapide sur le marathon, comme la Belgique. Je vois aussi venir de la pression de la part de la Hongrie. L’année dernière et la précédente, ils n’étaient pas très en forme, mais désormais, ils sont de retour sur le devant de la scène. Ils pourraient être forts cette année.
Dans mon pays, l’attelage est une culture, un art de vivre. De nombreux concours y sont organisés depuis longtemps et même Boyd Exell, qui remporte tous les plus gros titres en ce moment, est installé aux Pays-Bas, alors qu’il est Australien. Ce n’est pas un hasard ! De plus, nous disposons de chevaux particulièrement adaptés à la discipline. L’élevage néerlandais attire beaucoup d’investisseurs étrangers, car la locomotion et le mental de ses produits sont reconnus et très demandés. Il existe aussi tout un réseau de marchands autour de cette discipline, ce qui facilite la commercialisation des chevaux, parmi lesquels beaucoup sont destinés à l’export. En plus des concours et de l’élevage, nous bénéficions de la qualité du savoir-faire humain. Des générations entières de champions se sont succédé avant nous et nous nous appuyons dessus.