“Ce que j’aime le plus, ce sont les chevaux, pas les concours”, Marcus Ehning
À quarante-neuf ans, Marcus Ehning a presque tout gagné. En juillet, il s’est imposé pour la troisième fois dans le mythique Grand Prix d’Aix-la-Chapelle, rejoignant le club très fermé des triples lauréats de ce rendez-vous. Loué pour son équitation, qui lui vaut régulièrement le surnom de “Centaure”, l’Allemand a évoqué dans cet entretien son triplé aixois, la gestion du stress, l’importance du mental de ses chevaux, ses craintes concernant la génération future, ou encore ses modèles et objectifs.
“Ce que j’aime le plus, ce sont les chevaux, pas les concours”, clarifie dès le départ Marcus Ehning. Légende vivante du saut d’obstacles mondial depuis plusieurs décennies, l’Allemand rappelle qu’il n’a pas perdu la passion qui le guide depuis le départ. “Tout ne tourne pas autour des concours 5* ou des championnats. J’aime aussi beaucoup les jeunes chevaux à la maison, les sentir progresser et voir comment ils évoluent”, ajoute-t-il.
Lorsqu’il s’agit de concours, l’Allemand de quarante-neuf ans, actuel trente-troisième meilleur cavalier au monde, a pour autant presque tout gagné. Pour cause, il est l’un des cinq cavaliers à être entrés dans l’histoire en remportant trois fois la finale de la Coupe du monde. Son palmarès compte également une médaille d’or olympique par équipes, décrochée en 2000 avec For Pleasure (Han, Furioso II x Grannus), le même métal ramené des championnats du monde de 2010 avec Plot Blue (KWPN, Mr Blue x Pilot), ainsi que trois médailles d’or par équipes glanées aux Européens. Inutile de préciser que pléthore de Grands Prix prestigieux s’ajoutent à cette liste, dont celui du CHIO d’Aix-la-Chapelle, ravi trois fois, la dernière en date étant en juillet avec Stargold (Old, Stakkato Gold x Lord Weingard).
Tout aussi impressionnant que son palmarès, le style d’équitation de Marcus Ehning est sans cesse loué, l’Allemand étant très régulièrement cité comme exemple grâce au liant qu’il montre avec ses chevaux. En a-t-il seulement conscience? “Quand ma famille est présente, je ne pense pas aux 40.000 spectateurs en entrant en piste, je ne monte que pour mes quatre enfants”, explique-t-il. “Au fil des années, je me suis habitué à un certain niveau d’exigence. Quand j’étais plus jeune, je voulais vraiment montrer que je pouvais gagner telle ou telle épreuve, et heureusement, j’en ai gagné quelques-unes. Toutefois, je suis meilleur lorsque je ne suis pas excessivement motivé. Si j’ai trop envie d’une victoire, les choses ne se passent généralement pas bien. Je dois en réalité me laisser porter ; si j’y mets trop d’effort, la plupart du temps, ça ne fonctionne pas”, ajoute-t-il.
“Lorsque notre première fille est née, cela a changé ma façon de voir les choses”
“Je pense que pour tous les cavaliers, Aix-la-Chapelle est un concours spécial, mais pour un Allemand, ce n’est pas seulement spécial, cette compétition implique aussi beaucoup de pression”, explique l’Allemand pour revenir sur son triple sacre aixois. “Lorsque vous participez à la Coupe des nations à Aix-la-Chapelle, les gens vous connaissent et attendent de vous un sans-faute; ils ne se contenteront pas d’une ou deux fautes. Par ailleurs, c’est amusant car j’ai noté que cette année, Stargold et moi avons conclu la Coupe des nations avec huit points puis un sans-faute avant de gagner le Grand Prix. Le schéma a été exactement ll même avec Prêt À Tout cinq ans plus tôt. Après la Coupe des nations, je me suis donc dit qu’il s’agissait peut-être d’un bon signe, que j’avais peut-être ma chance”.
“À Aix-la-Chapelle, j’ai essayé de ne pas me mettre trop de pression”, poursuit Marcus Ehning. “Il faut trouver sa propre façon de gérer la pression et je pense que cela diffère pour tout le monde. Il y a des jours où je suis plus stressé dans des épreuves modestes que dans de grands rendez-vous, et d’autres où je suis totalement détendu. Je continue à me surprendre ; je ne sais jamais vraiment comment je vais réagir, le stress peut parfois se faire ressentir comme ne pas m’atteindre”, ajoute celui qui compte six participations aux Mondiaux, deux aux Jeux olympiques, neuf aux Européens Seniors, ainsi que vingt à la finale de la Coupe du monde, qu’il n’a jamais loupée depuis 2001.
“J’ai participé à mon premier championnat en tant que cavalier à poney à l’âge de quinze ans, et j’en ai fait beaucoup par la suite, mais chaque championnat est différent - il n’y a pas une seule règle ou une seule ligne de conduite à suivre. Au fil du temps, la façon dont les cavaliers gèrent cela évolue. Pour moi, devenir père a changé beaucoup de choses. J’avais trente-cinq ans lorsque notre première fille est née, et cela a changé ma façon de voir les choses. Je pense que tout dépend de l’attitude et de l’approche ; pour moi, la chose la plus importante est que j’aime ce que je fais ; j’adore monter à cheval”, relate le membre de la Mannschaft.
“Garder les chevaux contents et motivés est primordial ; passer des heures à faire du dressage rigoureux ne l’est pas”
“C’est une question compliquée”, répond Marcus Ehning lorsqu’il est interrogé sur quoi il se concentre lorsqu’il monte à cheval. “Tout d’abord, j’aime vraiment monter à cheval et travailler avec les chevaux. L’équitation est ma motivation, même après toutes ces années et tous ces titres. Monter les jeunes chevaux à la maison me motive tout autant que de concourir en CSI 5* ou aux championnats. D’une manière générale, je veux que mes chevaux soient détendus lorsque je monte. Je veux qu’ils aient l’esprit léger et qu’ils soient heureux. Pour moi, cela signifie qu’ils doivent passer beaucoup de temps dehors. Je pense que les chevaux ont besoin de mouvement et le fait de les mettre au paddock permet de s’assurer qu’ils sont de bonne humeur. Je me concentre sur certaines choses lorsque je suis sur un cheval, mais garder les chevaux contents et motivés est primordial ; passer des heures à faire du dressage rigoureux ne l’est pas”.
Selon le champion allemand, son équitation reconnaissable parmi tant d’autres lui vient de l’enfance. “En grandissant, j’ai eu la chance d’apprendre des bases solides ; je pense que mon style et mon équitation en sont le reflet”, explique Marcus Ehning. “Mes parents n’ont jamais fait d’équitation, mais ma sœur et moi avons eu un poney et le bonheur de compter sur un bon entraîneur de dressage au centre équestre de Borken. Plus tard, j’ai monté pour Lutz Merkel, puis, en tant que Junior et Jeune Cavalier, l’équipe allemande a organisé des stages avec des cavaliers comme Fritz Ligges. Je n’ai jamais eu de de véritable entraîneur à la maison, je me suis simplement efforcé d’améliorer les choses que nous avions travaillées pendant ces quelques jours”.
Si l’Allemand est un modèle pour beaucoup, lui aussi en a quelques-uns. “Depuis que je monte à cheval, j’admire John Whitaker et sa façon de monter - on a toujours l’impression qu’il ne fait qu’un avec le cheval. Plus tard, j’ai beaucoup observé Franke Sloothaak, Ludger Beerbaum, ou encore Michel Robert. Aujourd’hui, quand je le peux, je regarde encore par exemple les parcours de John Whitaker, Harrie Smolders, Henrik von Eckermann, Ben Maher, et bien sûr mes collègues allemands. J’essaie toujours d’apprendre quelque chose”, raconte-t-il.