Il Jump du Sornin, un orphelin qui s’est battu jusqu’à un titre national

Sacré champion de France des chevaux de cinq ans première année du Cycle Libre fin août, pendant la Grande Semaine de Fontainebleau, Il Jump du Sornin est entré dans la lumière. Associé à son jeune propriétaire Alexandre Plaettner, le Selle Français né chez Bruno Montginoux, en Isère, revient de loin et a connu un début d’existence particulièrement difficile.



Poulains, Il Jump du Sornin et Illusion du Sornin ont partagé la même mère après la mort de celle du premier.

Poulains, Il Jump du Sornin et Illusion du Sornin ont partagé la même mère après la mort de celle du premier.

© Collection privée

À cinq ans, Il Jump du Sornin a déjà un parcours de vie atypique. Le 23 avril 2018, le bai voit le jour chez le cavalier professionnel Bruno Montginoux, à Dizimieu, un village de huit cent âmes situé en Isère. Alors qu’il n’a que neuf jours, sa mère, Eden du Sornin, une fille de Riverland, est prise d’une crise de coliques, qui lui est tristement fatale deux jours plus tard. Une situation redoutée par beaucoup de naisseurs, craignant de ne pouvoir retrouver une mère de substitution. “Nous avons donné le biberon à Il Jump et avons essayé de faire le protocole d’adoption pour que sa grand-mère se mette en lactation. Malheureusement, cela n’a pas fonctionné”, explique le membre de la famille Montginoux, cavalier depuis une quarantaine d’années. 

Entre temps, il s’est rapproché d’une autre jument, déjà suitée de notre pouliche Illusion. Au départ, elle ne le laissait pas téter mais il a été malin en s’approchant par derrière”, se remémore Bruno Montginoux. Deux poulains pour une seule mère, voilà qui n’est pas commun, mais le trio s’y accoutume, ce qui permet au jeune Selle Français de survivre. Le cavalier isérois continue tout de même à compléter son alimentation par quelques biberons afin de préserver sa mère adoptive.

Dès son plus jeune âge, le hongre se montre attachant. “Je ne voulais toutefois pas qu’il soit trop proche de l’homme. C’est souvent le problème des poulains élevés au biberon”, analyse son éleveur. Après une naissance marquée par des turbulences, Il Jump grandit normalement, est présenté en concours d’élevage aux côtés de sa mère d’adoption et de sa sœur de lait, et démontre de bonnes aptitudes pour le saut d’obstacles. 



Avec Alexandre, une histoire complice

Alors qu’Il Jump arrive à l’âge du débourrage, Bruno Montginoux compte dans son équipe un jeune stagiaire, Alexandre Plaettner, qui forme les chevaux nés à Dizimieu et participe aux tâches d’entretien des écuries. Le maître de stage et l’élève s’attèlent alors à l’éducation du produit maison. “C’était un cheval des écuries comme un autre”, se remémore le jeune homme de dix-sept ans. “La première séance s’est super bien passée. Bruno (qui pratique le débourrage éthologique, ndlr) a réussi à monter sur son dos en trois quart d’heure. Puis, nous avons commencé à le monter. Il fallait se méfier car il était jeune. Il a une corpulence un peu lourde mais Il Jump a beaucoup de sang. Il est très gentil et sensible”

Après plusieurs séances, Alexandre Plaettner présente à Il Jump ses premières barres, qu’il saute avec facilité. Pour cause, le hongre est un fils de Catchar Mail, un propre fils du champion du monde par équipes Diamant de Semilly et de la vice-championne du monde par équipes Katchina Mail. À quatre ans, le Selle Français découvre de nouvelles carrières et la complicité avec son cavalier se construit progressivement. “Cela s’est fait naturellement. Alexandre est très calme et cela correspond bien au cheval”, partage l’éleveur. 

Ici à droite, Il Jump du Sornin est aux côtés de sa mère adoptive Latina A et sa fille Illusion du Sornin.

Ici à droite, Il Jump du Sornin est aux côtés de sa mère adoptive Latina A et sa fille Illusion du Sornin.

© Collection privée



“C’est une belle histoire”, Bruno Montginoux

Avant de travailler chez Bruno Montginoux, Alexandre n’a concouru qu’en épreuves Poneys et manque d’expérience. Le jeune cavalier se met alors en quête d’un cheval pour continuer sa progression. “Nous nous disions qu’il me fallait un cheval un peu plus vieux, avec plus de métier”, concède le lycéen en formation professionnelle pour travailler dans le milieu équestre. “Il Jump ne m’était pas destiné mais je l’appréciais beaucoup et me sentais bien lorsque je le montais. Et puis, je me suis dit qu’il pouvait me faire progresser correctement car il a des moyens.” Finalement, en novembre 2022, le jeune homme en fait l’acquisition. 

Il Jump découvre les terrains de compétition en mars sur le Cycle Libre. Une première pour le cheval, mais aussi pour son partenaire, qui n’avait jusqu’alors concouru qu’à poney, jusqu’aux très sérieux Grands Prix Poney Élite. Bien qu’en pleine découverte, le couple aligne souvent des parcours sans faute, qui les propulsent jusqu’à Fontainebleau pour la finale du Cycle Libre des chevaux de cinq ans concourant pour la première année. Grâce à trois parcours vierges de pénalité et “super bien montés” selon l’entraineur, le duo décroche le titre de champions de France. “Son second parcours était magnifique ! C’est une belle histoire et tout le monde est super content !”, rajoute le naisseur, doublement récompensé puisqu’un deuxième de ses produits, Upsilon du Sornin, a été couronné champion de France amateur Élite de Hunter cette année. Une émotion partagée par le jeune cavalier après sa performance, tout sourire après sa victoire

Pour l’instant, Alexandre Plaettner souhaite prendre son temps avec son cheval. Si tout se déroule comme il le souhaite, le couple s’élancera à nouveau l’année prochaine dans le circuit du Cycle Libre pour les chevaux de six ans. Et si le grand bai était en route vers un doublé ?