Les dresseurs français en stage pour préparer la saison à venir

La semaine dernière, les cavaliers de dressage ayant concouru en équipe de France cette saison ont été convoqués en stage sur le site de l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) de Saumur. Ce rassemblement a été l’occasion, pour les athlètes et l’encadrement fédéral, de travailler avec l’outil Mazarin, développé par l’IFCE, qui permet de mesurer et enregistrer bien des données durant le travail des couples. Si le quatuor ayant permis à la France de réaliser une performance historique lors des championnats d’Europe de Riesenbeck était présent pour une revue d’effectif dans le Maine-et-Loire, deux jours ont également été consacrés à une quinzaine de couples prometteurs invités par le staff de la Fédération française d’équitation (FFE).



“Pour les cavaliers présents aux championnats d’Europe, ce stage est une revue des chevaux après une petite période de repos, avant d’attaquer la saison indoor”, débute Laurent Gallice, directeur du dressage à la FFE, concernant les objectifs de ce rassemblement qui a également accueilli, par la suite, une quinzaine d’autres duos jugés prometteurs par le staff fédéral. Alexandre Ayache, Morgan Barbançon, Pauline Basquin et Arnaud Serre ont vu Stéphane Fresnel, vétérinaire fédéral, effectuer un check-up physique de leurs chevaux; puis ils ont pu travailler sous l’œil de Jan Nivelle, intervenant fédéral. “Il reste maintenant peu de temps jusqu’aux Jeux olympiques pour travailler sur les bases”, a expliqué ce dernier. “L’objectif est que les couples montrent une progression en concours jusqu’à Paris. Pour la présentation des chevaux, je leur partage mon expérience pour qu’ils se remettent en question. Je pense qu’il est important que tous les cavaliers renvoient l’image d’une équitation harmonieuse, dans la relaxation, que le public se rende compte que c’est un système qui fonctionne et qui va dans le sens des chevaux. Nous gagnerons des places quand les chevaux de l’équipe de France renverront une image globale avec plus d’engagement sans manque d’énergie, plus d’énergie sans avoir de tensions… C’est un équilibre difficile à trouver. Le travail effectué par Alexis sur les statistiques des notes en Grands Prix me donne beaucoup d’informations.”



En effet, Alexis Moreau, podologue du sport qui assure un suivi longitudinal des cavaliers, a compilé les notes obtenues par les différents couples pour chaque mouvement lors des différents Grands Prix qu’ils ont présentés en 2023 pour créer des diagrammes en étoile. “La présentation au staff de ces données se fera prochainement”, indique-t-il. “Sophie Dubourg m’a demandé d’être force de proposition, j’ai donc travaillé de mon côté et lors de ce rassemblement, nous avons réalisé un débriefing afin de co-construire et faire évoluer ensemble cet outil sur mesure”, précise Alexis Moreau. Ces chiffres sont loin d’être les seuls à avoir été utilisés pendant ce stage fédéral, puisqu’il a permis aux cavaliers et à l’encadrement fédéral d’utiliser le système Mazarin, développé par l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE). “Sa présence à Saumur a guidé le choix de notre lieu de stage et nous remercions l’IFCE de nous avoir accueillis”, a indiqué Laurent Gallice. “Comme dans les autres sports, nous devons intégrer la collecte et l’analyse de données pour optimiser les performances de quelques dixièmes.” Ainsi, l’outil Mazarin a permis d’enregistrer de nombreuses données grâce à des capteurs positionnés sur le cavalier - un sur le casque, trois dans le dos - et sur les rênes, la sangle et le tapis. “Grâce à ces capteurs, nous pouvons voir les mouvements du cavalier en trois dimensions et ainsi observer s’il est synchrone avec les mouvements de son cheval, comment il coordonne son haut, milieu et bas du corps, ou encore la répartition des tensions entre sa main et la bouche de son cheval. Nous pouvons également réaliser un focus sur le cheval et connaître la qualité de sa locomotion à partir de ces enregistrements: cadence, rebond, etc.”, exprime Agnès Olivier, chercheuse en sciences du sport et responsable recherche et développement sur le plateau technique “équitation et performance sportive” de l’IFCE à Saumur.



La préparation physique, un autre atout majeur

En parallèle des ateliers à cheval, des réveils musculaires ont été organisés avec Charles Le Navenec, préparateur physique et réathlétiseur, afin de sensibiliser les athlètes à l’importance du renforcement musculaire, avec des exercices axés autour du bassin. Les sessions se sont achevées par des exercices de proprioception. Charles Le Navenec et Alexis Moreau ont également reçu en duo les cavaliers pour des entretiens individuels afin de leur proposer des routines personnalisées, dans la continuité du travail déjà effectué lors du stage tenu à Lamotte-Beuvron en avril. Une collaboration qui fait sens et permet d’adapter un discours commun où l’information voyage plus rapidement. “Nous sommes en plein dans l’optimisation de la performance, où nous faisons parler les athlètes de l’invisible. Ils peuvent évoquer des dysfonctions sans parler de douleurs, il s’agit donc de les contourner. Une bonne dynamique se met en place et nous sommes sur la bonne voie”, considère Alexis Moreau. “J’ai l’habitude de la préparation physique avec Charles, et je suis ravie que mes coéquipiers aient pu en bénéficier également”, a confié Pauline Basquin, meilleure Française dans la reprise libre des championnats d’Europe de Riesenbeck. “Pour moi, le stretching, le renforcement musculaire, sont des sujets importants. Cela m’a aussi fait plaisir de les accueillir à Saumur (la cavalière est l’une des écuyères du Cadre Noir, ndlr), même si ce n’est pas le plus facile à gérer pour moi. J’ai la chance d’avoir pu compter sur mon équipe aux écuries pour me détacher de mon quotidien habituel et être entièrement concentrée sur le stage. C’était sympathique de se retrouver tous les quatre à nouveau après les championnats d’Europe, dans une ambiance un peu plus détendue. C’est important pour moi que l’équipe continue à se construire, avec ces cavaliers-là ou d’autres, et de se retrouver régulièrement pour consolider les liens. Sertorius était en forme car le pôle France FFE, où avait lieu le stage, c'est chez lui, mais pas tout à fait. Ce n’est pas un endroit où je travaille d’ordinaire, donc je l’ai retrouvé un peu comme en concours, ce qui est intéressant. J’ai hâte d’avoir le bilan de la séance avec les capteurs. Je ne m’étais encore jamais servie de l’outil Mazarin, je sais que je suis moins à l’aise sur certains éléments de la reprise et j’espère que cela m’apportera des clés pour les aborder plus sereinement. Notre prochain rendez-vous est Equita Lyon (les épreuves de dressage du CHI Longines accueilli durant ce salon auront lieu les 2 et 3 novembre, ndlr) puis quelques autres étapes de la Coupe du monde avant de redémarrer en extérieur. L’objectif est de garder le rythme des concours, sans que ces derniers ne soient trop rapprochés.”



Des entretiens individuels avec Julien Deville, préparateur mental, Davy Delaire et Jean-Luc Force, de la cellule haute performance de la Direction technique nationale, étaient au programme, ainsi que des réunions de groupe avec notamment une intervention de Jan Nivelle sur la présentation des chevaux en compétition. “L’entretien avec Julien, Jean-Luc et Davy m’a beaucoup apporté, cela permet d’avancer!”, note Pauline Basquin. Par ailleurs Jean-Pierre Guyomarc’h, référent équitation pour l’Agence nationale du sport (ANS), qui a vocation à accompagner les sportifs et équipes identifiés avec un potentiel de médaille, était présent à Saumur durant ce stage. Proche des milieux du saut d’obstacles et du complet, il a pu faire la connaissance des cavaliers de dressage, dont les bons résultats ne lui ont pas échappé: “Je leur explique le rôle que peut avoir l’ANS. Nous sommes un peu l’équipe derrière l’équipe, la fédération fait déjà beaucoup pour ses athlètes, plusieurs dispositifs sont déjà mis en place. Si à notre niveau, nous pouvons contribuer à sécuriser les projets de performances individuels et collectifs, c’est avec plaisir que nous le faisons. Nous sommes contents de voir la dynamique qui s’est mise en place en dressage, avec une organisation et un staff ambitieux.”



“Pour Paris, la régularité sera le critère le plus important”

“C’est important de pouvoir réunir les acteurs du sport et de faire en sorte que les entourages de chaque cavalier se rencontrent”, considère quant à elle Sophie Dubourg, la Directrice technique nationale. “Au cours de ce stage, il y a eu des créneaux impartis à la technique ainsi qu’à la préparation des cavaliers et des chevaux. Ces moments tant formels qu’informels permettent d’optimiser la communication et de continuer à apprendre à se connaître. Nous repartons pour une nouvelle saison, c’est donc une revue des troupes de l’équipe première mais également du réservoir dont nous disposons.” À l’heure du bilan de ce regroupement qui, selon le choix de l’encadrement fédéral, a pris la forme d’un stage fermé, Arnaud Serre a, lui, expliqué que cela lui avait “fait plaisir de montrer James Bond de Massa au staff avec la progression qu’il a connue ces dernières semaines. La préparation physique était intéressante. Je ne suis pas porté là-dessus habituellement en raison du temps que je consacre à la gestion de mes écuries, mais c’était une bonne chose de nous sensibiliser à ce sujet. Le projet Mazarin était nouveau, j’ai hâte d’avoir les résultats et j’espère que cela va me donner des pistes de travail, nous ouvrir les yeux sur certains points que nous ne voulions pas forcément voir! Je connais mes défauts et ceux de mon cheval, mais avoir des données objectives va nous permettre de nous situer. Il y a un bon groupe, nous avons partagé un cassoulet tous ensemble sur proposition de Stéphane. Cela s’est fait naturellement et nous avons passé un super moment. Je vais participer au CDI-W de Lyon, qui va permettre de situer le cheval dans un environnement indoor lors d’un concours que j’apprécie énormément et où une belle concurrence sera présente. Le futur, c’est Paris 2024. Après Lyon, on établira la marche à suivre pour James Bond, mais également pour moi.”



Si le cavalier du Sud de la France explique ne pas vouloir “réellement courir le circuit Coupe du monde, car James Bond est jeune et [qu’]il faut construire l'avenir sereinement”, Jean Morel, sélectionneur national, assure de toute façon que “les chevaux en vue pour les Jeux olympiques ne prendront pas part à la finale“ du plus prestigieux des circuits hivernaux car celle-ci se tient “trop près des concours de Fontainebleau et Compiègne, qui serviront de référence pour la sélection.” Après ce stage, les couples vont tout de même “participer au circuit Coupe du monde (pas présents lors de ce rassemblement, Corentin Pottier et Gotilas prendront d’ailleurs part à la première étape de la ligue d’Europe occidentale, ce week-end même, à Herning, ndlr), et il y aura encore deux rassemblements en janvier et en mars 2024; nous n’allons pas les lâcher! Nous avons fait venir à Saumur d’autres couples qui nous intéressent, comme Anne-Sophie Serre et Jibraltar de Massa, qui débute et a obtenu des résultats encourageants au CDI 3* d’Ornago, Stéphanie Brieussel et sa seconde monture, Laurence Vanommeslaghe, dont le cheval revient très bien après une opération, etc. Nous n’allons pas changer notre méthode et tous iront en concours. Il faut que l’équipe de France réédite sa performance de Riesenbeck, c’est-à-dire qu’elle reste au-dessus de 72% de moyenne dans le Grand Prix. Nous espérons intégrer de nouveaux chevaux dans la mouvance des Jeux olympiques, et pour cela, il faut notamment former les cavaliers, les intégrer à l’équipe et à sa mentalité. Nous construisons un collectif pour Paris et aussi pour l'avenir. Aujourd’hui, rien n’est décidé pour les Jeux, la régularité sera le critère le plus important en l’absence de drop score. C’est une autre philosophie de sélection et de travail, nous avons pu en parler aux cavaliers lors des réunions.”