À bientôt quatorze ans, la championne olympique Amande de B’Neville tire sa révérence sportive

Julia Krajewski vient d’annoncer la nouvelle sur les réseaux sociaux: Amande de B’Neville, qui lui avait permis d’être sacrée championne olympique à Tokyo, prend sa retraite sportive. En cause: un problème à un sabot dont la brillante fille d’Oscar des Fontaines souffre depuis plusieurs mois. Plus apparue en compétition depuis les championnats du monde de Pratoni del Vivaro, où elle s’était offert l’or par équipes et l’argent individuel, la Selle Français devrait désormais se consacrer à sa carrière de reproductrice, comme l’a indiqué sa cavalière, qui lui a rendu un vibrant hommage.



“Pour faire court, [Amande de B’Neville] ne reprendra pas le sport, mais nous espérons qu’elle devienne aussi merveilleuse en tant que maman qu’elle ne l’était en complet.” C’est avec cette phrase que Julia Krajewski a annoncé la retraite sportive de celle qui lui avait offert trois médailles en grands championnats, dont l’or olympique individuel à Tokyo, ce 24 décembre à l’occasion du dernier post de son “calendrier de l’avent” sur les réseaux sociaux. Mi-juin, déjà, l’Allemande avait expliqué dans un article de St. Georg que sa crack Selle Français souffrait d’un problème à un sabot. Comme l’a indiqué sa cavalière en cette veille de Noël, c’est en raison de ce même souci que la baie ne pourra pas reprendre sa carrière sportive. “En lui-même, ce problème n’est pas dramatique, mais la situation ne s’est tout simplement pas améliorée de manière satisfaisante depuis que Mandy (le surnom d’Amande, ndlr) l’a contracté malgré toutes sortes de thérapies”, a écrit Julia Krajewski, qui s’était confié à GRANDPRIX dans un grand entretien il y a quelques mois. “Même si cela ne la gêne pas au quotidien, il y a un risque que les choses se dégradent si elle devait de nouveau fournir des efforts sportifs importants. Il y a, certes, aussi une petite chance que cela fonctionne, mais nous avons décidé de ne pas essayer.”



“Ma plus grande peur serait de laisser tomber Mandy”, Julia Krajewski

“Il revient à chacun de choisir quels risques il souhaite prendre en fonction des potentielles chances de réussite”, a poursuivi la championne olympique. “Mon sentiment est que Mandy m’a énormément donné, m’a permis d’accomplir mes plus grands rêves, s’est battue avec et pour moi, s’est surpassée pour moi. De fait, ma plus grande peur serait de la laisser tomber au moment de prendre une décision d’une telle importance (celle d’essayer de relancer la jument en compétition ou non, ndlr) et de le regretter à la fin. [...] Bien sûr, le fait de savoir que je ne ressentirai plus la force incroyable, les moyens, l’intelligence et la détermination de Mandy en selle m’attriste beaucoup. Vraisemblablement, on ne ressent pas deux fois la sensation de supériorité qu’elle m’a donnée, particulièrement le dernier jour à Tokyo, mais aussi à Pratoni (lors des championnats du monde de 2022, que l’Allemande et sa crack avaient conclu avec une médaille d’or par équipes et l’argent individuel, ndlr)! D’un autre côté, je suis infiniment reconnaissante d’avoir pu vivre cela avec elle et suis très contente d’avoir pris la décision de la retirer du sport, en espérant avoir quelques beaux poulains d’elle dans le futur.” 



Artisane de la “libération” de Julia Krajewski

À Pratoni, Julia Krajewski et Amande de B'Neville avaient signé un double sans-faute sur le cross et les barres.

À Pratoni, Julia Krajewski et Amande de B'Neville avaient signé un double sans-faute sur le cross et les barres.

© Hippo Foto

Les championnats du monde organisés à Pratoni del Vivaro en septembre 2022 resteront donc comme la toute dernière compétition d’Amande de B’Neville. En Italie, la fille d’Oscar des Fontaines avait d’abord signé une reprise qui lui avait valu 26 pénalités, la plaçant ainsi dans le Top dix, mais tout de même pas si près que cela de la tête détenue par Michael Jung et fischerChipmunk avec 18,8 points à l’issue du premier test. “Ce n’est pas son truc préféré de rentrer sur un rectangle, et cette reprise est longue”, avait avoué Julia Krajewski à sa sortie du rectangle italien. “Je crois qu’elle était géniale sur les trots et le galop allongés, les changements de pied étaient bons, les arrêts aussi par rapport à nos standards. Comme elle n’aime pas trop le dressage, l’idée est d’être patiente. Elle était très bien sur le plat la semaine dernière donc après, nous avons laissé passer quelques jours sans faire de dressage, avant de se réentraîner un peu. [...] J’avais dit que je voulais tourner autour de 25 points, et nous avons réussi.” Après ce premier atelier qui n’était donc pas le plus apprécié par Mandy, née et construite pour sauter comme le reconnaissait sa cavalière, la charismatique jument et sa partenaire avaient livré un double sans-faute sur le cross et les barres pour, finalement, décrocher l’argent individuel en plus de contribuer grandement à la victoire collective de l’Allemagne. 



Bien sûr, si ces deux médailles mondiales constituent un véritable accomplissement, la plus belle consécration d’Amande de B’Neville est sans nul doute le titre olympique individuel qu’elle a permis à sa cavalière de décrocher à Tokyo en 2021. Bien sûr, monter sur le toit de l’Olympe est le Graal pour tout sportif ou presque, on le sait. Cependant, ce sacre-là avait peut-être plus de saveur encore en pleine pandémie mondiale de Covid-19, et surtout car il a constitué une “véritable libération” pour Julia Krajewski (retrouvez son entretien paru dans le numéro 148 du magazine GRANDPRIX ici), dont aucune des expériences précédentes en grand championnat ne s’était déroulée de manière idéale. La cavalière avait en effet vécu une élimination aux JO de Rio en 2016, une disqualification aux Européens de Strzegom l’année suivante, puis un refus de Chipmunk, futur partenaire de Michael Jung, sur le cross des Mondiaux de Tryon en 2019. “C’est assez irréel”, s’était d’ailleurs exclamée l’Allemande juste après être devenue championne olympique. “En arrivant ce soir, je ne pensais pas à l’or olympique. J’ai dit que nous allions sauter comme à la maison, c’est tout. […] C’est vraiment une fin digne d’un conte de fées pour moi !” Quelques mois plus tard, elle avait expliqué pour GRANDPRIX que le voyage au Japon avait “créé un lien fort” entre elle et Amande. “Désormais, nous nous connaissons très bien l’une l’autre. Pour ma part, je sais que je peux vraiment me fier à elle quand il le faut. Je me sens à l’aise en selle. C’est assez spécial, un peu comme la complicité que l’on développe avec une bonne copine. Je la trouvais déjà super cool avant, mais je nourris désormais à son égard un plus grand respect encore, au mérite de tout ce qu’elle a accompli en si peu de temps, et notamment de ses qualités mentales.”



Une sauteuse née

Sauteuse née, Amande de B'Neville a connu son plus grand sacre à Tokyo.

Sauteuse née, Amande de B'Neville a connu son plus grand sacre à Tokyo.

© Hippo Foto

En plus de ses trois médailles en grands championnats, Amande de B’Neville a également engrangé deux victoires 4*: dans le CCI 4*-L de Saumur, en 2021, d’abord, puis dans le CCI 4*-S de Wiesbaden l’année suivante. Si elle s’est donc plus qu’illustrée en concours complet, c’est pourtant bien plutôt au jumping que la prédestinaient ses origines. Son père, Oscar des Fontaines (SF, Lando x Mr. Blue), a concouru en épreuves internationales jusqu’à 1,50m sous la selle de Pénélope Leprevost, avant de rejoindre le Slovaque Radovan Sillo, avec lequel il a poursuivi sa carrière à 1,45m, puis la Tchèque Sára Vingrálková en 2017. Côté maternel, elle est issue de la même lignée qu’un certain Number One d’Iso, ancien complice de Nicolas Delmotte qui a atteint le plus haut niveau en saut d’obstacles. Nuance V (SF, Feu Sacré x Ti-Ti), la quatrième mère d’Amande, “était une belle jument, mais très grande et massive, avec beaucoup d’os”, s’était souvenu Jean-Baptise Thiébot, le naisseur de la championne olympique, pour GRANDPRIX en 2021 (lire ici). L’éleveur a alors décidé de croiser cette Nuance V au Pur-Sang Dear Patrick (Gyr x Road House II), “qui revenait alors d’Irlande” et ne compte que dix-sept chevaux enregistrés en France. C’est ainsi qu’a vu le jour Vigie de B’Neville. 

Consacrée à la reproduction, celle-ci possédait deux tiers de sang pur dans son pedigree, ce qui, selon son éleveur, a contribué “dans une certaine mesure” à sa réussite à l’élevage. “Vigie m’a donné de très bons chevaux, qui sont allés au plus haut niveau, lorsque je l’ai croisée à Talent Platière et Fort de la Cour, qui n’avaient pas plus de sang que cela.” En effet, Droit de B’Neville (SF, Talent Platiere), rebaptisé Del Mar, a connu de grand succès au plus haut niveau sous les selles de l’Américaine Kerri Potter et du Belge Ludo Philippaerts, remportant notamment le Grand Prix Coupe du monde de Bois-le-Duc en 1999. Sous le nom de Fort de Neuville, le hongre né Fort de B’Neville (ISO 143, SF, Fort de la Cour) a quant à lui pris la deuxième place du Grand Prix CSIO de Falsterbo en 2002 ou encore la troisième place par équipes des Jeux Panaméricains de 2003 avec le Brésilien Bernardo Alves. Avant-dernier produit de Vigie, Radja de B’Neville (ISO 155, SF, Allegretto) a lui aussi concouru jusqu’à 1,60m. Les qualités de cette souche ont été transmises à la génération suivante par deux filles de Vigie. Nuance de B’Neville (SF, Talent Platière) a notamment donné naissance à Bacardi de B’Neville (ISO 146, SF, Sisley de la Tour Vidal), cinquième du championnat de France des six ans en 2017 sous la selle d’Arthur Le Vot, tandis qu’Igie de B’Neville (SF, Camélia de Ruelles) est devenue la mère de trois chevaux indicés à plus de 125 en saut d’obstacles, mais surtout la deuxième mère d’Amande via sa fille Perle de B’Neville (SF, Élan de la Cour). 



Julia Krajewski n'a jamais manqué une occasion de mettre en avant sa championne, ici aux JO de Tokyo

Julia Krajewski n'a jamais manqué une occasion de mettre en avant sa championne, ici aux JO de Tokyo

© Hippo Foto

Compte tenu de ses origines, la nouvelle championne olympique de concours complet a logiquement été formée d’abord au saut d’obstacles, débutant en concours à cinq ans avec Arthur Le Vot. Cette saison-là, la jolie baie réussit une saison “très correcte”, même si elle ne montre pas toutes ses qualités lors de la Grande semaine de Fontainebleau. En fin d’année, la jument est présentée à Myriam Meylemans, “qui recherchait des chevaux de dressage et de concours complet.” “Amande avait un beau modèle, de belles allures, et elle lui a plu”, se rappelle son éleveur, “mais elle n’avait jamais sauté un obstacle naturel.” Qu’importe! Après avoir été acquise par la cavalière et marchande belge, qui avait déjà su miser sur Opgun Louvo (ICC 166, SF, Shogoun II x J’T’Adore), champion olympique par équipes en 2012 à Londres et et double champion du monde en 2014 en Normandie avec l’Allemande Sandra Auffarth, et Samouraï du Thot (ICC 175, Milor Landais x Flipper d’Elle), premier crack olympique de Julia Krajewski, la fille d’Oscar des Fontaines rejoint vite sa future complice, et s’adapte fort bien à sa nouvelle discipline. Ainsi, c’est ensemble Julia Krajewski et sa Selle Français ont gravi toutes les marches séparant les CCI 2*-S, disputés lorsque la baie avait six ans, des Jeux olympiques de Tokyo et des Mondiaux de Pratoni. Gageons qu’au vu de ses bonnes origines, “Mandy” pourra transmettre au moins un peu de son potentiel à de futurs descendants. Julia Krajewski, quant à elle, a obtenu le résultat qualificatif en CCI 4*-L nécessaire à une participation aux Jeux olympiques de Paris 2024 avec deux chevaux: le Selle Français Ero de Cantraie, et le Holsteiner Nickel. Qui sait, l'un d'entre eux galopera peut-être dans les traces d'Amande dans les années à venir?