Une vidéo de Katie Prudent crée la controverse et alimente le débat sur le bien-être équin dans le sport
Ces derniers jours, la vidéo d’un stage donné par Katie Prudent sous l’égide de la Fédération américaine a suscité une vague de réactions sur les réseaux sociaux. Médaillée d’or par équipes aux championnats du monde d’Aix-la-Chapelle en 1986, la Franco-Américaine, ancienne cavalière et cheffe de l’équipe américaine, a été la cible de critiques indignées de la part de nombreux équitants en raison de son attitude et de propos jugés choquants. Explications.
Le 13 janvier, Albert Voorn, médaillé d’argent individuel aux Jeux olympiques de Sydney en 2000 pour les Pays-Bas, a partagé sur les réseaux sociaux un contenu ayant suscité de nombreuses réactions au sein de la communauté équestre. La vidéo dont il est question montre Katie Prudent en train d’enseigner à un groupe de cinq élèves des dispositifs de mécanisation à l’obstacle. Ces images, comprenant plusieurs extraits coupés et compilés en 2’’29, sont issues d’un stage de trois jours organisé à Wellington par la Fédération équestre américaine (USEF) et au cours duquel l’ancienne cavalière et sélectionneuse de l’équipe américaine de saut d’obstacles est intervenue le 6 janvier. Ses deux sessions d’entraînement ont été diffusées en direct sur le canal de l’USEF, puis archivées et rendues disponibles sur ClipMyHorse.tv, diffuseur partenaire de la fédération. Environ une semaine après leur mise en ligne, la compilation d’extraits a commencé à être largement partagée sur les réseaux sociaux – plus de trois-cent mille vues sur Facebook lors de la publication de cet article – et provoqué l’indignation de bon nombre d’internautes. En cause, l’attitude jugée problématique de la technicienne de soixante-neuf ans, dont la pédagogie et les méthodes suggérées questionnent.
Un bad buzz révélateur de divisions au sein de la sphère équestre
À plusieurs reprises, l’Américaine interpelle fermement ses élèves, hausse la voix et laisse échapper des réflexions pouvant être jugées humiliantes à l’égard des jeunes cavaliers invités à suivre son cours. “Je ne veux pas te voir te faire tirer vers l’avant comme une mauviette”, “Vous apprendre à raccourcir vos étriers nécessiterait une heure de leçon en plus. Plus personne ne sait le faire correctement de nos jours”, ou encore “Soit vous ne m’écoutez pas, soit vous avez des cervelles d’oiseaux”, l’entend-t-on dire sur ces images.
Si quelques commentaires cinglants témoignent surtout d’une attitude sévère, certains internautes ont été choqués par des conseils qu’ils jugent contraires au bien-être animal. “J’ai ce ‘truc’ avec ma cravache que j’appelle “smacking back” (comprendre, “frapper en retour”, ndlr). La raison pour laquelle nous avons une cravache est de pouvoir nous en servir correctement lorsqu’un cheval refuse d’obéir. Et les chevaux en ont besoin!”, énonce Katie Prudent. “Vous savez, les activistes de la protection des animaux n’ont aucune idée de comment on entraîne un cheval. Parfois, ils ont besoin d’une bonne raclée”, ajoute-t-elle. Plus surprenante encore, sa réaction face à une cavalière peinant manifestement à arrêter sa monture en ligne droite après avoir franchi une combinaison d’obstacles: “Je préfère que tu l’écrases contre la lice plutôt que de le laisser tourner. Avec moi, il n’oserait même pas, je l’aurais fait se retourner sur lui-même. Tu es un peu faible. Tu es faible ici”.
Contribuant régulièrement au débat concernant le bien-être des chevaux dans le sport, Albert Voorn n’a pas dissimulé son amertume en partageant ces images. “Il est incroyable que la Fédération équestre américaine permette cela sur ses terrains. Voilà sans aucun doute une personne qui sauvera notre sport dans le futur... Et le plus incroyable est que les cavaliers acceptent un tel traitement”, a-t-il exprimé. Devenue virale à l’échelle du monde équestre, la vidéo a fait l’objet de nombreux autres partages dont la plupart condamnent les propos tenus par Katie Prudent. “C’est ainsi qu’on obtient des cavaliers qui ont peur de sauter, peur de leur entraîneur, et des chevaux qui n’apprécient pas le sport. C’est vraiment triste”, déplore un internaute.
À l’inverse, les auteurs de certains commentaires avouent ne pas comprendre que de tels extraits fassent autant réagir et vont même jusqu’à banaliser les comportements abusifs de certains entraîneurs. “Vu la division suscitée par les méthodes d’entraînement débattues ces derniers jours avec la controverse autour de Katie Prudent, il paraît clair que beaucoup n’ont jamais été poursuivis par un entraîneur égotique muni d’une chambrière alors qu’ils tentaient de faire sauter des Pur-sang réformés dans un petit manège en plein hiver…”, peut-on notamment lire. “Il est fascinant de voir combien de personnes pensent que son comportement envers les élèves et les chevaux est acceptable. Beaucoup justifient cela en disant: ‘À mon époque, c’était comme ça’. Ce n'est pas parce que vous avez été réprimandé, puni et rabroué que les prochaines générations d’humains ou de chevaux doivent apprendre de la même manière”, nuance une internaute.
Face à la vague de commentaires négatifs, plusieurs personnes ont toutefois appelé à ne pas porter de jugement accablant sur la base d’une compilation de courts extraits d’une leçon ayant duré une heure et demie — certains rappelant au passage qu’aucun acte ou parole ne justifie le harcèlement en ligne d’une personne. Hope Glynn, la mère d’une cavalière ayant participé au stage, a notamment tenu à exposer sa vision de la situation en partageant plusieurs moments de la leçon où l’on entend Katie Prudent encourager ses élèves. “C’était un excellent stage, avec trois professionnelles admirées (Katie Prudent, Beezie Madden et Anne Kursinski, ndlr) qui ont accepté de partager leur expérience, leur talent et leur expertise avec la prochaine génération. Katie a mis en place un exercice de gymnastique difficile et félicitait les élèves lorsqu’ils le réussissaient. Lorsque ce n’était pas le cas, elle expliquait simplement ce qu’il fallait faire. J’encourage chacun à regarder l’ensemble du stage, les points positifs, comme les points négatifs, et à utiliser son temps pour apprendre au lieu d’attaquer quelqu’un en ligne”, a-t-elle sommé.
Par ailleurs, il est important de noter que certaines phrases prononcées par Katie Prudent dans les extraits visant à dénoncer son attitude ont été coupées de manière à n’en conserver que la partie la plus choquante. D’autres, en revanche, ont été gardées telles quelles, dont celle concernant l’usage de la cravache.
La Fédération équestre américaine réagit
En réponse aux réactions de plusieurs adhérents, la Fédération équestre américaine a déclaré cette semaine avoir retiré de sa plateforme en ligne “des extraits vidéo problématiques ne correspondant pas à [ses] valeurs”. D’après nos confrères américains de The Chronicle of The Horse, l’USEF n’a toutefois reçu aucun signalement de comportement inapproprié de la part des cavaliers ayant assisté au stage, de leur famille ou de leur entraîneur habituel. Dans un communiqué, l’organisation a assuré faire de la sécurité et du bien-être des chevaux et des cavaliers une “priorité absolue”: “Une communication efficace entre l’entraîneur, l’athlète et sa monture est essentielle à la sécurité et à la réussite dans la pratique des sports équestres. Par moments, un langage direct est nécessaire pour faire passer le message dans un cadre d’entraînement. Néanmoins, la fédération ne tolère en aucun cas des méthodes d’enseignement qui ne privilégient pas le bien-être équin et humain. Nous sommes au fait des préoccupations liées au récent stage et examinons actuellement cette problématique.”
À une époque où les sports équestres sont particulièrement observés compte tenu des préoccupations grandissantes de la société en matière de bien-être animal, il semble crucial de mettre l’accent sur la responsabilité des athlètes et des entraîneurs dans la façon dont le sport est perçu. En outre, à une époque où l’image est devenue reine et où les réseaux sociaux se font à la fois caisse de résonnance et miroir grossissant de la moindre attitude inappropriée ou du moindre mot mal choisi, les leaders d’opinion, quels qu’ils soient, ont plus que le jamais le devoir de s’exprimer et de se comporter sans excès.