Les CEI d’Al-’Ula promettent de vrais championnats du monde en 2026, mais la prudence reste de mise

Les cavaliers qatariens, saoudiens et émiriens ont trusté le podium de la CEI 2* à la dotation pharaonique organisée samedi dernier à Al-’Ula, en Arabie saoudite, tandis qu’un cavalier de Bahreïn s’est imposé dimanche dans la CEI 3*. Julia Montagne et Camille Coulomb ont été les meilleures Françaises, se classant respectivement quinzième de l’épreuve de 120km et dixième de celle de 160km. Hélas, ce rendez-vous, visant à promouvoir la capacité des organisateurs à orchestrer de beaux championnats du monde en 2026, a été endeuillé par la mort d’un cheval, Rivergum High Speed.



Samedi matin à 7h, le top départ de la Custodian of the Two Holy Mosques Endurance Cup, la plus richement dotée CEI 2* de la planète (3,2 millions d’euros), a été donné à deux cents cavaliers représentant cinquante et une nations. Il faisait encore un peu sombre, mais les paysages grandioses de l’ancienne oasis d’Al-’Ula, vitrine touristique d’une Arabie saoudite qui entend s’ouvrir au monde, se révèlent petit à petit aux cavaliers partis pour 120km d’épreuve en terrains tantôt durs, tantôt profonds, les dénivelés promettant de casser le rythme effréné des cavaliers les plus téméraires. Tout s’est globalement bien déroulé, même si quelques chameaux sont venus jouer les trublions en courant derrière et avec les chevaux. C’est aussi cela l’endurance. Dès le départ, trois cavaliers ont donné le ton. On notera la vitesse déraisonnable du vainqueur, le Qatarien Saïd Yahya SJ al-Naïmi, qui a poussé son cheval G B Guilen Fantasia à 28,2 km/h dans la dernière boucle, pour une moyenne finale de 23,72km/h. Il a bouclé l’épreuve en 5h22’01’’, suivi par le Saoudien Fares Abou Ras, deuxième sur Ger Ashir, et l’Émirien Hamad Humaïd Ali Obaïd Altamimi, troisième avec Showman TE.

Lors de la troisième boucle, Julia Montagne, quinzième et meilleure Française avec Elmer de Bozouls, a compris qu’elle ne pourrait pas finir dans le top dix. Même si la première boucle a été plus facile, j’ai compris que les cavaliers de tête iraient vite. C’était la première course dans le sable d’Elmer et son premier voyage en avion. Pour autant, tout s’est bien passé et il a même mieux récupéré pendant la course que d’habitude.” Julia a intégré le groupe du totem espagnol Jaume Puntí Dachs, suivant une course intelligente, traversant au pas ou au petit trot les passages plus profonds et respectant les autres difficultés du tracé.

Le programme comprenait également une CEI 3* de 160km. Courue dimanche et dotée d’1,16 million d’euros, cette Fursan Cup a lancé un compte à rebours d’un peu plus de deux ans vers les championnats du monde de 2026, attribués en novembre dernier à Al-’Ula par le conseil d’administration de la Fédération équestre internationale (FEI). Partis à 5h30, en pleine nuit, les soixante-quatre cavaliers ont finalement terminé l’épreuve à vingt-deux, offrant un podium plus cosmopolite que celui de la veille. La victoire est revenue à Hamad Isa Abdoullah Yousouf al-Janahi et à la Pur-sang Arabe made in France Déesse la Majorie , qui ont coupé la ligne d’arrivée après 8h27’08’’ d’efforts, soit 18,9km/h de moyenne. Le Bahreïnien a précédé de dix secondes l’Uruguay Federico Ferber, deuxième sur HC Yaiza, et l’Espagnol Omar Blanco Rodrigo, troisième avec JM El Sobrino. Camille Coulomb a signé la meilleure performance française, se classant dixième sur SW Flinka, une jument de douze ans appartenant à un propriétaire saoudien et dont la vitesse moyenne s’est établie à 16,2km/h.



“C’était vraiment intéressant, une bonne préparation pour les Mondiaux”, Julia Montagne

Julia Montagne lors d’un point d’eau.

Julia Montagne lors d’un point d’eau.

© Anne Jonchery

Le comité organisateur a consenti d’importants efforts pour cette première répétition des Mondiaux. Avant, les chevaux atterrissaient à Riyad et il fallait plusieurs heures de camion pour rejoindre le site. Cette année, un vol direct a été organisé entre Liège et Al-’Ula ”, raconte Julia Montagne, qui a également remarqué des progrès sur la piste: Il y avait beaucoup de points d’eau gérés par l’organisation, où des personnes nous donnaient des bouteilles. Les boucles ont été inversées: on a débuté sur une piste plus facile au lieu de démarrer directement sur des sols profonds. Globalement, les pistes étaient super et les paysages magnifiques. Cette course est accessible à tous, cavaliers du Golfe ou non, grâce aux terrains variés. C’était vraiment intéressant, une bonne préparation pour les Mondiaux, et les organisateurs ont très bien bossé, jusqu’à la cantine!”, ajoute Julia, saluant les progrès de cette jeune nation sur l’échiquier mondial de l’endurance. “Si nous nous rendons là-bas, c’est aussi pour qu’ils s’inspirent de nous, Européens, qui avons plus d’expérience.”

Orchestré par la Commission royale d’Al-'Ula en partenariat avec la Fédération saoudienne et la FEI, ce concours richement doté a attiré beaucoup de monde. Le comité organisateur dit avoir reçu huit cents demandes. Pour la CEI 2*, deux cents cavaliers ont été invités, suivant une sélection beaucoup plus drastique que les années précédentes. C’est d’autant plus important que les pistes sont autrement plus techniques que celles proposées dans d’autres pays du Golfe. De fait, cette année, les chevaux présentés au contrôle vétérinaire initial ont généralement paru en bien meilleure condition physique que ceux vus en 2023.

Bon nombre de couples éliminés l’ont été pour boiterie, et les chevaux arrêtés pour raisons métaboliques ont tous dû passer par la clinique, avant de pouvoir rejoindre leur box. Deux cavaliers ont été disqualifiés parce que leur poids était inférieur au seuil autorisé par les règlements. Hélas, un grave accident s’est produit lors de la troisième boucle de la CEI 2*. Victime d’une fracture irréparable, vraisemblablement survenue lors d’un passage dans un sol profond, Rivergum High Speed a dû être euthanasié. Ce hongre de douze ans restait sur deux victoires, en CEI 1* et 2*, avec Rayan al-Mobty, un cavalier saoudien qui s’entraîne en Europe pendant l’été. Celui-ci a été suspendu de façon conservatoire par la FEI pour une période de deux mois. En 2023, lors d’une épreuve impliquant un autre cavalier, Rivergum High Speed avait été contrôlé positif à un anti-inflammatoire figurant sur la liste des substances interdites en compétition dans la catégorie des médicaments contrôlés. 

Le comité organisateur des épreuves d’endurance d’Al-’Ula n’ignore nullement que les championnats du monde seront scrutés de tous les côtés et dit agir pour un sport propre et sûr: “Dès cette année, nous avons décidé d’intensifier les contrôles (antidopage, poids, etc., ndlr). Et l’an prochain, nous prendrons encore plus de mesures pour préserver l’intégrité des chevaux”, assure le Dr Anas Hassan, membre de la commission vétérinaire et président de l’événement. L’Arabie saoudite est une jeune nation en endurance, ses cavaliers doivent encore apprendre. Cependant, tous doivent savoir que les tricheurs n’ont pas leur place à Al-’Ula.” On suivra avec attention les résultats des contrôles menés tout au long du week-end. Par le passé, de nombreux cas positifs ont été enregistrés lors de ce rendez-vous hivernal. Il faut y voir une volonté sincère des organisateurs de prendre à bras le corps les problèmes qui ont gangréné la discipline pendant trop longtemps.

Les résultats de la CEI 2*
Les résultats de la CEI 3*