Jean-Maurice Bonneau nous a brusquement quittés, laissant derrière lui un monde d’incompréhension
Jean-Maurice Bonneau a mis fin à ses jours en Vendée, où il s’était réinstallé depuis quelques années. Une terrible nouvelle qui laisse le monde équestre, dont il était une figure aussi incontournable que respectée, dans un profond désarroi. Ce week-end encore, le Vendéen de soixante-quatre ans dédicaçait des livres et conseillait des cavaliers à Paris, à l’occasion du Saut Hermès.
Jean-Maurice Bonneau est décédé hier à son domicile, en Vendée, à l’âge de soixante-quatre ans. Le monde des sports équestres de haut niveau, au sein duquel la nouvelle s’est propagée très vite ce matin, est sous le choc. Il faut dire que rien ou presque ne laissait présager un tel geste. L’ancien cavalier, qui fut médaillé de bronze avec l’équipe de France aux championnats d’Europe de Saint-Gall en 1995 avec Urleven Pironnière, était encore présent vendredi et samedi au Grand Palais Éphémère, où se déroulait le Saut Hermès. Peut-être moins jovial qu’à l’accoutumée, il n’en a pas moins échangé avec nombre d’actrices et d’acteurs de ce milieu professionnel où il était très apprécié et respecté.
“Nous avons l’infinie douleur de vous faire part de la disparition tragique de Jean-Maurice Bonneau, un père, un grand-père, un frère, un ami, un entraîneur si cher à nous tous. Il a marqué l’histoire des sports équestres par son savoir et son amour des chevaux. Il fut un modèle pour beaucoup, son énergie et sa bonne humeur a tiré bon nombre d’entre nous vers les sommets. Il a illuminé nos vies par sa présence, il laisse un vide immense. Nous vous remercions de respecter la douleur et l’intimité de la famille dans ce moment éprouvant”, ont publié ses proches ce soir sur les réseaux sociaux.
Sélectionneur des équipes de France et du Brésil
Reconnu pour ses qualités techniques et peut-être plus encore de meneur d’hommes, Jean-Maurice Bonneau troqua vite ses bottes de cavalier pour une casquette – et une armure blindée – de sélectionneur de l’équipe nationale, dont la Fédération française d’équitation lui confia les rênes fin 2000. Un peu moins de deux ans plus tard, à Jerez de la Frontera, en Espagne, il mena au titre mondial un quatuor devenu légendaire, composé d’Éric Navet, Éric Levallois, Reynald Angot et Gilles de Balanda, associés aux étalons Selle Français Dollar du Mûrier, Dimant de Semilly, Dollar dela Pierre et Crocus Graverie. Ces instants de gloire, il les racontait toujours avec émotion, sans nostalgie exacerbée, mais avec le sentiment du devoir accompli et la gratitude d’avoir eu la chance de vivre quelque chose de grandiose.
Avec une équipe où Michel Robert (Galet d’Auzay) et Michel Hécart (Quilano de Kalvarie) avaient succédé à Éric Navet et Gilles de Balanda, il obtint une médaille d’argent aux championnats d’Europe de Donaueschingen, en 2003, où la France ne s’inclina que devant la presque invincible Allemagne. Ses sélections remportèrent la finale de la Super Ligue des Coupes des nations en 2003 et 2004. Il vécut ensuite, comme il l’avait souvent narré, des Jeux olympiques horribles à Athènes, en 2004, où Dollar du Mûrier et Dilème de Cèphe, le partenaire de Bruno Broucqsault, s’étaient gravement blessés sur un terrain d’une qualité indigne d’une telle compétition. Quelques mois plus tôt, Bruno et Dilème avaient remporté la finale de la Coupe du monde à Milan. Une performance inédite pour la France, signée par un Nordiste dont la réussite restait l’une des plus grandes fiertés de l’ex-sélectionneur. Jean-Maurice s’attela ensuite à reconstruire une équipe en vue des Jeux olympiques de 2008, ce qui fut très difficile, avec une septième place aux championnats d’Europe de San Patrignano, où il avait toutefois su révéler les qualités du couple formé par Laurent Goffinet et Flipper d’Elle. Les Jeux équestres mondiaux de 2006, lors desquels l’équipe de France échoua à se qualifier pour la finale par équipes, furent les derniers championnats du Vendéen, alors établi près de Chantilly.
Ayant transmis le flambeau à Gilles de Balanda, Jean-Maurice Bonneau fonda la société JMB Conseil, à travers laquelle il œuvra sans relâche en tant qu’entraîneur, coach, conseiller et gestionnaire. Après avoir accompagné de nombreux cavaliers, français mais aussi étrangers, dont Luciana Diniz, qui représentait alors le Portugal, il prit les rênes de l’équipe brésilienne de 2011 à 2015. Appliquant avec succès sa méthode, fondée sur l’ouverture, la confiance et la transparence, il mena les Auriverdes à une médaille d’argent collective aux Jeux panaméricains de 2011, à Guadalajara, au Mexique. Si les Jeux olympiques de Londres furent plus difficiles, faute de chevaux, avec une huitième place à la clé, le Vendéen, qui fut sollicité pour revenir aux affaires en France, continua une mission qui devait le mener jusqu’aux Jeux olympiques de Rio de Janeiro, en 2016. Cinquième des JEM de Normandie 2014, grâce notamment au génial couple formé par Pedro Veniss et l’étalon Selle Français Quabri de l’Isle, le Brésil gagna sous sa conduite les Coupes des nations du CSIO 3* d’Arezzo en 2013, puis du CSIO 5* de Calgary en 2015. Pour d’obscures et injustes raisons politico-financières, le technicien dut quitter son poste en novembre 2015, laissant derrière lui une nation qui ne s’est véritablement relevée que sous l’impulsion de Philippe Guerdat, en 2019.
Un passionné aux multiples casquettes
Dans la foulée, Jean-Maurice Bonneau fut engagé par le haras des Coudrettes pour accompagner Patrice Delaveau et Kevin Staut vers les JO de Rio. Seul le second fut finalement sélectionné, avec Rêveur de Hurtebise*HDC, mais Jean-Maurice coachait aussi Philippe Rozier, remplaçant qui entra en jeu avec l’étalon SF Rahotep de Toscane, sous la conduite du même Philippe Guerdat. Les deux hommes s’appréciaient, chacun respectant le travail de l’autre. Peu après cet exploit, le dernier de l’équipe de France dans un championnat international, HDC mit un terme à cette collaboration, mais Jean-Maurice Bonneau continua à entraîner et coacher nombre de cavaliers, dont Frédéric Busquet et Robin Le Squeren aux écuries d’Ellipse, Philippe Rozier, Julien Gonin et Yoann di Stefano, défendant les couleurs de la Laiterie vendéenne de Montaigu, mais aussi Simon Delestre, Laurent Goffinet, Aurélien Leroy, Sofian Misraoui, la Belge Cindy van der Straten et les jeunes Suisses Laetitia du Couëdic, Annabelle et Léon Pieyre, parmi tant d’autres. Depuis 2014, Jean-Maurice était aussi le chef d’équipe et conseiller technique de la Young Riders Academy, un projet associatif soutenu par la Fédération équestre européenne, le Club des cavaliers internationaux de saut d’obstacles et Rolex.
Impliqué bénévolement de longues années durant au sein de l’association organisatrice du Jumping de Chantilly, il fut aussi membre du comité de saut d’obstacles de la Fédération équestre internationale, s’impliquant corps et âme dans la précédente refonte de la série FEI des Coupes des nations, entrée en vigueur en 2013. Passionné par les chevaux autant que par les cavaliers, il avait aussi créé un élevage au haras de Saint-Linaire, propriété familiale vendéenne qu’il avait pu acquérir voici quelques années, et qu’il avait rénovée. Un “havre de paix” où il est né et où il a malheureusement choisi de mettre fin à ses jours.
Son itinéraire, ses succès, ses échecs, les aventures et événements qui ont marqué sa vie, Jean-Maurice Bonneau les avais racontés dans “On y sera un jour, mon grand”, une autobiographie parue en mars 2022 dans la collection Chevaux et cavaliers des éditions Actes Sud, dont il a dédicacé les derniers exemplaires ce week-end au Grand Palais Éphémère. Sur la couverture, il y apparaît au second plan, derrière le regretté Jean Rochefort, qui fut une figure tutélaire pour lui comme bien d’autres jeunes personnes modestes, talentueuses et habitées du désir profond d’accéder à l’élite du jumping. Fier de ses origines et de son parcours, Jean-Maurice Bonneau était issu d’une fratrie de huit enfants, dont on connaît bien Jean-Pierre, ancien cavalier professionnel et entraîneur, André, ancien cavalier et fondateur du Bonneau International Poney, ainsi que Jean-Yves, ancien cavalier et entraîneur renommé en concours complet.
Jean-Maurice était aussi le père de trois filles, Alix, Clara et Diane, et le grand-père de deux petits-enfants, Lou et Robinson, que sa disparition laisse dans une peine incommensurable, à laquelle s’associe pleinement GRANDPRIX. Jean-Maurice fut pour tous les collaborateurs du groupe qui l’ont côtoyé, à tout niveau, un interlocuteur passionnant, intelligent et fin, qui avait toujours le mot juste, un sourire ou un simple geste de soutien ; une personne qui s’intéressait sincèrement aux autres et qui savait encourager tous ceux qui comme lui avaient envie de réussir. Sa présence, son rire, son humour et sa voix nous manquent déjà. GRANDPRIX adresse ses plus sincères condoléances à sa compagne, Beth, ainsi qu’à toute sa famille, ses amis et ses cavaliers.