Comment un cavalier a-t-il pu faire barrer un cheval sur un terrain de concours?

Vendredi dernier, une source anonyme a propagé des photos semblant montrer James Smith en train de faire barrer un jeune cheval sur une carrière du CES Valencia, où six semaines de concours de saut d’obstacles se sont succédé entre le 29 janvier et le 10 mars. Des éléments suffisamment probants pour caractériser une violation des règlements de la Fédération équestre internationale et de la Fédération britannique, qui ont provisoirement suspendu le cavalier écossais. Selon François Lemonnier, un juge français ayant officié lors des trois dernières semaines de compétition à Valencia, les faits se seraient déroulés entre deux concours, en l’absence d’un commissaire au paddock, ce qui suscite des légitimes questions.



Samedi, British Showjumping, la branche de la Fédération équestre britannique (BEF) en charge du saut d’obstacles, a annoncé la suspension immédiate et temporaire de James Smith dans un communiqué de presse commun avec la BEF et la Fédération équestre internationale (FEI). La veille, des photos relativement floues, sur lesquelles plusieurs sources l’ont identifié, se sont propagées sur les réseaux sociaux. Elles montrent le cavalier écossais de trente et un ans, aidé par la britannique Nicola Park, groom de ses chevaux, s’adonner à une méthode d’entraînement interdite appelée barrage, visant à exacerber le geste de saut d’un cheval. Il s’agirait d’un jeune cheval, dont l’identité est vraisemblablement sujette à caution. 

Les conditions de luminosité laissent penser que la scène aurait été photographiée en tout début ou toute fin de journée. Comme le montrent les banderoles bordant la piste, les faits se seraient produits au CES Valencia, où six semaines de compétitions internationales se sont enchaînées du 29 janvier et au 10 mars. Suscitant des “préoccupations en matière de bien-être des équidés”, les photos ont été jugées suffisamment probantes pour que la BEF et la FEI prennent des mesures conservatoires et lancent une investigation. “James Smith a été immédiatement suspendu à compter du 16 mars. Un blocage a également été mis en place pour empêcher la groom, Nicola Park, de renouveler son adhésion à British Showjumping pendant la durée de l’enquête. Après la suspension imposée par British Showjumping, qui lui a été transmise le 16 mars, la FEI a également suspendu provisoirement l’athlète. Cette mesure lui interdit de s’engager et/ou de concourir ou d’entraîner des cavaliers et/ou des chevaux dans tout concours international ou national jusqu’à nouvel ordre, le temps que les images et circonstances de l’incident fassent l’objet d’une enquête.”

Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant: “Les méthodes d’entraînement montrées dans les images n’ont pas leur place dans notre sport, sont contraires à nos règlements et ne seront pas tolérées. Le bien-être des chevaux est la priorité absolue de British Showjumping, de la BEF et de la FEI, et nous continuerons à travailler en étroite collaboration pour veiller à ce que nos règlements concernant le bien-être des équidés soient à la fois respectées et appliquées”, concluent ces trois organisations, à qui il appartient donc de faire la lumière sur cette affaire et de déterminer les responsabilités de chaque acteur mis en cause. Contacté, le cavalier n’a pas donné suite aux sollicitions de GRANDPRIX.



“On ne peut pas garantir l’application des règles en toute circonstance”, François Lemonnier

On peut légitimement interroger la responsabilité du comité d’organisation du Moura Tours in Valencia. En effet, les règlements de la FEI disposent que les séances de travail, sur les aires de compétition ou de détente d’un événement international, avec ou sans obstacle, en selle comme à pied, doivent se dérouler en présence d’un commissaire au paddock, nommé steward en anglais. “Le commissaire en chef doit s’assurer que toutes les arènes d’entraînement soient entièrement surveillées pendant toute la durée de leur ouverture officielle. Il doit également s’assurer que ces arènes soient soumises à des contrôles aléatoires lorsqu’elles sont officiellement fermées”, résume la FEI dans un guide édité à l’attention des organisateurs. Le Portugais António Moura, qui orchestre les concours de Valencia après avoir longtemps opéré à Vilamoura, au Portugal, a répondu à GRANDPRIX qu’il n’avait rien à dire au sujet de l’affaire James Smith. Le Français Didier Gonde, président du jury de ces CSI 3* et Jeunes Chevaux, déclare qu’il n’était “pas présent sur le site au moment des faits”. Membre du jury des trois derniers concours, François Lemonnier a accepté de livrer des éléments expliquant l’absence de tout officiel, sans justifier les faits, dont il reconnaît évidemment la gravité. “Très sincèrement, je n’ai jamais rien vu de pareil dans un concours présidé par António Moura, un organisateur avec lequel j’officie depuis de nombreuses années. J’ai découvert cette affaire sur les réseaux sociaux la semaine passée, comme tout le monde. D’après ce que je crois savoir, ces photos auraient été prises à l’aube, le lundi de la dernière semaine (le 4 mars). Or, le lundi, il n’y a pas d’épreuve, donc aucun steward sur place. Le dimanche, dès la fin des épreuves, les fiches permettant de construire des obstacles sont rangées sous clé jusqu’à la réouverture des carrières au travail des chevaux, la semaine suivante, sous le contrôle obligatoire d’un steward. Il peut y avoir des montants et des barres, mais pas de fiche”, assure l’officiel. 

D’un point de vue administratif, les CSI de Valencia s’achèvent le dimanche et débutent le lundi, la première inspection vétérinaire des chevaux étant programmée à 15h. Cependant, ceux-ci doivent être arrivés dans les écuries le dimanche entre 8h et 18h. D’un point de vue juridique, il n’y a donc pas de rupture temporelle entre un événement et un autre. De ce fait, à Valencia, toutes les règles de la FEI encadrant les pratiques en compétition auraient dû être s’appliquer sans discontinuer du 29 janvier et au 10 mars, les juges et commissaires étant chargés d’en contrôler le respect et l’application, sous la responsabilité de l’organisateur. Ainsi, durant toute cette période, aucune séance de travail n’aurait dû se dérouler au CES Valencia sans un commissaire pour en contrôler le bon déroulement. “De toute façon, même les jours de compétition, il n’y a pas toujours de steward de l’aube au crépuscule sur tous les terrains de concours, donc on ne peut pas garantir l’application des règles à 100% et empêcher de nuire tous les esprits malfaisants.”

La Fédération équestre internationale aurait peut-être intérêt à clarifier ses règles applicables aux concours s’enchaînant sur un même lieu, avec ou sans rupture temporelle, et peut-être à imposer aux organisateurs la présence de stewards sept jours sur sept, éventuellement suppléés par des agents de sécurité en dehors des horaires d’ouverture des zones de travail. À Vejer de la Frontera et à Oliva, où les situations sont relativement comparables, d’après les cavaliers sondés, il semblerait qu’aucune carrière ne soit ouverte à l’entraînement – au moins à l’obstacles – sans la surveillance d’un steward. “Me concernant, je suis et je resterai toujours intraitable concernant la brutalité envers les chevaux”, assure François Lemonnier. “Par exemple, je rappelle à l’ordre et au règlement, copie papier à l’appui, tout cavalier cravachant un cheval après une élimination. Personne ne doit s’adonner à cela, même si c’est infiniment moins grave que ce que montrent les photos prises à Valencia. D’ailleurs, à ce jour, je n’ai encore été consulté par aucun enquêteur”, conclut le Français.

Cet article a été modifié le 22 mars à 2h25, le nom du cheval mentionné dans la version initiale étant sujet à caution. GRANDPRIX présente ses plus sincères excuses aux personnes qui auraient pâtir d’une éventuelle erreur.



Retrouvez JAMES SMITH en vidéos sur