“Henrik von Eckermann risque d’être poussé dans ses retranchements”, Olivier Robert
Dès ce soir et jusqu’à samedi, Olivier Robert suivra sur Clipmyhorse.tv la quarante-quatrième finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles. Lui-même finaliste en 2017 à Omaha et en 2019 à Göteborg, le Girondin livrera chaque jour son éclairage sur ce sommet printanier. Il dresse aujourd’hui la liste de ses favoris ou encore les chances françaises.
Les favoris
Je pense que cette finale sera palpitante. L’an dernier, Henrik von Eckermann était indiscutablement mon favori pour le titre. Cette fois, il fait bien sûr encore partie des favoris avec King Edward (né King Edward Reiss, ndlr), même s’il a enchaîné les deuxièmes places (ce qu’il avait évoqué dans un entretien en mars, ndlr), mais il est loin d’être seul. Contrairement à Omaha, où la victoire tendait les bras à Henrik, ils sont cinq ou six à être dans le peloton de tête cette fois-ci. Je crois que pour ce grand champion, le plus dur est à venir et il risque d’être poussé dans ses retranchements cette semaine. Je sais notamment que Ben (Maher, ndlr) est vraiment très au point avec Dallas Vegas Batilly. Je pense aussi bien sûr à Julien Épaillard, qui a survolé la saison indoor, comme l’an passé. Cela laisse présager quelque chose de chouette. Par ailleurs, pour que Kent Farrington engage sa merveilleuse jument Toulayna, c’est qu’il vient avec de grandes ambitions de podium. Je pense aussi à Scott Brash, qui a tout misé sur la saison indoor avec son cheval (Hello Valentino, ndlr). N’oublions pas non plus Steve Guerdat (triple vainqueur de la finale de ce rendez-vous, avec trois chevaux différents, ndlr) avec Is-Minka ! Si Marcus Ehning s’est engagé dans ce championnat (avec Coolio, ndlr), ce n’est pas non plus pour y faire de la figuration, même s’il collectionne moins de victoires ces derniers temps. Je trouve également que Catch Me Not S, le cheval de Peder Fredricson, a sauté de façon remarquable à plusieurs reprises récemment malgré ses dix-huit ans. Bien qu’âgé, je le trouve en pleine forme. Il faut aussi garder un œil sur Hans-Dieter Dreher, qui a donné beaucoup de repos à son cheval Elysium. Pour Martin Fuchs, il y a un point d’interrogation concernant son cheval Commissar Pezi, nous verrons comment il entre dans son championnat. Il en va de même pour Grégory Wathelet avec Ace of Hearts. S’ils connaissent une bonne entame, ces cavaliers pourront bien sûr pallier le manque d’expérience de leurs partenaires. En bref, cette finale de la Coupe du monde est très ouverte et s’annonce extraordinaire !
Une piste inconnue
Les cavaliers avaient bien sûr toutes les informations en amont concernant la taille de la piste (80x40m), qui est je crois plus grande que la majorité de celles proposées lors des étapes du circuit.
Côté tricolore
Je pense que beaucoup de chevaux destinés aux Jeux olympiques sont engagés dans cette finale, comme c’est le cas avec Julien, qui a finalement engagé Dubaï du Cèdre. À mon avis, les chevaux sont totalement capables de prendre part à ce rendez-vous et aux Jeux olympiques de Paris.
Je trouve que Visconti du Telman (partenaire de Kevin Staut, ndlr) a connu une saison hors-normes. Elle a eu la chance d’être soutenue par Beau de Laubry, qui s’est montré en forme et lui a permis de ne pas courir toutes les étapes de la Coupe du monde et d’être déclassée de temps à autres. Cela lui a donné beaucoup d’oxygène, je la vois fraîche et mature. Je suis très optimiste pour ce couple.
En ce qui concerne Jeanne Sadran, elle fait partie des outsiders qui pourraient tirer leur épingle du jeu. Souvent, nous avons vu des couples se révéler lors de grands championnats tels que les Européens ou des finales de Coupe du monde. Tous deux se connaissent depuis que Dexter de Kerglenn a sept ans et que Jeanne est une jeune adulte, les voir briller serait donc formidable. Je pense qu’ils pourraient créer la surprise et ne les imagine pas en dehors du Top 8, tant leur couple a été merveilleux et s’est qualifié facilement en courant pourtant peu d’étapes. Dexter semble dans un état de fraîcheur optimal. S’ils parviennent à figurer dans les dix meilleurs à l’issue de l’acte un, tous les feux seront au vert pour bien figurer ensuite.
À NOS LECTEURS
Ces derniers jours, des médias équestres de référence, tels que nos confrères allemands de St-Georg et nos consœurs scandinaves de WorldOfShowjumping, ont annoncé leur intention de boycotter ou de limiter leur traitement éditorial des finales des Coupes du monde de dressage et/ou de saut d’obstacles, qui se tiennent cette semaine à Riyad. L’attribution de ce sommet de la saison indoor à la capitale du royaume d’Arabie saoudite résulte d’une décision de la Fédération équestre internationale (FEI), annoncée fin 2019. Dans ce pays, un très grand nombre de droits humains sont bafoués, dont ceux des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+. Pour ne citer que quelques exemples, Salma al-Shehab, doctorante à l’université de Leeds, a récemment été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de trente-quatre ans pour ses écrits et son activité pacifique sur le réseau social Twitter; “aucun des conjoints mariés ne peut renoncer à des relations sexuelles ou à la cohabitation avec l’autre conjoint sans le consentement de ce dernier, ce qui implique un droit conjugal aux relations sexuelles”, comme l’écrit l’organisation Human Rights Watch; les opposants au régime risquent des peines de prison ou la flagellation en place publique, parmi d’autres sanctions; et l’homosexualité est pénalisée de mort…
Dans le même temps, la FEI ne cesse de promouvoir l’égalité des genres, l’inclusivité au sens large du terme, et ses actions en la matière… Questionnés à plusieurs reprises au sujet de l’incohérence entre leur parole et leurs actes, les dirigeants de la FEI ont déclaré que cette attribution était en quelque sorte un encouragement envers le royaume du Golfe à poursuivre sa politique d’ouverture et ses réformes ayant trait aux droits humains. Certes, l’Arabie saoudite progresse, mais à tout petits pas. Depuis quelques années, par exemple, les femmes ont le droit d’assister ou de participer aux événements sportifs… sous certaines conditions. Cependant, il ne faut pas s’y tromper: cela ne fait toujours pas de ce pays une terre de libertés – très loin s’en faut – mais simplement un théâtre sportif et/ou culturel un peu plus présentable. Pour le régime autocratique saoudien, par ailleurs régulièrement mis en cause pour son soutien à des groupes terroristes islamistes, il s’agit surtout d’obtenir en termes d’image le retour sur ses investissements colossaux en communication, nourris par la manne pétrolière dont il bénéficie.
Respectant pleinement les choix et la diversité des sensibilités de ses consœurs et confrères, GRANDPRIX a choisi de rendre compte des aspects sportifs de ces finales, comme la rédaction l’a toujours fait, où que se tiennent les épreuves. Il faut rappeler que des concours se déroulent de longue date en Arabie saoudite, mais aussi au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Chine, au Maroc, en Hongrie et en Pologne, parmi bien d’autres pays où les violations des droits humains sont plus ou moins graves et fréquentes. Le choix de GRANDPRIX ne vaut nullement soutien à l’attribution de cet événement à l’Arabie saoudite par la FEI, qui tirera, à n’en pas douter, le bilan de ce choix controversé.