Charlotte Fry s’impose dans le Grand Prix de la finale de la Coupe du monde, Morgan Barbançon termine quatorzième
Arrivée en tant que favorite ou au moins co-favorite au titre à Riyad, Isabell Werth a dû se contenter de la quatrième place dans le Grand Prix d'ouverture de la finale de la Coupe du monde après avoir connu des difficultés dans le travail au galop en compagnie de Quantaz. Charlotte Fry, avec qui on l’imaginait ferrailler pour la victoire, s’est donc logiquement imposée aux rênes d’un Everdale qu’elle a semblé tenter de présenter dans une attitude un peu moins fermée qu’auparavant. Les deux et troisième places sont revenues à Patrik Kittel et Nanna Skodborg Merrald, associés à Touchdown et Blue Hors Don Olymbrio, tandis que Morgan Barbançon Mestre et Sir Donnerhall II se sont classés quatorzièmes. Tout restera cependant à faire vendredi pour les concurrents au départ de ce championnat, puisque ce Grand Prix ne compte pas pour l’attribution du trophée de la finale de la Coupe du monde en tant que telle.
Ce mercredi, ce sont les dresseurs qui ont ouvert les controversées finales des Coupes du monde de Riyad. Dix-sept concurrents, qualifiés grâce à leurs performances dans diverses régions du monde, se sont élancés dans le Grand Prix d’ouverture. Si tous les cavaliers qui se sont exprimés ces derniers jours, à travers les réseaux sociaux notamment, ont salué les excellentes conditions de compétition, les tribunes, elles, sont restées en grande partie vides durant cette première épreuve, qui a vu triompher les cavaliers de la ligue d’Europe occidentale. En effet, comme on pouvait un peu s’y attendre au vu de la faible concurrence américaine, seule à même de détrôner parfois les cavaliers des nations de la partie occidentale du Vieux continent en dressage, les Européens de l’Ouest ont trusté les huit premières places de l’épreuve alors qu’ils étaient neuf au départ!
Pour autant, ce Grand Prix a été marqué par un petit coup de tonnerre: arrivée comme favorite ou, à tout le moins, co-favorite pour cette finale, Isabell Werth n’a pas réussi à intégrer le trio de tête à l’issue de cette première compétition. L’Allemande, qui a obtenu ses meilleures moyennes de l’hiver avec son vétéran Emilio, comptait bien miser sur lui cette semaine. Le fils d’Ehrenpreis étant victime d’une inflammation du périoste, c’est finalement Quantaz qui a fait le déplacement à Riyad à sa place après avoir terminé deuxième de l’étape de la Coupe du monde d’Amsterdam en janvier puis remporté celle de Bois-le-Duc en mars avec des moyennes de 86,455% et 85,250% dans les Grands Prix Libres. Pouvant produire des performances de très haute volée, comme il l’avait fait aux championnats d’Europe de Riesenbeck en septembre dernier, le fils de Quaterback n’est cependant pas le cheval le plus constant du circuit. Ce mercredi, après un travail au trot de bonne facture mais marqué par quelques instabilités de contact et d’attitude, lui et sa cavalière ne se sont pas compris du tout dans les changements de pied aux deux temps. Le hongre de quatorze a ainsi commencé à changer de pied au temps, puis s’est un peu défendu contre les aides d’Isabell Werth lorsque celle-ci a tenté de rétablir la situation. Cette mésentente ainsi que le fait que Quantaz soit repassé au trot après le changement de pied entre les deux pirouettes ont coûté extrêmement cher au couple, puisqu'il a obtenu 1,7 de moyenne pour ses deux temps et 3,6 pour son changement de pied, sans compter une note maximale de 7,5 sur la seconde pirouette pourtant assez réussie. Le duio a, en revanche, obtenu de bonnes notes pour ses airs relevés, toujours présentés dans une très bonne cadence et la plupart du temps empreints d’une belle élasticité. La paire est finalement sortie de piste avec une moyenne de 72,236%, soit la pire qu’elle ait obtenue en CDI depuis plus d’un an et demi, et a dû se contenter du quatrième rang.
Annoncée comme la principale rivale d’Isabell Werth cette semaine, Charlotte Fry a profité de la mésaventure de l’Allemande pour s’imposer assez logiquement avec Everdale. Désormais présenté avec un bonnet, l’étalon noir a livré, comme à son habitude, une reprise très énergique et très active. S’il a encore semblé régulièrement trop fermé dans son attitude, par exemple à certains moments dans les airs relevés ou encore dans certaines parties du travail au galop, sa cavalière a donné l’impression d’essayer d’adopter un contact moins franc sur ses rênes de bride et d’inviter le fils de Lord Leatherdale à ouvrir un peu l’angle entre sa tête et son encolure. Ayant notamment réalisé des lignes de changements de pied très sûres, droites et sautées - les angles choisis par la réalisation durant la majorité de l’épreuve n’ont malheureusement pas permis de bien évaluer l’équilibre des chevaux dans ces exercices - ainsi que deux appuyers au trot empreints d’une belle cadence et de beaucoup d’amplitude latérale, le médaillé de bronze par équipes des Jeux olympiques de Tokyo a été évalué à 75,388%.
Patrik Kittel et Nanna Skodborg Merrald, quant à eux, sont montés sur les deux autres marches du podium de ce Grand Prix. Associé à Touchdown, le premier a présenté une reprise précise et sans faute majeure, marquée notamment par des changements de pied aux deux temps amples et des pirouettes plutôt serrées. En revanche, son bai se balance un peu au passage ainsi qu’au piaffer, où il abaisse certes ses hanches, mais avance son postérieur gauche plus loin sous son centre de gravité que son postérieur droit, ce qui n’a pas semblé être fortement sanctionné par les juges, qui se sont, du reste, montrés tout à fait unis durant cette première épreuve du CDI-WF de Riyad. Le chef de file du dressage suédois est sorti du rectangle saoudien avec une moyenne de 73,292%, contre 72,904% pour Nanna Skodborg Merrald. Première tête de série au départ, la Danoise, à laquelle le tirage au sort avait attribué le dossard trois, a notamment marqué des points grâce aux pirouettes très assises de son Blue Hors Don Olymbrio. Semblant un peu tendu, celui-ci ne s’est pas toujours montré très à l’aise avec le contact pourtant relativement léger de sa cavalière, et a connu un dernier piaffer un peu compliqué après avoir déjà montré quelques instabilités dans les deux premiers.
Morgan Barbançon au quatorzième rang
Derrière Isabell Werth, ce sont ses deux compatriotes au départ, Raphael Netz et Matthias Alexander Rath, qui se sont octroyé les cinq et sixième rangs. Prouvant une fois de plus, s’il le fallait encore, la compétitivité du dressage allemand, ils étaient aux rênes de Great Escape Camelot et Destacado et ont vu des totaux de 72,003% et 71,180% s’afficher à leur sortie de piste. Seule Française engagée, Morgan Barbançon Mestre a, quant à elle, été évaluée à 68,292% avec son fidèle Sir Donnerhall II. La cavalière, qui s’était confiée à GRANDPRIX avant ce grand rendez-vous, a notamment perdu des points dans les deux premiers piaffers, qui n’ont jamais été le point fort de “Gus”, comme elle surnomme son étalon. Celui-ci s'est également parfois montré un peu mal à l'aise avec le contact et a semblé obtenir des notes un peu inférieures à celles qu'il récolte d'habitude dans les changements de pied, par exemple, et a terminé quatorzième. Sa partenaire s'est confiée dans un long message sur les réseaux sociaux à l'issue de cette épreuve. Rien n’est perdu pour le couple, puisque ce Grand Prix ne compte pas pour l’attribution du trophée de la finale de la Coupe du monde en tant que telle. Ainsi, Isabell Werth, que l’on sait capable de se transcender et transcender ses chevaux après un (demi)-échec, n’a sans doute pas dit son dernier mot et essaiera pour sûr de faire résonner l’hymne allemand lors du Grand Prix Libre, à l’issue duquel le couple vainqueur du championnat sera sacré. L’épreuve aura lieu ce vendredi 19 avril et sera commentée en direct par Odile van Doorn sur ClipMyHorse.tv, où le Grand Prix d’aujourd’hui est disponible à la demande et a également été commenté par la Française.
À NOS LECTEURS
Ces derniers jours, des médias équestres de référence, tels que nos confrères allemands de St-Georg et nos consœurs scandinaves de WorldOfShowjumping, ont annoncé leur intention de boycotter ou de limiter leur traitement éditorial des finales des Coupes du monde de dressage et/ou de saut d’obstacles, qui se tiennent cette semaine à Riyad. L’attribution de ce sommet de la saison indoor à la capitale du royaume d’Arabie saoudite résulte d’une décision de la Fédération équestre internationale (FEI), annoncée fin 2019. Dans ce pays, un très grand nombre de droits humains sont bafoués, dont ceux des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+. Pour ne citer que quelques exemples, Salma al-Shehab, doctorante à l’université de Leeds, a récemment été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivis d’une interdiction de voyager de trente-quatre ans pour ses écrits et son activité pacifique sur les réseaux sociaux en faveur des droits des femmes; “aucun des conjoints mariés ne peut renoncer à des relations sexuelles ou à la cohabitation avec l’autre conjoint sans le consentement de ce dernier, ce qui implique un droit conjugal aux relations sexuelles”, comme l’écrit l’organisation Human Rights Watch; l’homosexualité est pénalisée de mort; et les opposants au régime risquent des peines de prison ou la flagellation en place publique, parmi d’autres sanctions…
Dans le même temps, la FEI ne cesse de promouvoir l’égalité des genres, l’inclusivité au sens large du terme, et ses actions en la matière… Questionnés à plusieurs reprises au sujet de l’incohérence entre leur parole et leurs actes, les dirigeants de la FEI ont déclaré que cette attribution était en quelque sorte un encouragement envers le royaume du Golfe à poursuivre sa politique d’ouverture et ses réformes ayant trait aux droits humains. Certes, l’Arabie saoudite progresse, mais à tout petits pas. Depuis quelques années, par exemple, les femmes ont le droit d’assister ou de participer aux événements sportifs… sous certaines conditions. Cependant, il ne faut pas s’y tromper: cela ne fait toujours pas de ce pays une terre de libertés – très loin s’en faut – mais simplement un théâtre sportif et/ou culturel un peu plus présentable. Pour le régime autocratique saoudien, par ailleurs régulièrement mis en cause pour son soutien à des groupes terroristes islamistes, il s’agit surtout d’obtenir en termes d’image le retour sur ses investissements colossaux en communication, nourris par la manne pétrolière dont il bénéficie.
Respectant pleinement les choix et la diversité des sensibilités de ses consœurs et confrères, GRANDPRIX a choisi de rendre compte des aspects sportifs de ces finales, comme la rédaction l’a toujours fait, où que se tiennent les épreuves. Il faut rappeler que des concours se déroulent de longue date en Arabie saoudite, mais aussi au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Chine, au Maroc, en Hongrie et en Pologne, parmi bien d’autres pays où les violations des droits humains sont plus ou moins graves et fréquentes. Le choix de GRANDPRIX ne vaut nullement soutien à l’attribution de cet événement à l’Arabie saoudite par la FEI, qui tirera, à n’en pas douter, le bilan de ce choix controversé.