“Peder Fredricson m’époustoufle avec son crack Catch Me Not S”, Olivier Robert

Depuis mercredi et jusqu’à demain, Olivier Robert suit sur Clipmyhorse.tv la quarante-quatrième finale de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles. Lui-même finaliste en 2017 à Omaha et en 2019 à Göteborg, le Girondin livre chaque jour son éclairage sur ce sommet printanier. Il dresse aujourd’hui le bilan du deuxième acte, avec trois coups de cœur, le choc de la disparition de Chromatic DB, ou encore le classement provisoire idéal de Julien Épaillard.



Coup de cœur pour Peder Fredricson et Catch Me Not S

“J’ai évidemment été sous le charme des prestations suédoises d’Henrik von Eckermann (avec King Edward Ress, ndlr) et Peder Fredricson. Certes, Henrik tient la tête pour le moment, mais il reste les deux manches de la finale demain et il est pris en chasse par son compatriote et Julien Épaillard notamment, ce qui laisse augurer du très beau sport. 

Hier soir, j’ai trouvé le premier parcours assez sélectif mais je n’ai pas vraiment apprécié le visionnage du barrage, lors duquel les chevaux n’ont pas pu réellement s’exprimer, en partie à cause des trois demi-tours. Henrik a d’ailleurs failli commettre une faute sur l’avant-dernier, un oxer étroit, car sa distance n’était pas terrible. Pour moi, celui qui a survolé les deux parcours est Peder Fredricson, qui m’époustoufle avec son crack. Tous deux ont été mon coup de cœur numéro un de la soirée. C’est dingue de voir que, malgré ses dix-huit ans, celui-ci est toujours au rendez-vous, avec des sauts toujours justes, sans démesure. Peder n’a pas traversé une période facile depuis la retraite du génial H&M All In (de Vinck, le double vice-champion olympique, ndlr), ou encore les quelques soucis de santé d’Hansson WL. À Göteborg, j’ai pu assister à sa troisième place dans la Coupe du monde avec Catch Me Not S, qui courait l’un de ses derniers concours avant la finale (le Girondin a d’ailleurs pris la quatrième place de la même épreuve avec Iglesias DV, ndlr). C’était tout simplement somptueux ! Sur la même piste, j’avais d’ailleurs aussi couru la finale de la Coupe du monde en 2018, lors de laquelle ce même couple était déjà aux avant-postes (le Suédois avait terminé troisième avec son gris, comptant simplement sur H&M All In de Vinck dans la Chasse, ndlr). C’est bien simple, Catch Me Not est dans le même état de forme qu’il y a cinq ans. Voir des chevaux vieillir aussi bien que lui ou Rokfeller de Pleville, qui figure en haut des classements de tous les Grands Prix auxquels il a pris part à dix-neuf ans, est très inspirant. Eduardo Álvarez Aznar et Peder ont réussi à les garder beaux, frais et heureux d’être en piste. Pour ça, chapeau bas messieurs !

J’ai tout de même l’impression qu’Henrik a un peu plus émoussé son cheval que Peder ou Julien ne l’ont fait au barrage. Il va donc devoir rester bien concentré, mais compte-tenu de son humilité, il sait qu’il n’a pas encore gagné. La pression est sur ses épaules, contrairement à ses concurrents. Il suffira d’une première manche sélective pour observer des rebondissements.”



Casual DV, le phénomène de Pieter Devos

“J’aimerais aussi lever mon chapeau à Pieter Devos et sa jument de neuf ans, (Casual DV, quatrième de l’épreuve type Grand Prix hier après un double zéro, ndlr). L’histoire est belle car c’est lui qui l’a faite naître. Certains disent que Pieter n’a jamais eu un tel cheval sous sa selle, mais il ne faut pas oublier Claire Z et compagnie. Je pense que si les Jeux olympiques avaient été dans six mois, il aurait certainement choisi d’y emmener cette jument et tous deux auraient représenté une sacrée menace. Casual a un mouvement parfait et s’adapte parfaitement à l’équitation de Pieter, qui place ses chevaux et ne les bouscule pas. J’ai vraiment beaucoup apprécié leurs deux parcours.”



La disparition brutale de Chromatic BF

“Quel malheur… Chromatic et sa cavalière (Jill Humphrey, double zéro et cinquièmes du classement provisoire hier soir, avant que le cheval ne s’écroule brutalement, ndlr) avaient aussi fait partie de mes coups de cœur hier. Je ne connais pas les conditions dans lesquelles ce cheval est mort, tout ce que je peux dire, c’est qu’il s’agit d’une terrible nouvelle. Il avait montré tant de panache et de générosité pendant ses parcours… Leur barrage avait été magnifiquement dessiné, ce qui leur avait permis de coller au peloton de tête (en terminant troisièmes de l’acte deux, ndlr).”



Du côté des Bleus

“Julien Épaillard est dans les starting-blocks. Demain, il sera dans la même faute que Henrik et Peder, ce qui annonce un match somptueux. La moindre faute va coûter très cher. Jusqu’alors, Dubaï a bien répondu présente et Julien ne l’a pas trop ouverte au barrage, ce qui est une bonne chose. Ils n’ont pas encore gagné d’épreuve, mais rien n’est perdu et ils sont à la meilleure place pour prendre en chasse les deux meilleurs. 

En ce qui concerne Jeanne Sadran, elle n’a vraiment pas à rougir, car il n’y a pas grand-chose à faire différemment. La finale peut encore lui permettre d’intégrer le top huit. Le couple est solide, doit encore s’aguerrir sur quelques points, mais répond tout de même présent.”



À NOS LECTEURS

Ces derniers jours, des médias équestres de référence, tels que nos confrères allemands de St-Georg et nos consœurs scandinaves de WorldOfShowjumping, ont annoncé leur intention de boycotter ou de limiter leur traitement éditorial des finales des Coupes du monde de dressage et/ou de saut d’obstacles, qui se tiennent cette semaine à Riyad. L’attribution de ce sommet de la saison indoor à la capitale du royaume d’Arabie saoudite résulte d’une décision de la Fédération équestre internationale (FEI), annoncée fin 2019. Dans ce pays, un très grand nombre de droits humains sont bafoués, dont ceux des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+. Pour ne citer que quelques exemples, Salma al-Shehab, doctorante à l’université de Leeds, a récemment été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de trente-quatre ans pour ses écrits et son activité pacifique sur le réseau social Twitter; “aucun des conjoints mariés ne peut renoncer à des relations sexuelles ou à la cohabitation avec l’autre conjoint sans le consentement de ce dernier, ce qui implique un droit conjugal aux relations sexuelles”, comme l’écrit l’organisation Human Rights Watch; les opposants au régime risquent des peines de prison ou la flagellation en place publique, parmi d’autres sanctions; et l’homosexualité est pénalisée de mort…

Dans le même temps, la FEI ne cesse de promouvoir l’égalité des genres, l’inclusivité au sens large du terme, et ses actions en la matière… Questionnés à plusieurs reprises au sujet de l’incohérence entre leur parole et leurs actes, les dirigeants de la FEI ont déclaré que cette attribution était en quelque sorte un encouragement envers le royaume du Golfe à poursuivre sa politique d’ouverture et ses réformes ayant trait aux droits humains. Certes, l’Arabie saoudite progresse, mais à tout petits pas. Depuis quelques années, par exemple, les femmes ont le droit d’assister ou de participer aux événements sportifs… sous certaines conditions. Cependant, il ne faut pas s’y tromper: cela ne fait toujours pas de ce pays une terre de libertés – très loin s’en faut – mais simplement un théâtre sportif et/ou culturel un peu plus présentable. Pour le régime autocratique saoudien, par ailleurs régulièrement mis en cause pour son soutien à des groupes terroristes islamistes, il s’agit surtout d’obtenir en termes d’image le retour sur ses investissements colossaux en communication, nourris par la manne pétrolière dont il bénéficie.

Respectant pleinement les choix et la diversité des sensibilités de ses consœurs et confrères, GRANDPRIX a choisi de rendre compte des aspects sportifs de ces finales, comme la rédaction l’a toujours fait, où que se tiennent les épreuves. Il faut rappeler que des concours se déroulent de longue date en Arabie saoudite, mais aussi au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Chine, au Maroc, en Hongrie et en Pologne, parmi bien d’autres pays où les violations des droits humains sont plus ou moins graves et fréquentes. Le choix de GRANDPRIX ne vaut nullement soutien à l’attribution de cet événement à l’Arabie saoudite par la FEI, qui tirera, à n’en pas douter, le bilan de ce choix controversé.



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