Henrik von Eckermann et King Edward marquent un peu plus l’histoire, et Julien Épaillard prend date pour les JO
Favoris des parieurs, Henrik von Eckermann et King Edward Ress n’ont pas cédé à la pression – pourtant forte – aujourd’hui à Riyad, remportant leur deuxième finale de la Coupe du monde Longines consécutive. À nouveau impérieux, Julien Épaillard et Dubaï du Cèdre ont profité d’une petite erreur de Peder Fredricson et Catch Me Not S pour leur chiper la deuxième place dans cette finale en deux manches de haut vol.
Henrik von Eckermann, King Edward, et les autres…
Leur régularité est si inqualifiable qu’elle relève de l’insolence. Au terme d’une finale de la Coupe du monde Longines de Riyad, Henrik von Eckermann a pu soulever pour la deuxième fois consécutive le trophée convoité, comptant sur le meilleur cheval du monde, King Edward Ress. En cinq parcours dont un barrage, la paire suédoise n’a tout simplement commis aucune faute, bien que quelques grains de sable auraient pu se mettre en travers de leur route aujourd’hui. En se préparant pour la première manche, le numéro un mondial – un rang qu’il occupe depuis plus de vingt mois – a chuté de son petit alezan de quatorze ans. Une situation qui n’est pas sans rappeler l’étape du circuit de Göteborg, fin février, où le duo avait aussi réussi à se reconcentrer pour décrocher la deuxième place, malgré une cascade au paddock. Cette fois encore, dans le premier acte réservé aux trente meilleurs couples de la finale, tous deux n’ont pas vacillé. La tension a en revanche été plus palpable dans la seconde manche, où les double champions du monde n’avaient pas le droit à la moindre barre à terre. Malgré un bon sursis sur l’oxer polonais placé en numéro deux par Frank Rothenberger et une sérénité moins criante que parfois, les nerfs n’ont pas lâché et Henrik von Eckermann a pu laisser filer ses rênes pour féliciter son génial et bondissant fils d’Edward 28 après la ligne d’arrivée. Archi favoris avant l’échéance car tenants du titre depuis Omaha 2023, ils se sont une nouvelle fois montrés insubmersibles, signant l’exploit de remporter deux finales consécutivement.
En quarante-quatre éditions, seuls cinq couples avaient jusqu’alors réussi à remporter deux fois d’affilée le sommet printanier. La simple évocation de leurs noms suffit à mesurer l’exploit réussi par Henrik von Eckermann et King Edward Ress. Il y eut d’abord le Canadien Ian Millar avec Big Ben en 1988 et 1989, le Britannique John Whitaker avec Milton en 1990 et 1991, l’Autrichien Hugo Simon sur ET en 1996 et 1997, ou encore l’Allemande Meredith Michaels-Beerbaum avec Shutterfly en 2008 et 2009. Encore plus exceptionnel, le Brésilien Rodrigo Pessoa est parvenu à soulever la coupe trois années consécutives grâce à Baloubet du Rouet, de 1998 à 2000. Voilà qui pourrait donner de nouvelles idées à Henrik von Eckermann… Avant de mettre le cap sur la finale 2025, qui se tiendra à Bâle, en Suisse, ce dernier a bien sûr dans un coin de la tête la piste éphémère versaillaise, qui accueillera les Jeux olympiques dans trois mois. Nul doute que le Suédois aura à l’esprit son barrage un brin prudent, qui l’a mené à une frustrante quatrième place individuelle aux JO de Tokyo, en 2021, le premier championnat du petit génie alezan. La voie royale semble en tout cas leur indiquer le sommet d’un nouveau podium. En quatre championnats courus, le Roi Édouard a ravi l’or collectif aux JO, l’or individuel et par équipes aux Mondiaux, ainsi que deux Coupes du monde. Cela relève de l’impossible, et pourtant…
Julien Épaillard et Dubaï du Cèdre conquièrent un nouveau podium
Quatrièmes après la Chasse, troisièmes après l’épreuve type barrage, deuxièmes à l’issue de la première manche aujourd’hui, Julien Épaillard et Dubaï du Cèdre ont sacrément mis la pression aux lauréats, à tel point qu’en cas de faute, ils auraient pu s’affronter au barrage.
En cinq parcours, le Normand et son alezane née chez Sylvain Pitois n’ont mis que deux barres à terre et réaffirmé leur stature de couple taillé pour les grandes échéances. Parés de bronze individuel l’été dernier aux Européens de Milan, ils ont aujourd’hui gravi une marche supplémentaire sur le podium, terminant deuxièmes, un rang plus atteint par la France depuis 2015 et la deuxième place de Pénélope Leprevost et Vagabond de la Pomme, à Las Vegas. S’ils pouvaient grimper sur la dernière marche qui les sépare du sommet à Versailles, cet été, il y a fort à parier que les tribunes gronderaient terriblement. Pour l’heure, la route est encore longue, mais le numéro cinq mondial a eu la confirmation qu’il attendait. “J’avais besoin de courir un autre championnat avant les Jeux olympiques avec Dubaï, qui s’est montrée extraordinaire”, s’est-il réjoui. Ces dernières années, celui qui était connu pour ravir un nombre incalculable d’épreuves de vitesse, a pris une toute autre dimension, pour devenir un pilier de l’équipe de France, dont il a fièrement porté la veste tout au long du championnat. Chapeau !
Compte-tenu de la qualité de leurs parcours tout au long de la semaine, Peder Fredricson et Catch Me Not S ont amplement mérité leur troisième place sur le podium aujourd’hui. Battu sur l’obstacle n°5 du premier parcours de la journée, le Suédois s’en voudra sûrement d’avoir laissé la deuxième place au Français. Il peut toutefois se féliciter d’avoir montré son Catch Me Not, fils de Cardento, dans un état de forme somptueux à dix-huit ans. Doyen de l’épreuve, le gris s’est montré extrêmement à l’écoute des ordres discrets du double vice-champion olympique individuel. Sans faire de zèle, il a été d’une efficacité totale, réitérant sa performance de 2019 à Göteborg, seule autre finale du cavalier d’acier, où il avait été aussi aidé par H&M All In. Malgré tout, une pointe de frustration peut s’inviter lorsque l’on comptabilise tous les podiums individuels gravis par Peder Fredricson, passant à chaque fois si près du plus beau des métaux : deux fois l’argent individuel aux JO, deux troisièmes places en finale de Coupe du monde, une fois le bronze aux Européens… Heureusement, il avait réussi à transformer l’essai au championnat continental de Göteborg, en 2017, grâce au génial All In de Vinck. Notons par ailleurs que les trois chevaux ayant porté leurs cavaliers juqu’au podium cette semaine sont tous déferrés.
Tout un tas de premières encourageantes
Pour son tout premier championnat, Greya s’est montrée complètement à la hauteur, en menant l’Américain Kent Farrington au toutefois frustrant quatrième rang, en partie à cause d’une faute sur le 7B dans l’acte deux du jour. Même sans ses deux fautes aujourd’hui, l’Allemand Hans-Dieter Dreher n’aurait de toute façon pu accéder au podium avec l’excellent Elysium. C’est finalement une cinquième place pour eux, devant les solides représentants britanniques Ben Maher et Dallas Vegas Batilly, valorisée par Nicolas Delmotte. En signant l’un des trois double sans-faute de l’épreuve, Max Kühner a signé une belle remontada grâce à EIC Up Too Jacco Blue, terminant septième. L’Autrichien va certainement regretter d’avoir engagé EIC Julius Caesar dans la deuxième épreuve du championnat, celui-ci ayant enchaîné les fautes jeudi.
Pour leurs tous premiers grands rendez-vous, Casual DV Z, Is-Minka, ou encore Ace of Hearts ont réussi des prestations encourageantes cette semaine, respectivement avec Pieter Devos, Steve Guerdat et Grégory Wathelet.
Quant à Jeanne Sadran, qui courait à vingt-trois ans son tout premier championnat, beaucoup d’enseignements sont à tirer de cette nouvelle incursion parmi l’élite. Avec le génial fils de Mylord Carthago, Dexter de Kerglenn, la Toulousaine a fauté une puis deux fois aujourd’hui, ce qui a fini par la mener au quinzième rang du championnat couru par trente-quatre couples. Le duo a montré une belle harmonie tout au long de la compétition et sera sûrement appelé à renouveler les grands défis, tant il a montré de belles promesses.
Si pour eux les chances de victoires étaient nulles aujourd’hui, les cadors Marcus Ehning et Martin Fuchs ont connu un samedi compliqué. Initiant Coolio aux championnats, le centaure allemand, triple vainqueur de ce rendez-vous, n’a manifestement pas trouvé la formule payante pour avoir un contrôle optimal de l’élégant hongre de onze ans. Avec huit et douze points, les lauréats de l’étape madrilène terminent dix-huitièmes. Quant au Suisse, qui avait soulevé ce trophée en 2022 à Leipzig, la journée a été encore plus rude avec une deuxième manche à vingt-six points sur Commissar Pezi. Face au vertical n°3, le bai brun a en effet refusé de jouer, mais son cavalier a fini par réussir à le convaincre d’aller au bout du parcours.
Que ce soit en saut d’obstacles avec deux représentants sur le podium, comme en dressage avec la victoire de Patrik Kittel sur Touchdown, la Suède a une nouvelle fois réaffirmé son statut de leader. “Gratulationer” !
À NOS LECTEURS
Ces derniers jours, des médias équestres de référence, tels que nos confrères allemands de St-Georg et nos consœurs scandinaves de WorldOfShowjumping, ont annoncé leur intention de boycotter ou de limiter leur traitement éditorial des finales des Coupes du monde de dressage et/ou de saut d’obstacles, qui se tiennent cette semaine à Riyad. L’attribution de ce sommet de la saison indoor à la capitale du royaume d’Arabie saoudite résulte d’une décision de la Fédération équestre internationale (FEI), annoncée fin 2019. Dans ce pays, un très grand nombre de droits humains sont bafoués, dont ceux des femmes et des personnes appartenant à la communauté LGBTQIA+. Pour ne citer que quelques exemples, Salma al-Shehab, doctorante à l’université de Leeds, a récemment été condamnée à trente-quatre ans de prison, suivie d’une interdiction de voyager de trente-quatre ans pour ses écrits et son activité pacifique sur le réseau social Twitter; “aucun des conjoints mariés ne peut renoncer à des relations sexuelles ou à la cohabitation avec l’autre conjoint sans le consentement de ce dernier, ce qui implique un droit conjugal aux relations sexuelles”, comme l’écrit l’organisation Human Rights Watch; les opposants au régime risquent des peines de prison ou la flagellation en place publique, parmi d’autres sanctions; et l’homosexualité est pénalisée de mort…
Dans le même temps, la FEI ne cesse de promouvoir l’égalité des genres, l’inclusivité au sens large du terme, et ses actions en la matière… Questionnés à plusieurs reprises au sujet de l’incohérence entre leur parole et leurs actes, les dirigeants de la FEI ont déclaré que cette attribution était en quelque sorte un encouragement envers le royaume du Golfe à poursuivre sa politique d’ouverture et ses réformes ayant trait aux droits humains. Certes, l’Arabie saoudite progresse, mais à tout petits pas. Depuis quelques années, par exemple, les femmes ont le droit d’assister ou de participer aux événements sportifs… sous certaines conditions. Cependant, il ne faut pas s’y tromper: cela ne fait toujours pas de ce pays une terre de libertés – très loin s’en faut – mais simplement un théâtre sportif et/ou culturel un peu plus présentable. Pour le régime autocratique saoudien, par ailleurs régulièrement mis en cause pour son soutien à des groupes terroristes islamistes, il s’agit surtout d’obtenir en termes d’image le retour sur ses investissements colossaux en communication, nourris par la manne pétrolière dont il bénéficie.
Respectant pleinement les choix et la diversité des sensibilités de ses consœurs et confrères, GRANDPRIX a choisi de rendre compte des aspects sportifs de ces finales, comme la rédaction l’a toujours fait, où que se tiennent les épreuves. Il faut rappeler que des concours se déroulent de longue date en Arabie saoudite, mais aussi au Qatar, aux Émirats arabes unis, en Chine, au Maroc, en Hongrie et en Pologne, parmi bien d’autres pays où les violations des droits humains sont plus ou moins graves et fréquentes. Le choix de GRANDPRIX ne vaut nullement soutien à l’attribution de cet événement à l’Arabie saoudite par la FEI, qui tirera, à n’en pas douter, le bilan de ce choix controversé.