La communication, clé de la réussite d’un chantier ?

“Et toi, comment as-tu fait tes sols ?” Sujet récurrent dans l’univers équestre, la création d’une carrière ou d’un paddock suscite de nombreuses questions : vers quel concepteur se tourner ? Peut-on effectuer une partie du chantier soi-même ? Peut-on espérer des aides financières ? Comment rattraper une erreur de conception ? La réponse sera toujours la même : communiquer directement avec le concepteur choisi ! Plusieurs acteurs du secteur et quelques-uns de leurs clients ont accepté d’évoquer les chantiers passés et à venir, où la communication et l’accompagnement peuvent garantir, en définitive, un sol équestre qui répond à un seul critère : être pratique toute l’année pour les équidés.



“Le marché des sols équestres poursuit sa progression ; nous notons une perpétuelle augmentation de nos chantiers, qui sont désormais à 100 % en subirrigation”, introduit Francis Clément, cofondateur de Toubin & Clément, entreprise pionnière du secteur qui fête cette année son quarante et unième anniversaire. “La France est le pays européen comptant le plus de concepteurs de sols équestres spécialisés. Nous sommes loin d’un effet de mode : avoir une aire équestre utilisable toute l’année est une réponse à un réel besoin.” En dépit de leur grande popularité, les sols équestres ne sont légalement soumis à aucune norme ou cahier des charges de référence, sauf pour les sols de compétitions de niveau CSI 5*, depuis 2022. “La norme a été accompagnée par la mise au point d’un appareil mesurant quatre principales caractéristiques du sol : fermeté, amortissement, réactivité et grip, ou plutôt la glissance, nécessaire pour le bon déroulé du pied. Ces qualités mesurables ont été appliquées par la Fédération équestre interna- tionale (FEI), en 2022, sur le circuit de la Coupe du monde Longines de saut d’obstacles ; elles n’ont néanmoins pas été réadap- tées cette année, ce qui est dommage.”

En l’absence de normes au quotidien, le concepteur et le client se doivent d’avoir un dialogue constant pour gérer les questionnements et les éventuels tracas techniques. “Nous n’avons pas de département service après-vente (SAV). Le produit étant fiable, les questions des clients se règlent à 99 % par téléphone, car elles concernent principalement des conseils d’entretien (chaque chantier de la filière des sols équestres est néanmoins toujours conclu par la remise d’un carnet d’entretien au propriétaire de la carrière, ndlr). S’il s’agit d’un problème technique, le responsable dudit chantier se déplace et contrôle le problème”, poursuit Francis Clément. “Chaque chantier inscrit une progression dans la maîtrise technique. La perfection n’existe pas, mais nous faisons tout pour nous en approcher en réévaluant régulièrement la couche de travail, le système drainant, etc.”

Si la plupart des chantiers de sols équestres sont sous la coupe d’un concepteur spécialisé, qui est présent du début à la fin et qui s’occupe de tout, il est aussi parfois possible de passer par un accompagnement plus léger, pour une question de budget. “Certains de mes clients prennent un “kit de subir- rigation” de sols équestres, à savoir l’achat des plans et le conseil sur le sable à acquérir, et se chargent du reste”, commente Aimery Gregori, gérant de Fibersoil, installée à une trentaine de kilomètres au sud de Paris. “C’est une formule intéressante pour les clients qui veulent maîtriser les coûts, à condition qu’ils soient suffisamment outil- lés pour bien réaliser un chantier de sols équestres.”

Pour beaucoup de clients, la capacité de conseil a été un critère certain pour choisir leur concepteur.

Pour beaucoup de clients, la capacité de conseil a été un critère certain pour choisir leur concepteur.

© André-Marie Dutrieux



UN CHANTIER À LA CARTE EST-IL POSSIBLE ?

Pour Arnaud Malgras, gérant de la société Equiplus Sols Équestres, installée à Noisseville, en Moselle, et parmi les leaders du marché, l’intervention d’un concepteur spécialisé est une obligation si l’on veut s’appuyer sur une garantie et un système d’accompagnement après-vente. “La conception d’une carrière peut se faire de A à Z ou à la carte, correspondant pour cette dernière à environ 12 % de nos chantiers. Il y a deux cas de figure : si la carrière est d’une conception traditionnelle (sans subirrigation, avec un arrosage extérieur par percolation, ndlr), il faut que chaque étape faite par le client ou par un intervenant extérieur soit validée par l’un de nos techniciens – terrassement, création du fond de forme, pose du sable, etc. Dans le cadre d’une carrière en subirrigation (qui représente 99 % de nos chantiers), nous pouvons laisser faire au client le terrassement, les bordures, les lices en bois et les systèmes électriques et d’arrivée / collecte d’eau, selon notre cahier des charges, préalablement fourni. Cependant, il est impératif que nous nous occupions de poser le liner (membrane d’étanchéité, ndlr), de mettre en place le réseau de drains et les différents sables : d’un, ce sont des conceptions techniques et une erreur peut vite arriver, de deux, c’est par ce seul biais que nous pouvons offrir une garantie. Nos chantiers sont assurés par notre propre équipe ou avec le concours d’entreprises conceptrices avec qui notre société, Equiplus Sols Équestres, a noué un solide partenariat.”

“La grande partie de nos demandes de devis se concrétise ensuite en chantiers, car les clients faisant appel à notre société ont généralement effectué en amont un certain nombre de démarches et de recherches”, reprend Arnaud Malgras. “Il arrive que certaines personnes extérieures à notre clientèle nous appellent pour savoir s’il est possible de rectifier tel ou tel problème au sein de leur carrière, fraîchement terminée. Je réponds généralement par la négative et les enjoins à se tourner vers leur concepteur initial qui, comme chaque professionnel sérieux, doit normalement offrir un système de garantie. Si ces personnes ont effectué elles-mêmes leur carrière, nous pouvons éventuellement intervenir, mais cela reste des conditions de chantier compliquées, car il est difficile de passer sur une conception inconnue. Dans le cas de la subirrigation, du “bricolage” n’est pas possible : si le liner d’étanchéité a été percé ou si les drains ont été écrasés, la seule solution sera, hélas, de tout enlever puis de tout refaire.”

Pour beaucoup de clients, la capacité de conseil a été un critère certain pour choisir leur concepteur. “Nous avons commencé les devis de notre projet d’écurie active en 2020. Les tarifs entre les différentes sociétés de sols équestres étant plutôt similaires, c’est la disponibilité et l’accompagnement technique proposés qui ont pesé dans notre choix de sélection”, rapporte Vérane Chastel, cogérante avec Fabien Petrazoller de l’écurie active du Clos de la Motte, à trente kilomètres au nord-est d’Angers, dans le Maine- et-Loire. “La société choisie (ECOECURIE, notamment spécialisée en installation d’écuries actives, ndlr) s’est déplacée sur notre chantier et nous a conseillés sur les emplacements des automates, des zones d’affouragement et, par conséquent, sur le nombre de mètres carrés à stabiliser. Nous nous sommes rendu compte que la fondation que nous avions fait faire par un concepteur non spécialisé était malheureusement une malfaçon… Il a fallu tout recommencer, mais c’est préférable de le voir en amont plutôt qu’après les travaux !” L’écurie peut choisir de ne pas mettre de géotextile, mais elle doit stabiliser le sol sur trente centimètres d’épaisseur avant de poser les dalles stabilisatrices et drainantes, puis ajouter une fine couche de sable d’un centimètre. “Nous avons choisi un sable doux et confortable, qui venait d’une carrière locale. Malheureusement, nous avons eu beaucoup d’eau la première année et le sable filait… ECOECURIE a répondu à notre sollicitation de conseil et a préconisé de remettre une fine couche de sable. Depuis, les sols de l’écurie active sont impeccables et les crottins s’enlèvent facilement manuellement”, achève Vérane Chastel.



LES DALLES DE STABILISATION : OPTIMISÉES POUR UNE POSE PAR LE CLIENT

Révolution technique par leur praticité, les dalles de stabilisation – permettant ou non une subirrigation – fleurissent de plus en plus sur les chantiers de création ou de rénovation de sols équestres. Faciles à mettre en place, drainantes et stabilisantes, elles offrent la possibilité d’avoir un terrain net et porteur, très prisé par les chevaux. Enfouies sous une carrière ou affleurant dans un paddock, les dalles présentent également l’avantage d’être repositionnables au besoin.

“Nous souhaitions garantir un espace extérieur en saison hivernale à nos poulinières. Deux options s’offraient à nous : soit agrandir les bâtiments déjà existants, soit sécuriser le paddock. La seconde solution était la plus pratique et la moins coûteuse”, amorce Manuel Fillatre, gérant du centre équestre de Brécey, dans la Manche. “Lorsque nous avons fait nos recherches, nous avons apprécié les produits recyclés de la marque Valisol et le fait qu’ils soient prompts à bien conseiller. Bonus supplémentaire, ils étaient à 40 km de notre centre équestre ! Un technico-commercial est venu sur place pour nous conseiller les produits à acheter. Il nous a également conseillé d’acheter un géotextile en plus, ce qui est une très bonne chose, car cela permet de renforcer la structure et de passer avec nos engins.” Au final, le centre équestre investit dans 230m2 de dalles. “En faisant les choses dans l’ordre et en suivant les conseils de la marque, la pose s’est faite facilement, en une journée, à trois personnes”, poursuit le gérant du centre équestre de Brécey. “Point positif, les dalles peuvent se réorganiser facilement si besoin, sans casse. Valisol nous avait conseillé une grave de remplissage (mélange de sable et de gravier respectivement de l’ordre de 0 à 10 mm et de 0 à 31,5 mm, ndlr) de l’ordre de 0 / 10, mais nous avons préféré une grave de 0 / 31,5, car nous craignions que les chevaux glissent, nos poulains étant remuants ! Pari gagné, car l’installation a désormais deux ans et correspond tout à fait à nos attentes.”

“La pose de géotextile n’est pas une obligation et s’étudie selon le sol en question et les dalles choisies. En choisissant une grave de 0 / 31,5 en remplissage, le client a pu faire baisser les coûts, mais aura le risque d’être en présence de quelques cailloux plus gros. Nos dalles sont polyvalentes et s’adaptent à différentes formes de remplissage, soit avec du sable, soit avec des graves de diamètres plus ou moins importants”, entreprend en réponse Guillaume Derolez, directeur général de Valinéo, sise à Barenton, entre Avranches et Argentan, dans la Manche. L’entreprise, spécialisée en dalles stabilisatrices (100 % recyclées et recyclables grâce aux déchets plastiques récupérés sur place lors de leur action de recyclage du cuivre des câbles électriques) et en tapis d’écurie, propose deux modèles de dalles : le modèle alvéole, pour les surfaces pouvant accepter le dynamisme (paddock, rond de longe, carrière), et un second préconisé pour les zones de piétinement au paddock, plein, qui ne nécessite donc pas de matière de remplissage. “Dans tous les cas, les dalles sont optimisées afin que le cheval ne glisse pas, y compris sous la pluie. Les crottins, néanmoins, sont glissants ; il est donc préférable de les ramasser. Les dalles acceptent par ailleurs un curage mécanique si besoin.”

En 2021, un pacte de biosécurité et bien-être animal en élevage est développé par l’État français lors d’un plan de relance et régi par les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt (DRAAF). Le but : permettre aux exploitants agricoles et éleveurs d’investir pour renforcer la prévention des maladies animales et améliorer les conditions d’élevage pour davantage de bien-être animal, ce qui inclut également de favoriser le développement d’élevages en plein air. Dans le cadre de cet article, notons que les matériels éligibles à cette aide concernent le sol, la litière et les aires de couchage, ainsi que les parcours extérieurs (clôtures, aménagement pour l’ombrage, etc.), comme l’indique l’annexe 1A du pacte de biosécurité et bien-être animal : “Terrassement et grillages de soutien des structures de sol (dalles stabilisantes) notamment sur le pourtour des bâtiments, des points d’eau et des points d’abreuvement extérieurs ; […] aménagement pour l’accès à l’extérieur et au pâturage : aménagement d’aire d’exercice couverte ou découverte, aménagement des chemins de pâturage […] ; terrassement / bétonnage des sols et accès des abris artificiels et des pourtours des abris artificiels et accès aux parcs.”

La filière équestre représente environ quatre millions de tonnes de sable, dont une grande partie est fibrée.

La filière équestre représente environ quatre millions de tonnes de sable, dont une grande partie est fibrée.

© ToubinClément



QUAND LE CHANTIER… EST À VENIR

“Il y a un intéressant panel de subventions pour la filière équine. Il y a le pacte de biosécurité et bien-être animal, en effet, mais également les aides départementales et régionales, les chambres d’agriculture, le Plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAEA), etc. Grâce à notre expérience dans la filière, nous avons compilé une liste d’organismes pouvant accompagner les exploitants équins dans leur développement sur le bien-être animal”, souligne Charlotte Dumas Pivoteau, responsable communication d’ECOECURIE, marque du groupe ECOVEGETAL, proposant depuis plusieurs années des solutions pour la stabilisation des sols équestres intérieurs (boxes, manèges, etc.) ou extérieurs (carrières, paddocks, chemins, etc.) pour le bien-être des chevaux. “Le taux de subventions est très variable d’une région à l’autre. Si c’est à l’éleveur de faire les démarches pour souscrire à ces subventions, nous pouvons néanmoins l’accompagner en chiffrant le devis total des travaux et aménagements, nécessaire pour le dossier de candidature. Les délais pour obtenir des subventions étant assez longs, mieux vaut prévoir son projet en amont.”

Création durable par essence, un sol équestre a une durée de vie estimée à une vingtaine d’années si l’on prend en compte son usage et son entretien. En effet, généralement composé de 95 % à 98 % de dioxyde de silicium, dit silice, le sable équestre est résistant à l’abrasion. Un sable de carrière se dégrade en grande majorité à cause de la pollution des matières organiques : crottins mal ramassés, feuilles mortes, eau polluée ou croupie. “Un sable altéré s’assombrit et perd ses qualités sportives : il devient poussiéreux et très dur en été, glissant et plastique en hiver. Son entretien n’est plus efficace, car il répond en outre moins bien au hersage et à l’arrosage”, analyse Aimery Gregori, gérant de Fibersoil. Seule solution jusqu’ici : enlever tout le sable usagé, l’utiliser ailleurs en remblai, ou le déposer en déchetterie sous la catégorie déchets industriels banals, dits DIB, puis remettre un sable neuf. Comme beaucoup de matériaux, les sables équestres ont connu une forte augmentation du prix ces trois dernières années. En outre, il est à rappeler que le sable est une ressource naturelle finie qui, extrait à l’échelle de la planète, est menacée de pénurie. “Cela fait deux ans que nous travaillons sur une machine mobile de régénération et de dépollution du sable usagé, qui évacue les fibres usagées et les fines du sable par un procédé industriel de cyclonage. La filière équestre représente environ quatre millions de tonnes de sable, dont une grande partie est fibrée. Il est intéressant économiquement et écologiquement de pouvoir facilement récupérer un sable dépollué des fibres géotextiles et des matières organiques qu’il a récoltées au fil des ans.” Subventionnée en partie par la région Île-de-France, la centrale de dépollution du sable de Fibersoil débute son activité en avril prochain. “Notre objectif est d’orienter davantage la filière équestre vers une économie circulaire et un développement durable afin de permettre à des installations équestres de régénérer leur sable usagé avec des coûts inférieurs à un sable neuf”, achève Aimery Gregori.

“Dans les années 1990, le secteur des sols équestres a testé plusieurs matériaux pour contrer en partie ou en totalité l’usage du sable. Je pense notamment aux broyats de pneus et aux résidus de câbles électriques”, se remémore Alexia Seynhaeve, cogérante d’Environnement Équestre, établie à Fontenay-en-Parisis, dans le Val-d’Oise. “L’usage a rapidement démontré les limites de ces matériaux ainsi que leur contamination des sols. Depuis, la plupart des acteurs du secteur se sont tournés vers la fibre – soit en brins, soit en copeaux –, qui est un géotextile. Si la fibre ne pose pas de problème de contamina- tion des sols, l’accroissement des carrières en subirrigation peut néanmoins poser problème à l’avenir.” En effet, la loi dite “climat et résilience”, votée le 22 août 2021, inscrit dans ses textes l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) à l’horizon de 2050, avec un objectif intermédiaire de réduction de moitié de la consommation d’espaces naturels, agricoles et forestiers (ENAF) pour la création ou l’extension d’espaces artificialisés dans les dix prochaines années (2021-2031). “Pour rappel, une carrière subirriguée représente une surface imperméabilisée, accompagnée d’une retenue d’eau. Si les textes de la loi épargnent les sols équestres pour le moment, nous devons néanmoins rester vigilants pour la suite et être prêts à compenser cette nécessaire imperméabilisation de surface de carrières par la création d’une surface riche pour la biodiversité en équivalence, par exemple”, conclut la cogérante d’Environnement Équestre.