“Si tout est au point, nous pouvons rivaliser avec les équipes favorites”, Henk Nooren

À moins de deux mois du coup d’envoi des Jeux olympiques de Paris, Henk Nooren, sélectionneur de l’équipe de France de saut d’obstacles, a répondu aux questions de Kamel Boudra samedi, à l’occasion du Jumping international de La Baule. Il fait le point sur l’évolution des couples présélectionnés et évoque les étapes clés précédant son choix final.



Cet été à Paris, vous vivrez vos treizième ou quatorzième Jeux olympiques, un événement dont vous terminiez treizième à Montréal en 1976, puis lors duquel vous avez mené les Pays-Bas au sacre collectif en 1992 à Barcelone, comme co-entraîneur. Avec cette expérience, vous pouvez confirmer que les JO sont un rendez-vous à part, n’est-ce pas ?

Oui, les Jeux olympiques sont un événement vraiment spécial. Il existe plusieurs grands rendez-vous, qu’il s’agisse des championnats d’Europe ou encore des championnats du monde, mais les JO appartiennent à une autre dimension. L’atmosphère y est différente, de même que les sensations que nous y vivons. On le ressent particulièrement quand on marche dans le village olympique avec tous les autres meilleurs sportifs au monde le premier jour.

Justement, les cavaliers français n’y logeront pas, car la compétition se déroule à Versailles, tandis que le village olympique est à Saint-Denis, de l’autre côté de l’Île-de-France… 

Oui, c’est dommage, mais d’un autre côté, c’est un besoin essentiel à cause du temps de trajet et des embouteillages. Même en partant à quatre ou cinq heures du matin, on pourrait arriver trop tard pour le début de la compétition. Ce choix s’est donc imposé



“Ce n’est pas uniquement une organisation avec les cavaliers mais également avec les équipes.”

Vous avez connu plusieurs réussites aux Jeux olympiques, mais pas avec l’équipe de France. À Londres, les Bleus ont terminé douzièmes sur quinze équipes. Avez-vous modifié quelque chose après cet échec londonien ?

Je crois oui, et on en parle encore maintenant pour continuer à nous améliorer. L’organisation avec les cavaliers a notamment commencé beaucoup plus tôt pour préparer ces Jeux dans les meilleures conditions, depuis déjà trois ou quatre ans. L’année dernière, nous avions déjà dressé le programme de préparation de quasiment chaque couple présent sur la liste olympique. La préparation a été vraiment individualisée, et ce, jusqu’aux Jeux. De plus, ce n’est pas uniquement une organisation avec les cavaliers mais également avec les équipes, pour travailler à la cohésion de tout ce groupe. En somme, nous avons ajouté beaucoup d’éléments qui nous ont manqué à Londres.

Réussissez-vous à imposer vos choix de calendrier aux cavaliers ou font-ils les choses à leur façon ?

Je n’impose rien du tout car nous travaillons avec des athlètes figurant parmi les meilleurs mondiaux. Ils en sont arrivés là car ils sont vraiment bons. Normalement, ils choisissent toujours individuellement leur propre calendrier en fonction de leurs différents chevaux. Par la suite, nous échangeons sur le sujet et nous réussissons à convenir quelque chose d’optimal, aussi bien pour eux que pour moi.



“Nous avons pu récolter des informations afin de préciser la sélection.”

Lors de la Coupe des nations de La Baule, François-Xavier Boudant et Olivier Robert, tous deux présents sur la liste “À cheval pour Paris”, ont singé deux prestations impeccables. 

À ce jour, ces deux cavaliers font-ils partie du Top 6 de votre liste en vue de Paris 2024 ?

Quand on parle de Top 6, je pense que tout le monde est au courant qu’il y’a forcément certains cavaliers comme Julien Épaillard, Simon Delestre, Kevin Staut ou encore François-Xavier Boudant. Dernièrement, Olivier Robert ou encore Roger-Yves Bost se démarquent de plus en plus. Les autres, notamment comme Grégory Cottard avec Bibici (SF, Norman Pre Noir x Nelfo du Mesnil), vont peut-être arriver un peu trop tard sur la liste compte-tenu de la santé de la jument, qui s’est blessée à Fontainebleau (le Francilien a officialisé son retrait de la course olympique hier, ndlr). Il reste également Arioto du Gèvres (SF, Diamant de Semilly x Qualisco III) avec Marc Dilasser, qu’on a vu évoluer ces dernières semaines, et qui, je l’espère, ont retrouvé un bon niveau. Quand on observe leurs résultats de l’année précédente, on s’aperçoit qu’ils sont vraiment fluctuants. Sans oublier Olivier Perreau et Dorai d’Ailguilly*GL Events (SF, Kannan x Toulon). Ce sont donc les sept qui sont encore présent. 

Justement, pourquoi Olivier Perreau n’a-t-il pas pris part à la Coupe des nations de la Baule ?

Je voulais voir évoluer Iglesias D.V encore une fois. C’était absolument nécessaire et nous avons par ailleurs dû changer nos plans car il était prévu que FX et Brazil prennent part à la Ligue des nations de Saint-Gall la semaine dernière, qui n’a finalement pas eu lieu (l’étape a dû être annulée en raison de fortes intempéries, ndlr). J’avais demandé à Kevin s’il était prêt à laisser sa place et il a immédiatement été d’accord. Il fallait également que je vois concourir I Amelusina R (partenaire de Simon Delestre, ndlr), afin de savoir s’il restait aux côtés de Cayman Jolly Jumper sur la liste. Il était aussi absolument essentiel d’observer Delph, car il n’avait couru que l’étape de la Ligue des nations d’Abou Dabi, où ça n’avait pas été super (l’étalon noir avait écopé de huit points en première manche et la France n’avait pas été qualifiée pour la seconde, ndlr). Ainsi, nous avons pu récolter des informations afin de préciser la sélection.

Les cavaliers n’ont pas encore les idées claires quant à la sélection ? 

Non, hormis pour certains comme Julien Épaillard, qui a obtenu d’excellents résultats avec ses deux chevaux à haut niveau. Pour lui, il n’y a pas de débat.

Et pour François-Xavier Boudant par exemple ?

Nous devons encore observer quelques petites choses en ce qui le concerne. À force d’étudier les listes des résultats, je les connais presque par cœur ! (Rires) Malheureusement, son cheval n’a couru qu’un petit CSI 3* en Espagne et a connu une petite blessure (en février, ndlr). Il a également pris part à un 3* à Eindhoven […]. Ce week-end, il s’agit de la première fois qu’il revient à un tel niveau, et nous avons peut-être encore besoin de voir ce type de résultats pour prendre une décision. 

En ce qui concerne Cayman Jolly Jumper et Simon Delestre, où en sont-ils ? 

Aller à Doha pendant six semaines en début d’année a été la décision de Simon. Peut-être était-ce trop long d’une ou deux semaines. Il a bien concouru, sauf lors du dernier Grand Prix, où sa performance était moyenne (l’étape du Longines Globlal Champions Tour, bouclée avec seize points). À la suite de cela, nous avons changé pas mal de détails, et tout d’un coup à Windsor, nous avons trouvé un nouveau cheval.

Quels détails par exemple avez-vous modifié ? 

Des détails d’embouchure, dans le travail, que nous avons abordé de manière différente. Il s’agissait certes de légers ajustements, mais qui se sont révélés très importants. La semaine dernière à Saint-Tropez, il a sauté aussi bien que possible, avec encore un peu plus de contrôle. Nous avons été vraiment satisfaits de cette performance (le bai brun par Hickstead s’est placé deuxième de l’étape du Longines Global Champions Tour, ndlr).

Qui va partir à Rotterdam ? S’agira-t-il de l’équipe des Jeux olympiques ?

Pas forcément. Nous devons faire un choix parce qu’il y a deux concours au même moment. Quatre couples iront à Rotterdam et tous les autres iront au Longines Paris Eiffel Jumping. La décision va être faite dans un ou deux jours au plus tard (la sélection a été révélée aujourd’hui, ndlr).



“Il est important que les cavaliers et les grooms se sentent presque à la maison en arrivant à Versailles.”

Il a parfois semblé qu’il manquait un peu d’ambiance, d’humanité, de chaleur dans cette équipe. Est-ce le cas ? 

Non, c’est peut-être ce que l’on peut penser de l’extérieur, mais je crois que c’est le contraire. Nous avons déjà organisé quelques réunions pour réellement travailler cette cohésion. Nous allons d’ailleurs réitérer dans dix jours avec les grooms pendant toute une après-midi. Bien sûr, une certaine forme de tension est présente, mais elle l’est désormais dans chaque équipe, la nôtre ne fait pas exception. Je crois que les trois ou quatre dernières semaines de préparation qu’il reste serviront beaucoup à renforcer cette cohésion. 

Avez-vous hâte que le match commence ?

Non, car nous sommes toujours en phase de préparation, qui fait partie intégrante de chaque évènement. Je prends beaucoup de plaisir à mettre chaque détail en ordre. Cela fait partie des Jeux.