“Je sais que les Jeux peuvent être une très grande fête”, Pascal Boutreau

Ancienne tête d’affiche d’Equidia Life, Pascal Boutreau, qui est également un fidèle collaborateur de GRANDPRIX, commentera les épreuves de complet et de saut d’obstacles des Jeux olympiques de Paris 2024 sur Eurosport, seul média à diffuser l’intégralité des compétitions. Le journaliste explique quel dispositif a été pensé pour l’événement, et donc comment les aficionados des sports équestres pourront le suivre. Conscient des enjeux que présentent ces JO pour l’image de l’équitation, il revient également sur les moments olympiques qui ont été les plus marquants pour lui.



Le groupe Discovery, dont fait notamment partie Eurosport, où vous commenterez toutes les épreuves olympiques de saut d’obstacles et de complet, est détenteur de l’ensemble des droits de diffusion pour ces Jeux. Quel va être le dispositif mis en place?

Le groupe est effectivement détenteur des droits de toutes les éditions des Jeux olympiques jusqu’en 2032. Discovery a vendu des droits à France Télévisions, qui pourra diffuser les compétitions sur deux canaux de télévision et un canal digital, les flux des deux chaînes télé étant aussi disponibles sur le digital. Eurosport, de son côté, diffusera en France l’intégralité des épreuves des Jeux, ce qui représentera en tout trois mille huit cents heures de direct, dont 95% seront commentées. Il y aura dix chaînes de télévision, à savoir Eurosport 1 qui sera plutôt généraliste, Eurosport 2 qui se concentrera sur les Français, et ensuite, des chaînes thématiques. En parallèle, il pourra y avoir jusqu’à soixante-deux canaux digitaux disponibles via la plateforme Max, accessible avec un abonnement mensuel à dix euros. Concrètement, ce sera via ces canaux digitaux que les téléspectateurs pourront le plus suivre les sports équestres, même si j’espère voir les Français performer, ce qui pourrait permettre d’avoir une ouverture sur Eurosport 2.

Toutes les épreuves équestres olympiques seront-elles commentées?

Oui! Je commenterai les compétitions de complet et de saut d’obstacles, tandis que Stella Bandinu, qui est, comme moi, passée par Equidia Life il y a quelques années, officiera pour le dressage. Pour ma part, je serai accompagné par Jean-Marc Nicolas, et Alain Francqueville devrait être le consultant pour le dressage. Je proposerai, pendant ces Jeux, des commentaires similaires à ceux que je fais le reste de l’année lorsque je commente la Coupe du monde de saut d’obstacles, par exemple. En effet, nous savons que nous nous adresserons à des gens qui ont envie de voir de l’équitation et connaissent ce sport, voire en sont spécialistes, donc nous aurons cela en tête.



“J’ai désormais le réflexe de penser aux conséquences que peuvent avoir mes propos sur l’image de l’équitation”

À Tokyo, certaines mauvaises images d’épreuves équestres, qu’elles proviennent du pentathlon moderne, non régi par la Fédération équestre internationale (FEI), ou de disciplines comme le jumping et le complet, ont terni l’image des sports équestres….

Bien sûr, et ces images ont été vraiment marquantes! Il faut savoir que de toutes les vidéos Eurosport de Tokyo, celle d’Annika Schleu, l’athlète allemande de pentathlon qui a perdu les pédales en n’arrivant pas à obtenir la coopération du cheval qui lui avait été attribué ce jour-là, est la plus vue! C’était d’ailleurs moi qui étais aux commentaires lorsque cela s’est produit, et je dois dire que c’était une situation très délicate. Au-delà de la manière dont Annika Schleu a agi, tout était amplifié par le fait qu’elle soit en train de perdre la tête sportivement, et surtout par le fait qu’elle soit en pleurs. Ce qui est certain, c’est que j’ai désormais le réflexe de penser aux conséquences que peuvent avoir mes propos sur l’image de l’équitation. Même si je revendique mon étiquette multisports et que je m’intéresse à bien d’autres choses que les sports équestres, je gravite dans ce milieu en tant que journaliste depuis dix-sept ans maintenant, et j’ai appris à l’apprécier. J’ai conscience de toutes les menaces qui peuvent peser sur le futur olympique des sports équestres, et je tiens donc à faire passer le message, lorsque je commente, que l’immense majorité des chevaux de haut niveau sont plutôt plus que bien traités.

Le public des sports équestres vous connaît comme ancien journaliste et commentateur sur Equidia Life, mission que vous assurez désormais sur Eurosport, tout en étant un fidèle collaborateur de GRANDPRIX. Pour autant, il ne s’agit pas là de vos seules casquettes. Au total, combien d’éditions des Jeux olympiques avez-vous couvertes?

Les JO de Paris sont les sixièmes lors desquels je travaille. J’étais grand reporter pour le journal L’Équipe à Athènes, en 2004, et Pékin, en 2008. C’est d’ailleurs à cette occasion que j’ai fait mes premiers pas dans le monde de l’équitation! Ensuite, j’ai coordonné la couverture des Jeux de Londres et Rio, en 2012 et 2016, pour Equidia Life. Lors de ces deux éditions, j’ai également animé des émissions de plateau. Enfin, à Tokyo, j’étais aux commentaires chez Eurosport, mais pour le triathlon, le pentathlon moderne et le hockey sur gazon. Désormais, je commente l’équitation pour le groupe depuis trois ans.

Quel moment olympique vous a le plus marqué?

Pour sûr, une finale du 100 mètres! Sans doute celle d’Athènes (remportée par l’Américain Justin Gatlin, ndlr), d’ailleurs. L’ambiance qui règne au sein d’un stade d’athlétisme durant les dix minutes précédant une telle finale est tout bonnement incroyable. Côté équestre, je pense que le plus beau moment que j’aie vécu était la victoire des Français en concours complet à Rio.



“J’espère que la magie olympique permettra de dépasser les tensions”

Pour vous, qui avez l’habitude de travailler lors de nombreux grands événements, qu’est-ce qui différencie les Jeux olympiques des autres compétitions de grande envergure?

Tant que l’on ne les a pas vécus, on ne peut pas imaginer la dimension qu’ont les Jeux olympiques et à quel point ils sont incomparables avec tout autre événement. Évidemment, on y vient pour voir les athlètes de son pays, de son sport, mais avant tout, on est heureux d’être aux Jeux olympiques. Pour les sportifs, cela dépend des disciplines, mais l’équitation fait partie des sports où les JO restent le Graal pour beaucoup de concurrents. Charlotte McAuley, qui était réserviste pour l’équipe de Suède à Rio, me disait il y a peu qu’elle avait senti, quelques jours avant le début de la compétition, que l’ambiance était différente de celle que l’on peut ressentir lors de toutes les autres manifestations. Aux Jeux, tous les meilleurs cavaliers du monde sont présents avec leur meilleur cheval, ce qui n’arrive que très, très rarement, et cela crée une atmosphère d’excellence où chacun sait que s’il n’est pas au mieux de sa forme, il ne pourra pas décrocher un très bon résultat.



Le fait que cette édition des Jeux se déroule en France, et même à Paris, représente-t-il pour vous une pression ou une joie supplémentaire?

À ce sujet, le fait que je commente en cabine, et non pas sur le site des épreuves, change beaucoup de choses. En effet, lorsque j’officie depuis les locaux d’Eurosport, que la compétition que nous diffusons se déroule aux États-Unis, en Autriche ou à Paris, mon travail est pratiquement le même. Ce qui est un peu bizarre pour moi, cette fois-ci, est que j’habite à Saint-Germain-en-Laye, à dix kilomètres à vol d’oiseau de la piste de Versailles. Par ailleurs, comme ils se déroulent en France, j’ai vraiment envie que ces JO soient réussis. Je sais que les Jeux peuvent être une très grande fête, et j’en garde des souvenirs incroyables, mais ma crainte est que l’actualité difficile du moment vienne gâcher celle-ci. Je serais déçu que Paris et la France ne soient pas à la hauteur de mes souvenirs, et j’espère que la magie olympique permettra de dépasser les tensions qui animent notre pays et le monde entier pendant quelques semaines.