“Commenter l’équitation aux JO de Paris est un grand privilège, mais aussi une grande pression”, Jean-Baptiste Marteau

Ayant débuté sa carrière de journaliste spécialisé dans les sports équestres sur la chaîne Equidia dès 2004, Jean-Baptiste Marteau reprendra la casquette de commentateur de son sport de cœur à l’occasion des épreuves équestres olympiques de Paris 2024, qui se dérouleront dans le parc du château de Versailles. Mais ce que beaucoup ignorent, c’est que celui qui présente désormais la matinale de France info a également été cavalier émérite. Ayant débuté dans l’Oise, il a porté les couleurs de l’équipe de France aux championnats d’Europe Juniors. Celui qui commentera les performances des plus grands cavaliers mondiaux aux côtés de Virgine Coupérie-Eiffel se confie sur l’aventure qui l’attend. 



Les épreuves équestres des Jeux olympiques de Paris 2024, que vous commenterez sur France Télévisions, approchent à grands pas. Comment abordez-vous cette échéance?

C’est une fantastique parenthèse enchantée à tout point de vue et quelque chose dont je rêvais depuis très longtemps. Commenter des Jeux olympiques, à Paris, dans un site comme le château de Versailles est exceptionnel. Je pense qu’il s’agit de l’une des images les plus attendues dans le monde entier. Cela représente un grand privilège mais aussi une grande pression!

De plus, contrairement aux Jeux olympiques de Tokyo en 2021, où le décalage horaire était important, les épreuves pourront cette fois être diffusées à des heures où les pics d’audience sont les plus élevés...

Tout à fait. J’avais en effet déjà testé l’expérience pour la première fois à Tokyo, mais dans un contexte très différent, car nous étions en pleine période de Covid-19, dans un stade vide avec uniquement les journalistes et les cavaliers, et à des horaires plus compliqués. D’un côté, cela nous avait permis de couvrir le cross dans son intégralité pendant quatre heures et demie, mais c’était entre minuit et quatre heures du matin heure française, donc vraiment différent. Cette année, cela va être incomparable!

Face à une actualité très agitée, comment préparez-vous les Jeux en ce moment?

Je reste passionné, donc je continue de suivre toutes les compétitions et d’aller voir le plus d’épreuves possible tout au long de la saison. Toutefois, je n’ai pas encore entamé ma phase de préparation qui débutera dès la fin de la semaine. Bien connaître le milieu et tout ce qui s’y passe est une chose, mais commenter les Jeux en est une autre, car on ne s’adresse pas du tout au même public. J’essaye souvent de le faire comprendre aux passionnés du monde équestre: certains d’entre eux risquent d’être un peu frustrés, car effectivement, nous ne parlerons pas que de technique, des origines des chevaux ou des petites anecdotes, qui, bien que très croustillantes, semblent anecdotiques pour le grand public. Tous les quatre ans, les Jeux représentent une occasion unique pour faire voir l’équitation à cinq ou six millions de personnes. Mon souhait est de montrer à quel point ce sport est beau, technique, impressionnant, que nous avons affaire à de grands athlètes équins et humains, et partager cette passion. Je veux que nous vivions des émotions de dingue, que les gens se lèvent dans les tribunes, et partager nos espoirs, nos joies, nos déceptions ou notre admiration devant les athlètes, quelles que soient leurs nationalités.



“Les gens ne prennent pas conscience de l’importance de l’équitation en France”

La référence va-t-elle rester celle des Jeux olympiques d’Athènes, en 2004?

Jean Rochefort reste inimitable! J’en ai un souvenir ému car j’ai eu la chance de le côtoyer pendant des années sur le terrain et de commenter quelques fois avec lui sur Equidia. Cela restera unique et il ne faut pas essayer de faire la même chose. Il avait compris que nous nous adressions à un public large et que nous avions une passion à partager au plus grand nombre. Au service des sports de France Télévisions, je suis toujours surpris de constater que les gens ne prennent pas conscience de l’importance de l’équitation en France. Quand je répète à mes collègues qu’il s’agit de la troisième fédération en termes de licenciés et la deuxième chez les femmes, ils me regardent avec des yeux ébahis. De plus, l’équitation est un sport pourvoyeur de médailles et d’émotions avec de belles histoires et des athlètes de très haut niveau. Beaucoup ont encore une image élitiste, vieillotte et ringarde de ce sport, mais je pense que c’est tout l’inverse. Il n’y a qu’à voir ceux qui montent à cheval aujourd’hui: ce sont des passionnés qui évoluent dans les clubs et ont envie d’assister à une belle compétition. Mon objectif est donc de partager tout cela, ne serait-ce que pour le dressage, que nous allons également commenter et qui n’est pas une discipline évidente à aborder. Je vais essayer de transmettre que c’est comparable au patinage artistique, avec certaines choses ou difficultés imperceptibles à l’œil nu, mais je vais justement les aider à comprendre et mieux appréhender tous ces exploits.  

Avez-vous des contacts avec la Fédération équestre internationale (FEI) pour qu’elle vous conseille sur la manière d’enrichir votre commentaire? 

Pour l’instant, j’ai lancé des pistes à droite et à gauche, mais je n’ai pas eu beaucoup de retours, à part du côté de la Fédération française d’équitation (FFE) bien sûr. Je trouve qu’au niveau de la FEI, et même sur les événements précédents, nous sommes un peu livrés à nous-mêmes. J’espère qu’il va il y avoir un réel effort de pédagogie et de communication pour aider tous les journalistes et relais de ces événements à partager cette passion et ces histoires. Cela est surtout important pour certains collègues de chaînes concurrentes qui vont enchaîner trois, quatre ou cinq sports pendant les Jeux, et qui n’auront pas le temps de s’intéresser aux spécifités de chaque cavalier comme nous allons pouvoir le faire. Je trouve qu’il y aurait un vrai travail à faire pour aider à promouvoir l’équitation au très grand public. Ce sera peut-être le cas, nous pouvons encore avoir de belles surprises.

Vous commenterez donc les épreuves avec Virginie Coupérie-Eiffel, arrière-arrière-petite-fille de Gustave Eiffel, ancienne cavalière professionnelle et éleveuse de chevaux à Château-Bacon, n’est-ce pas?

Oui, j’avais déjà commenté à ses côtés quand j’avais vingt ans, lors des championnats du monde en Allemagne. En ce qui la concerne, il s’agira déjà de sa cinquième olympiade en tant que commentatrice. France Télévisions m’avait demandé avec qui je souhaitais commenter et j’ai tout de suite pensé à elle car je voulais continuer (le duo avait déjà commenté les JO de Tokyo en 2021, ndlr), nous nous entendons très bien et je trouve qu’elle apporte également cette passion et cette joie de vivre au commentaire. De plus, elle a bien compris à qui nous nous adressons sur cette chaîne pendant les Jeux olympiques, donc c’est un duo qui fonctionne. J’ai hâte!

C’est donc Discovery, notamment à travers Eurosport et son application Max, qui aura le droit de tout diffuser, tandis que France Télévisions ne diffusera qu’une partie des épreuves équestres, n’est-ce pas?

Sur le numérique, Discovery a en effet souhaité garder l’intégralité de la diffusion mondiale des épreuves. Avant cela, nous pouvions voir toutes les épreuves, mêmes non commentées, sur Internet. En revanche, ces Jeux olympiques vont avoir la plus large diffusion en France: nous n’avons encore jamais vu autant d’équitation à la télévision que pendant les JO de Paris. Nous allons nous appuyer sur trois chaînes en permanence, avec deux hertzienne, France 2 et France 3, ainsi qu’une chaîne spécialement dédiée au numérique: France.tv Paris 2024. De plus, pendant les journaux télévisés de 13h et de 20h, ainsi que pour le cross, nous allons basculer sur France 5. Nous serons donc en direct en permanence sur trois antennes, ce qui va nous permettre de diffuser beaucoup plus de sports que pendant les précédents Jeux olympiques, et donc beaucoup plus d’équitation évidemment.



“Je pense que l’agenda a été plutôt bien travaillé pour optimiser la diffusion”

C’est donc une bonne nouvelle que le dressage du complet ne soit que sur une journée, et non pas deux?

Je pense que l’agenda a été plutôt bien travaillé pour optimiser la diffusion. Le jumping étant divisé en deux avec d’abord les épreuves collectives puis individuelles, entrecoupées par le dressage, est une bonne organisation, qui permettra la diffusion la plus large possible. Effectivement, en ayant fait rentrer le dressage du complet sur une journée et comptant sur des horaires plutôt bien choisis, avec notamment le cross dans le parc du château le dimanche 28 juillet de 10h30 à 15h30, il devrait il y avoir une belle fenêtre de tir pour la diffusion. Certes, il y aura de la concurrence, mais pas tant que ça, donc c’est plutôt bien pensé. 

En équitation, nous savons tout de même quand nous aurons des chances de médailles... 

Évidemment! C’est justement un lobbying de tout instant. La veille de chaque épreuve, lorsque nous réalisons le pré-conducteur avec la direction des sports, nous essayons de voir quels seront les grands moments de la journée du lendemain, même si nous avons déjà une idée assez précise de ce qu’il va se produire. En fonction du niveau et des performances de chaque athlète, notamment des Français, nous affinons le conducteur la veille. C’est vrai que c’est un moment de négociation, lors duquel je plaide pour que notre temps d’antenne soit le plus important possible, et il est certain que si des Français ont des chances de monter sur le podium, nous en aurons encore plus! En concours complet comme en saut d’obstacles, nous avons de bonnes chances sur le papier, donc tout est possible.



“Tout le monde devra être intransigeant et extrêmement rigoureux pour l’avenir de ce sport”

Il faut évidemment souhaiter qu’il n’y ait pas de mauvaises images, notamment concernant le bien-être des équidés…

Effectivement. En ce moment, on nous promet que ce seront les Jeux les plus tournés vers le respect du cheval, et c’est indispensable! À Tokyo, j’avais poussé un énorme coup de gueule à l’antenne concernant l’image que nous avait donné le pentathlon moderne. C’était aux antipodes de toutes les valeurs de notre sport. Il y a également eu des parcours qui auraient dû être interrompus et qui ne l’ont pas été par le jury à Tokyo. Tout cela est évidemment très néfaste pour l’image du sport et il ne faut surtout pas oublier que nous sommes de plus en plus scrutés. Certains mélangent tout et voudraient assimiler l’équitation à de la maltraitance animale. J’espère que ces Jeux seront l’occasion de leur prouver qu’ils ont tort et que le respect du cheval est, au contraire, au centre de tout. Tout le monde devra être intransigeant et extrêmement rigoureux sur ce principe fondamental pour l’avenir du sport. 

Vous évoquez le pentathlon moderne, et trois ans plus tard, certains commentaires, articles ou reportages continuent de faire l’amalgame entre l’épreuve équestre du pentathlon et les sports équestres. Cela prouve à quel point les images restent... 

Cela m’avait fait hurler à l’époque, car ce n’est pas cela, l’équitation. Je trouve que le principe de prêter un cheval à quelqu’un qui le découvre vingt minutes avant d’aller faire une épreuve olympique est assez loin de la notion du couple cavalier-cheval, qui se construit au fil des années. Effectivement, l’amalgame est très dommageable et il est malheureusement inévitable, car pour la majorité des gens, cela reste un cavalier sur un cheval, donc c’est de l’équitation. Il faut donc que tout le monde soit irréprochable et à sa place pour les éviter.

Montez-vous encore à cheval?

J’avais arrêté pendant quinze ans, même si je continuais à suivre les concours, car j’avais beaucoup de mal à pratiquer ce sport sans la compétition et le haut niveau. Après les Juniors, les compétitions et les grands événements, il est plus difficile de baisser de niveau (Jean-Baptiste Marteau a participé aux championnats d’Europe Juniors avec l’équipe de France, ndlr). Je prenais moins de plaisir et puis j’avais surtout moins de temps et moins de moyens. Mais récemment, on m’a proposé de passer le test d’entrée de la Garde républicaine pour un sujet qui va passer le 14 juillet sur France 2. J’ai donc repris quelques leçons afin de ne pas avoir l’air trop ridicule, je m’y remets petit à petit. (Rires) Je me suis fixé comme objectif de trouver à la rentrée une structure pour aller monter au moins une fois par semaine, car c’est ce que j’aime.