“Voir des jeunes de notre âge réussir à haut niveau crée une certaine dynamique”, Léona Mermillod-Baron
Pour la première victoire dans un Grand Prix CSI 3* de sa jeune carrière, Léona Mermillod-Baron a brillé le 14 juillet à Megève, avec First to Cash Out (DWB, Volstrups Cash x Balou du Rouet). Un concours rempli de surprises pour la championne de France Jeunes Cavaliers 2021, qui a pu compter sur le soutien indéfectible de sa sœur Julia et ses parents. Déterminée, la Savoyarde ne compte pas s’arrêter en si bon chemin accompagnée de chevaux prometteurs.
Vous êtes rentré du CSI 3* de Megève avec une victoire dans le Grand Prix, le 14 juillet. Comment avez-vous vécu ce week-end riche en succès?
Je ne partais pas favorite dans le Grand Prix, donc je ne m’étais absolument pas mis en tête que je concourrais pour gagner. Je me suis dit que je serais déjà très contente si je parvenais avant toute chose à sortir sans faute de mon premier parcours. Par la suite, je voulais faire de mon mieux au barrage. Finalement, j’ai remporté le Grand Prix, ce qui m’a rendue très heureuse.
Il s’agissait de votre première victoire à ce niveau, est-elle la plus belle de votre jeune carrière à ce jour?
Oui, je pense, même si ma victoire dans le championnat de France Jeune Cavaliers de 2021 cela avait été chouette. Ce sont aussi des bons souvenirs, mais il est sûr que Megève est ma plus belle victoire à ce jour. Quand je suis entrée en piste, il n’y avait pas de sans faute donc je sentais la pression du public et j’ai été la première à sortir de piste sans aucune pénalité. Par exemple, la palanque est souvent tombée lors des tours précédents, alors quand je l’ai passé les gens ont réagi. Quand j’ai franchi le triple, qui était très technique et fautif, les spectateurs vivaient aussi vraiment le parcours. La dernière ligne était également très fautive, j’ai décidé de faire sept foulées au lieu de huit et d’aller en avant vers le dernier oxer, ce qui m’a permis de réaliser une telle performance.
Qu’avez-vous ressenti lorsque vous avez compris que vous l’emportiez?
Je suis me suis élancée en première au barrage et je savais qu’il y avait des couples très rapides derrière moi donc j’ai attendu le passage de chacun. Au fil du barrage, je constatais que j’étais cinquième, puis quatrième puis finalement sur le podium. À chaque fois, l’intensité augmentait parallèlement à mon classement. Lorsque j’ai réalisé que j’avais remporté le Grand Prix, ma famille est venue me voir et c’était un moment très fort.
Est-ce encore plus gratifiant de gagner presque à domicile, dans votre Savoie natale?
Oui, c’était vraiment génial. Il y avait toute ma famille et un bon nombre de mes amis. Le concours est super, j’y viens et je regarde ce Grand Prix depuis toujours. En plus, c’était la première fois que j’y concourais et il est vrai que quand on regarde le Grand Prix tous les ans, y réussir une bonne performance est un peu plus spécial.
“Tout de suite, j’ai vu que First to Cash Out avait quelque chose en plus”
Vous concourez avec First to Cash Out depuis 2022, mais uniquement depuis cette année à ce niveau. Comment est-il arrivé sous votre selle et comment le décririez-vous?
Avec mes parents, nous cherchions un bon cheval et on nous avait parlé de celui-ci qui était en Hollande. Nous sommes allés le voir au début de ses sept ans, et tout de suite, j’ai vu qu'il avait quelque chose en plus. Il présente un bon galop, beaucoup de souplesse, beaucoup de force et est bien dans sa tête. J’ai donc concouru avec lui toute l’année des sept ans avec ses premières épreuves à 1,40m, puis ses premières 1,45m à huit ans. Cette année, il a neuf ans et a pris part à ses premières 1,50m en début d’année au CSI 3* d’Oliva (au Mediterranean Equestrian Tour, en Espagne, ndlr). Au fil des parcours, il évoluait. Dernièrement, il signe de très bon tours à ce niveau-là. C’est un cheval très intelligent et à l’écoute, donc je peux quasiment faire tout ce je souhaite en parcours, rien n’est un problème. Il également très gentil donc au quotidien, c’est extrêmement agréable.
Comment comptez-vous évoluer avec ce cheval à l’avenir?
Nous allons essayer de continuer à concourir en 3* et 4* autant que possible. Évidemment, je vais également le sortir dans de plus petites épreuves, car il est important qu’il redescende d’un cran, surtout compte-tenu de son jeune âge. Après tout cela, nous verrons où nous en serons à la fin de l’année.
“Tant que les chevaux évoluent bien, c’est que le système est plutôt efficace”
Les championnats de France Jeunes Cavaliers en 2021 ont-ils eu l’effet d’un déclic pour vous?
Non, pas tellement. J’étais déjà assez sûre de moi concernant ce que je voulais, mais cela reste chouette car il s’agit d’un souvenir gravé et dont on me parle souvent. Cela donne un peu plus de crédibilité à mon travail et à ma carrière aujourd'hui.
Depuis ce titre, vous concourrez régulièrement en 3* voire récemment 4* à Mâcon. Comment avez-vous vécu ce changement?
Je continue mon travail quotidien, et si ça fonctionne et que les résultats suivent, c’est qu’il va dans le bon sens. Cela étant, j’essaye toujours d’observer et de demander conseil pour sans cesse m’améliorer. Je n’ai rien changé de particulier dans ma manière de travailler, tant que les chevaux évoluent bien, c’est que le système est plutôt efficace.
Le fait d’évoluer aux côtés de votre sœur est-il une force au quotidien?
Oui, car nous nous soutenons et nous aidons énormément. Je m’entends très bien avec elle donc il est toujours plus agréable d’évoluer dans ce sport avec une “copine” que d’être seule. Nous regardons toujours les parcours de chacune, et je vais même parfois la voir à la détente avec ma mère quand elle a besoin d’aide ou de conseils. Parfois, nous reconnaissons les parcours ensemble quand ce sont des épreuves importantes. Nous échangeons également nos chevaux assez régulièrement si nous estimons que l’une s’entend mieux avec l’autre. Par exemple, je montais initialement Canabis de la Folie (SF, Action-Breaker x Idéal de la Loge, désormais monté par la Suissesse Philippa Bisang, ndlr), mais elle s’entendait mieux avec lui, donc je lui ai laissé.
Vous montez votre cheval en hackamore, pourquoi ce choix?
Cela lui convient bien. J’avais essayé et cela s’était avéré bien pour lui, mais ce n’était pas dans un objectif premier de le travailler exclusivement sans mors. J’ai fait en fonction de lui et je voulais avant tout qu’il soit à l’aise, que ce soit avec un mors ou non.
Je vais tout faire pour essayer d’aller le plus loin possible”
Avez-vous pour ambition de concourir à un plus haut niveau?
Bien sûr, j’aimerais qu’à terme ce parcours continue vers le haut niveau et je vais tout faire pour essayer d’aller le plus loin possible. Toutefois, chaque chose en son temps, c’est un processus d’évolution qui est long donc nous verrons bien.
Récemment, Jeanne Sadran et Inès Joly ont remporté leurs premiers Grands Prix 5*, que cela vous inspire-t-il? Êtes-vous proches de ces cavalières?
Oui, Inès et Jeanne sont des bonnes copines donc c’est toujours chouette d’avoir cette dynamique jeune avec ses amis. Et puis, c’est inspirant de les voir gagner à ce niveau, donc je pense que de voir des jeunes de notre âge réussir à haut niveau créée une dynamique, c’est positif pour tout le monde selon moi.
Quels sont vos objectifs pour cette saison? Et à plus long terme?
Je vais essayer de continuer à évoluer en 3* et 4*, et d’obtenir des résultats réguliers sur des parcours à 1,50m et 1,55m. Après, je vais essayer d’étoffer mon piquet de chevaux, afin d’avoir plusieurs jeunes pour l’avenir.
Comment se compose votre piquet de chevaux?
Actuellement, mon cheval de tête est First to Cash Out, qui a neuf ans. Il est le plus vieux cheval de mon piquet. J’ai aussi Lust for Life (KWPN, Dallas VDL x Veron), un étalon de huit ans qui évolue sur 1,50m depuis le CSI de Bourg-en-Bresse et qui est vraiment très bon. J’ai également une jument de six ans nommée Inelle de Castille (SF, Untouchable x Di Versace) qui suit pour l’instant le circuit des six ans et qui fera les sept ans l’année prochaine. Cela étant, j’ai aussi un cheval de cinq ans, Classic Tuileries (Z, Conte Bellini x Qlassic Bois Margot) qui évolue pour le moment sur 1,15m et 1,20m, mais nous cherchons toujours de nouvelles montures.
Récemment, j’ai également fait naître une pouliche prénommée Ode Rose. La mère est Chanel, la jument avec qui j’étais en équipe de France Jeunes et avec qui j’ai classé ma première épreuve à 1,50m. Quand elle a pris sa retraite, nous avons décidé de la mettre à l’élevage, mais je ne comptais pas encore d’étalons parmi mes chevaux, donc nous nous étions tournés vers des sire connus. Cette année, j’ai proposé à mes parents de la croiser avec mon étalon Lust, ce qui a fonctionné.
“Ma famille a joué un rôle clé dans mon parcours”
Comment votre système est-il bâti?
Je suis installée dans l’écurie de mes parents, à Annecy. Nous avons une centaine de chevaux en comprenant les pensionnaires, le centre équestre, les chevaux de commerce et l’élevage. Les chevaux sont à nous, et des investisseurs se joignent parfois à nous pour acquérir certains chevaux. Tous nos chevaux nous appartiennent en majorité. Nous avons pas mal de chevaux de commerce pour concourir sur 1,25m ou 1,30m. Avec ma sœur, nous nous partageons douze chevaux de concours. Nous faisons en partie de la valorisation à court terme, puis de la revente, ce qui fait fonctionner les écuries. Nos chevaux ne sont pas tous destinés à rester très longtemps.
Songez-vous à vous implanter ailleurs que chez vos parents, ou à vivre une expérience à l’étranger?
Non, pour l’instant, je reste chez moi. Nous allons déjà essayer de continuer à faire évoluer la structure familiale. Ma famille a joué un rôle clé dans mon parcours. De plus, j’ai eu la chance de rencontrer des bons chevaux au bon moment. Mes parents sont très investis, quand j’ai eu besoin d’un cheval d’expérience pour pouvoir commencer mes premières épreuves importantes, ils ont tout mis en œuvre à chaque fois. Quand j’avais ma jument Chanel de la Claye (Holst, Cosido x Caretino), ils ont su la garder pour que je puisse concourir dans le circuit Jeunes, ou encore aller au championnats d’Europe. Nous sommes très sollicités pour vendre nos chevaux, mais parfois, il faut aussi savoir les conserver.
Que vous a apporté le circuit Jeunes?
Je pense que le circuit Jeunes a été une bonne étape de ma carrière sportive jusque-là car monter sur le podium aux différents championnats était un objectif chaque année. J’ai décroché deux médailles d’or, qui sont aujourd’hui de bons souvenirs. De plus, tout le circuit des Coupe des nations Jeunes est bien pour l’esprit d’équipe et pour tenir la pression vis-à-vis du groupe, car on ne compte pas que sur soi-même. On y rencontre également beaucoup de jeunes cavaliers de notre âge. J’ai gardé un bon nombre d’amitiés grâce à ce circuit-là, ce qui construit notre réseau et nos relations. Porter la veste de l’équipe de France nous apporte également de la visibilité et donne une certaine crédibilité.
Quels sont vos modèles?
J’en ai beaucoup, notamment Henrik von Eckermann, car il est toujours à la recherche de faire mieux et de s’améliorer, ce que je trouve incroyable. Ensuite, j’aime beaucoup Steve Guerdat dans sa manière de préparer ses échéances et ses chevaux. Et pour finir, je dirais Julien Épaillard, car, c’est Julien Épaillard ! (Rires)