“La concurrence va être très rude”, Maxime Livio
Maxime Livio ne manquera pas une miette du concours complet Jeux olympiques de Paris 2024. Avant le coup d’envoi du triathlon équestre, discipline ouvrant les festivités au stade éphémère de Versailles, le Saumurois, consultant de GRANDPRIX, plante le décor d’une compétition exceptionnelle à plusieurs égards.
“Cela va être très rapide par rapport aux championnats que nous connaissons habituellement, lors desquels les chevaux s’installent sur place plusieurs jours, voire semaines avant le coup d’envoi de la compétition. Là, les chevaux sont seulement arrivés mercredi. De ce point de vue, cela ressemble plutôt à un concours classique: la visite vétérinaire a eu lieu deux jours après l’arrivée (hier, ndlr), et le dressage trois jours après (aujourd’hui, ndlr). Il n’y a que trois couples par équipe, et les organisateurs ont décidé de concentrer le dressage sur une seule journée de compétition. De ce fait, les juges n’ont donc pas le temps de ‘cogiter’, et les entraîneurs ou sélectionneurs le temps d’ajuster leur stratégie. De même, tout va s’enchaîner très vite entre le dernier départ du dressage (à 18h18 ce soir, ndlr) et le premier départ du cross (demain à 10h30, ndlr). Comme tous les scores comptent pour le classement par équipes, l’ordre de départ va être très important. Le tirage au sort peut vraiment faciliter la vie d’une équipe. Celle qui tire le numéro un avec de bons cavaliers peut toujours être très performante, mais partir à la fin est un vrai avantage, qui plus est avec un format comme celui-ci.
Lundi, la visite vétérinaire aura lieu le matin et s’ensuivront la première et la seconde manche de saut d’obstacles. Là aussi, c’est très rapide, et les fautes vont coûter très, très cher. Vu ce format d’épreuve ‘sans filet’, les nations qui partent favorites, comme la Grande-Bretagne (tenante du titre, ndlr), peuvent se rater, car il suffit de toucher un fanion sur le cross, de renverser un obstacle frangible, de glisser ou de s’abîmer un pied pour se retrouver hors course. Si l’un des trois couples concède quinze ou vingt points, toute une équipe peut dégringoler au classement. C’est pourquoi il est si difficile d’établir des pronostics.
Dans l’ensemble, il manque quelques grands noms du complet tels que le Britannique Oliver Townend (numéro deux mondial et multimédaillé par équipes, ndlr), l’Allemande Sandra Auffarth (championne du monde en 2014 en Normandie et médaillée de bronze aux JO à Rio de Janeiro en 2016 avec Opgun Louvo et médaillée de bronze aux championnats d’Europe du Pin l’an passé sur Viamant du Matz, ndlr), l’Australien Andrew Hoy (médaillé de bronze individuel aux JO de Tokyo en 2021 avec Vassily de Lassos, ndlr) ou encore la Britannique Yasmin Ingham (championne du monde en titre avec Banzaï du Loir et remplaçante au sein de l’équipe britannique, ndlr). Ce format à trois prive quelques nations de grands cavaliers.
Les Britanniques seront favoris l’or, Rosalind Canter, Laura Collett et Tom McEwen pouvant chacun prétendre au podium individuel. Cela montre l’ampleur et la puissance de cette équipe. Les Allemands seront forts avec Michael Jung, le champion olympique de Londres et de Rio, et Julia Krajewski, la championne olympique de Tokyo. Elle a vécu une saison compliquée, mais elle l’a menée avec beaucoup d’intelligence. Finalement, elle se retrouve titulaire avec un cheval qui dresse très bien et a une belle expérience (Nickel 21, ndlr). Avec Chipmunk, Michael Jung tourne autour d’une médaille individuelle depuis plusieurs saisons. Son cheval a de la maturité et qu’ils se connaissent vraiment très bien. Je l’ai vu sauter cette année et le trouve en très belle forme. Il fait évidemment partie des grands favoris, mais il lui est arrivé quelque chose lors de ses trois derniers championnats, donc il faudra voir comment il arrive à dépasser cela.
“C’est peut-être sur l’expérience qu’il va falloir bâtir un score d’équipe”
Parmi les autres favoris à suivre, je citerai la Belge Lara de Liedekerke-Meier, très en forme en ce moment, l’Australien Christopher Burton, qui revient avec un cheval qui dresse très bien (Shadow Man, ndlr), le Néo-Zélandais Tim Price ou encore le Suisse Félix Vogg, qui monte un très bon cheval français (Dao de l’Océan, ndlr) et le Japonais Kazuma Tomoto (associé à Vinci de la Vigne, médaillé de bronze par équipes aux Mondiaux de 2018 avec Astier Nicolas pour la France, ndlr), qui était déjà très performant à Tokyo (quatrième, ndlr). Pour la France, il y a notamment Nicolas Touzaint, qui a un cheval (Diabolo Menthe, ndlr) capable de lui offrir une médaille individuelle au regard de son potentiel au dressage et de l’expérience de Nico (qui vit ses septièmes JO, ndlr).
Il y a un groupe d’une dizaine de cavaliers qui vont se battre pour les médailles individuelles et deux équipes qui sortent du lot: la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Ensuite, beaucoup de nations vont miser sur un leader ou deux piliers. C’est le cas de la France avec un leader, Nico, des cavaliers solides dans les trois disciplines et qui ont beaucoup d’expérience, et un entraîneur (Thierry Touzaint, ndlr) rompu à ces grands rendez-vous et capable de réussir des coups. C’est peut-être sur l’expérience qu’il va falloir bâtir un score d’équipe, mais je pense que cinq ou six nations vont se battre pour le podium. Les autres équipes sont peut-être un petit peu en dessous, mais encore une fois, tout peut arriver. Les deux ou trois pays qui vont se battre pour l’or peuvent subir un pépin, et une nation qui se battait pour le bronze peut finalement remonter. Tout va dépendre de la stratégie des équipes, de l’état de forme des chevaux et de la confiance des cavaliers. La concurrence va être très rude. On va voir la quintessence de ce que peut offrir le concours complet, avec des rebondissements dans tous les sens, et, je le crois, un très gros niveau.
Plusieurs nations émergent, notamment en individuel. Les parcours de cross des grands championnats sont toujours conçus pour qu’il y ait beaucoup d’options lentes et sûres. J’espère que tous ces cavaliers, qui ne concourent pas aussi souvent au plus haut niveau que ceux que j’ai précédemment cités monteront intelligemment avec l’objectif de prendre de l’expérience, de se faire plaisir avec leurs chevaux et ne courront pas trop de risques. C’est la crainte que l’on peut toujours nourrir pour des pilotes qui n’ont pas toute l’expérience de ces parcours et qui se retrouvent dans une ambiance telle que celle de Versailles. Ils devront rester lucides, bien encadrés et froids pour se faire plaisir, ainsi qu’à leurs chevaux et au public.”