“La finale par équipes s’annonce épique, dans une ambiance de dingue”, Marc Dilasser
Le concours de saut d’obstacles des Jeux olympiques de Paris 2024 a débuté sur les chapeaux de roue hier au stade équestre éphémère de Versailles. Si les Allemands ont impressionné, les Français ont tremblé, avant d’assurer l’essentiel, contrairement aux Suisses et aux Brésiliens, qui sont cruellement passés à la trappe… Le premier parcours dessiné par Grégory Bodo et Santiago Varela Ullastres a tenu ses promesses. Après cette première épreuve et avant la finale par équipes de cet après-midi, Marc Dilasser, le consultant de GRANDPRIX pour le jumping, livre son analyse.
“Les Français sont allés crescendo dans cette première épreuve. Ils n’ont pas pu se rassurer dès le début, mais ils ont finalement terminé septièmes, à deux fautes de la barre de vingt points (le score d’Israël et du Mexique, neuf et dixième, ndlr), synonyme de qualification pour la finale par équipes. C’est donc loin d’être tiré par les cheveux. Simon Delestre est parti tôt dans l’épreuve, avec très peu d’informations sur le temps imparti et le bon rythme à adopter, ce qui a pu provoquer la première de ses deux fautes. Du coup, I Amelusina R 51, qui a très bien sauté, est un peu monté en chauffe au fil du parcours. Pour autant, ils ont bien joué leur rôle d’ouvreurs. Ensuite, Olivier Perreau a réussi un parcours remarquable. Son analyse est juste: il s’est retrouvé un peu près des barres de Spa, ce qui l’a contraint à ouvrir un peu le galop de Dorai d’Aiguilly*GL events à l’abord du double, où la jument s’est fait prendre sur la trajectoire. Il a reconnu son erreur comme un grand champion, et le couple a surtout honoré à merveille son rôle de remplaçant entré en jeu à la dernière minute. Quant à Julien Épaillard, il a signé un parcours magnifique avec Dubaï du Cèdre. Il a monté avec une précision et une concentration exemplaires. C’était cousu au fil d’or: il n’y a pas eu un saut discutable, ce qui promet pour la suite de la compétition. Rappelons qu’ils restent sur une médaille de bronze aux championnats d’Europe de Milan et une deuxième place en finale de la Coupe du monde.
J’ai été impressionné par la qualité du parcours proposé par Grégory Bodo et Santiago Varela Ullastres. Ils ont accompli un travail remarquable. Sur cinquante-huit partants (soixante, moins ceux de Rodrigo Pessoa et Ramzy al-Duhami, le Brésil et l’Arabie saoudite ayant perdu toute chance de se qualifier après l’élimination de Pedro Veniss et les vingt points de Khaled al-Mobty, ndlr), il y a eu quinze sans-faute, soit une proportion parfaite. Ce parcours, certes sérieux et sélectif, a surtout provoqué des fautes de cavaliers, par manque d’équilibre ou de contrôle. On n’a quasiment vu aucun cheval mis en difficulté. Les triples avec un oxer à l’entrée et une palanque au milieu, c’est l’une des marques de fabrique de Greg, de même que les lignes comprenant des barres de Spa et un double vertical-une foulée-oxer. Nous y avions eu droit dans le Grand Prix CSI 5* du Printemps des sports équestres, fin avril. À Fontainebleau, c’était en ligne droite; aujourd’hui, il y avait une légère courbe entre les deux. Là-bas, il avait déjà placé une palanque au milieu du triple, avec un bidet en plus. Pour le reste, plusieurs cavaliers ont relevé la spécificité des tons pastel des barres, que les chevaux perçoivent beaucoup moins bien que nous, compte tenu de leur capacités visuelles différentes des nôtres. Moins il y a de nuances sur le parcours, plus c’est difficile pour eux.”
“Les règles doivent s’appliquer de façon rigoureuse à tous les concurrents”
“Cette journée a évidemment été très dure pour la Suisse et le Brésil, qu’on ne verra pas en finale. La trace de sang décelée sur le flanc de Nimrod de Muze, le partenaire de Pedro Veniss, était vraisemblablement minime, mais le jury ne pouvait faire autrement qu’appliquer à la lettre le règlement de la Fédération équestre internationale, qui plus est aux Jeux olympiques, même si la conséquence est terrible pour le Brésil. Peut-être faudra-t-il repenser cette règle, l’adapter, ou au moins en rediscuter, mais les règles doivent s’appliquer de façon rigoureuse à tous les concurrents.
Quant à la Suisse, elle a vécu une vraie désillusion. Les deux fautes inhabituelles de Steve Guerdat et Dynamix de Bélhème ont mis l’équipe dans le dur dès le départ. Je n’ai pas entendu son analyse, mais Steve a beaucoup protégé sa jument depuis leur titre de champions d’Europe (gagné en septembre dernier à Milan, ndlr), peut-être un peu trop, dans le sens où Dynamix a sauté très peu de parcours cette année (vingt-trois, dont quatre à 1,60m, remportant le Grand Prix CSI 5* de Fontainebleau, ndlr). C’est vraiment une modeste hypothèse, parce que Steve est avant tout un grand homme de cheval, et que personne ne sait préparer ces grands rendez-vous mieux que lui. Son palmarès est éloquent En tout cas, sa jument, partie en tout début d’épreuve, n’était pas aussi sereine que d’habitude: il a dû lui demander assez fort de sauter le vertical 1, puis l’oxer 2, etc. Malheureusement pour la Suisse, Pius Schwizer et Vancouver de Lanlore n’ont pas su redresser la barre (concédant trois fautes, ndlr). Peut-être Vancouver n’est-il finalement pas un cheval assez fiable pour les grands championnats, malgré toutes ses grandes qualités (aux JO de Tokyo, en 2021 avec Pénélope Leprevost, il avait concédé dix points lors de la qualificative individuelle, puis cinq dans la qualificative par équipes, avant d’infliger deux terribles refus à la Normande en finale; en revanche, il s’était classé quatorzième des Mondiaux de Herning en 2022 avec Pius Schwizer, ndlr).
Le Mexique, et plus encore Israël ont créé la surprise hier, la seconde équipe nommée grâce à un parcours incroyable de Daniel Bluman et Ladriano. Pour moi, les trois plus beaux parcours de la journée ont été ceux du Belge Gilles Thomas avec Ermitage Kalone, de l’Allemand Richard Vogel avec United Touch S et de Julien avec Dubaï. Pour le reste, l’Allemagne a parfaitement assumé son statut de nation favorite. La Suède (sacrée à Tokyo, puis à Herning et Milan, ndlr) défendra chèrement sa peau, même si la dérobade de Catch Me Not S avec Peder Fredricson (sur le mur, qui a également coûté cher aux Saoudiens et Émiriens, ndlr), qui restera l’une des images fortes de cette première journée, n’a pas été si loin de coûter sa qualification à l’équipe (le couple ayant concédé dix-sept points, ndlr).
En finale, tous les compteurs sont remis à zéro et il n’y aura plus que dix équipes. La bataille s’annonce épique, dans une ambiance de dingue, avec un possible barrage à la clef, qui impliquerait les trois cavaliers de chaque équipe concernée. Je suivrai ça en direct au Normandie Horse Show, à Saint-Lô, où les organisateurs ont installé un grand écran que l’on voit bien depuis le paddock. Bref, allez les Bleus!”