“Il ne faut pas que le sport paralympique repasse à la trappe après ces Jeux”, José Letartre

Figure incontournable du para-dressage français, José Letartre n’était pas sur la piste à Versailles, mais a tout de même pu observer de son œil avisé la compétition. L’ancien cavalier de Swing Royal, cheval monté cette année par Chiara Zenati est notamment triple médaillé de bronze en championnat d’Europe, et médaillé de bronze aux Jeux paralympiques d’Atlanta en 1996. Ayant sonné les trois coups, le para-dresseur qui totalise cinq participations aux Jeux livre son analyse sur cette édition des Jeux paralympiques de Paris 2024.  



Une édition qui “sort du lot” 

“J’ai eu l’immense honneur de frapper les trois coups (comme le veut la tradition au théâtre, les épreuves des Jeux olympiques et paralympiques ont toutes été ouvertes avec les trois coups, ndlr). On m’a donné une accréditation pour la journée, ce qui m'a permis de découvrir le site et l'organisation, parfaitement orchestrés par GL Events et Sylvie Robert. Le comité organisateur a vraiment effectué un travail formidable et les bénévoles étaient très accueillants. Ayant participé à cinq éditions des Jeux paralympiques, ceux de Paris et Londres sortent du lot. Mais je crois que cette édition était particulièrement exceptionnelle, notamment grâce à ses deux cérémonies d’ouverture, l’une sur la Seine et l’autre sur les Champs-Élysées. Pour les athlètes, cela a dû être une expérience vraiment incroyable.” 

Le site de Versailles et son aspect symbolique 

“J’avais participé à l’événement test dans la cour des Rois, c’était déjà très impressionnant. Mardi, le temps n’était pas en notre faveur. Mais quand le ciel s’est dégagé et que l’on a vu le château derrière la piscine et le jardin, c’était magique. Il ne s’agit pas d’une carrière classique comme on en a souvent vu aux Jeux, c’est l’avantage d’un site éphémère. Monter devant l’un des plus beaux châteaux du monde, c’est une perspective unique.” 

Les performances des Français lors des épreuves individuelles 

“Chaque cavalier a tout donné. Nous avons assisté à quatre très belles reprises, très bien montées. Certes, nous n’avons pas eu de médailles dans les individuelles, mais c’est l’essence même des Jeux : on peut être le meilleur au monde et perdre sa position sur une simple erreur. Rien n’était perdu ou gagné.” 

À propos de Swing Royal*IFCE, le cheval de Chiara Zenati qu’il montait auparavant 

“C’est un cheval que j’ai eu la chance de monter après Louise Studer. À l’époque, je montais Warina, une jument avec laquelle j’ai remporté trois médailles de bronze en deux éditions des championnats d’Europe. À chaque fois que je croisais Philippe Limousin, je lui disais : ‘Laisse-moi Swing, je veux le monter!’, mais il m’a toujours répondu non, car il était prévu que Louise le monte jusqu’aux championnats d’Europe à Deauville. Après cette échéance, j’ai finalement eu l’occasion de le monter pendant plusieurs années, je connais donc très bien ce cheval. Il est un peu surprenant, un peu nonchalant, mais avec un côté imprévisible. Il faut le monter finement pour éviter les erreurs et obtenir de bons résultats. C’est un cheval que j’ai beaucoup apprécié! Chiara a été double médaillée d'argent aux championnats d'Europe avec lui l’an dernier. Elle a eu cette chance, je n’ai pas eu les mêmes médailles, mais c’est ainsi.” 



“L'engouement est toujours présent avant et pendant, mais après, tout retombe”

L’ascension éclair du Stars and Stripes  

“Les Américains qui sont arrivés en force depuis deux ans ont prouvés qu’ils étaient bien présents. Malgré une grosse faute (lors de la première épreuve individuelle, ndlr), Kate Shoemaker a fini cinquième juste derrière Vladimir. Sans cette erreur, elle aurait probablement été médaillée.” 

Les prochains Jeux paralympiques en France 

“Je ne serai sûrement pas là pour les prochains! Pour les Jeux d’hiver, ceux qui ont connu Albertville ont cette chance et vont les revivre à domicile en 2030, mais pour les Jeux d’été, ça s’annonce plus compliqué.” 

Les retombées pour le para-dressage et le sport paralympique 

“Aujourd’hui, de nombreuses entreprises, publiques comme privées, ont massivement investi grâce à Paris 2024. La question que nous nous posons maintenant est de savoir si à Los Angeles la continuité sera la même entre les Jeux olympiques et paralympiques? L’avenir nous le dira. Certains athlètes valides peinent tout autant que nous à trouver des financements, tandis que d’autres y accèdent beaucoup plus facilement. Il est crucial que l’État et le ministère des Sports continuent à investir de manière constante, malgré les changements fréquents à leur tête. 

Les nations qui dominent les podiums ont un réel soutien, avec un suivi qui commence dès leur début de carrière. On constate quand même une évolution des mentalités depuis 1996, lorsque l’équitation a fait son entrée aux Jeux paralympiques. À cette époque, l’équipe de France avait décroché deux médailles: une en argent en individuel et une en bronze par équipes!  

Il reste un problème de médiatisation. Dans l’émission Quels Jeux, par exemple, aucune image de Vladimir, qui a terminé quatrième, n’a été diffusée. Tony Estanguet et le comité organisateur ont effectué un travail formidable et ont toujours mis en avant les paralympiques, que ce soit pendant les JO ou durant la pause entre les deux. On ne peut que saluer le nombre d’entreprises qui ont rendu leur communication particulièrement inclusive cet été. Regardez les publicités des grands sponsors: on y voit des personnes handicapées mais avant tout des sportifs, c’est une évolution importante. 

Est-ce que cela permettra de créer une continuité après Paris 2024? Espérons-le. Il faut que les médias continuent de mettre en avant ces athlètes, que le sport paralympique ne repasse pas à la trappe après les Jeux. Pour l’avoir vécu cinq fois, l’engouement est toujours présent avant et pendant, mais après, tout retombe. C’est le grand défi.” 



Retrouvez JOSE LETARTRE en vidéos sur