Avec deux chevaux en or aux Mondiaux d’endurance, le haras de la Majorie crève l’écran

En deux ans, le haras de la Majorie a été propulsé sous les projecteurs grâce aux exploits de son hongre Darco la Majorie (Baltik des Ors x Zadie d’Espien), en or individuel aux championnats du monde d’endurance de Butheeb, en 2022, puis lors des derniers Mondiaux de la discipline, tenus samedi passé à Monpazier. En Dordogne, c’est cette fois Everest la Majorie, frère de Darco par le père, qui a gravi ce nouveau sommet en obtenant le prestigieux titre suprême associé au cheikh Nasser ben Hamad al-Khalifa. L’élevage situé au Nord de l’Ardèche triomphe sur la scène internationale avec des chevaux particulièrement performants, qui grandissent dans un cadre idyllique pour leur développement.



L’affixe “la Majorie” était déjà bien connu dans le monde de l’endurance, mais ces deux dernières saisons, le haras implanté à Saint-Alban-d’Ay, au Nord de l’Ardèche, entre Lyon et Valence, a pris une tout autre dimension. Pour cause, le haras fondé il y a plus de vingt ans par Christian et Pascale Manoha a vu naître le champion du monde individuel d’endurance de 2022, Darco la Majorie (PSA, Baltik des Ors x Zadie d’Espien), ainsi que celui de 2024, Everest la Majorie (PSA, Baltik des Ors x Derkouch). À la tête de l’élevage, le couple laisse peu à peu la place à ses filles, Clémentine et Camille. “Si l'on possède des chevaux, il faut en assumer la responsabilité”, affirme Camille avec conviction. 

Avec plus d’une centaine de Pur-Sang Arabes évoluant dans des prés luxuriants et au milieu de somptueuses vieilles pierres, l’écurie française attire de nombreux acheteurs potentiels. Toutefois, Camille Manoha affirme que la politique du haras de la Majorie est de privilégier le bien-être de ses chevaux : “nous ne laisserons jamais d’opportunité commerciale prendre le pas sur la santé du cheval.” 

Darco la Majorie le jour de son accession au trône mondial, en 2022.

Darco la Majorie le jour de son accession au trône mondial, en 2022.

© FEI



Un retour aux bases

Ayant côtoyé les chevaux toute sa vie, Camille a été témoin de l'évolution des différentes disciplines équestres. Interrogée sur les changements intervenus dans l’équitation d’endurance, notamment la demande du marché pour des chevaux de plus grande taille, elle explique : “Bien sûr, nous explorons les moyens de répondre aux besoins des clients, mais si nous constatons que cela ne fonctionne pas, nous revenons à nos racines. Par exemple, nous avons essayé de croiser des chevaux arabes avec des Pur-Sang, qui ont tendance à être plus grands. Cependant, les Anglo-Arabes issus de ces croisements ont tendance à être des chevaux plus complexes à entretenir que les Pur-Sang Arabes de race pure. Par exemple, leur taille et leurs membres plus longs les rendent moins robustes. Les petits chevaux sont aussi performants que les grands ! Leur structure compacte est un avantage. Quant à la vitesse, nous pouvons l’obtenir en croisant avec des Pur-Sang Arabes élevés pour les courses”



Des performances remarquables

La famille Manoha se dit bien évidemment fière des récents succès du hongre de onze ans, Darco la Majorie. Champion du monde sous la selle du cheikh Nasser ben Hamad al-Khalifa lors des championnats du monde d’endurance FEI 2022, à Butheeb, aux Émirats Arabes Unis, le gris a ensuite remporté le CEI 3* à 160 km de Monpazier en 2023.

Cette année, Nasser bin Hamad Al Khalifa a remporté le titre de champion du monde d’endurance avec le demi-frère de Darco, Everest la Majorie. Le hongre de dix ans avait terminé deuxième du Test Event de Monpazier l’année dernière, quelques secondes derrière son demi-frère. “Nous avons cru en Everest dès le début, déclare Camille. Il était considéré comme le ‘petit frère’, mais il a des qualités similaires. Par exemple, il excelle aussi bien sur le sable plat que sur les terrains techniques et vallonnés. Nous attendions de lui qu’il sorte de l’ombre cette année”, partageait Camille avant les Mondiaux. Défi plus que réussi pour l’élevage ardéchois !

Les Manoha sont fiers de leurs “cracks”. Camille souligne toutefois que les champions ne naissent pas nécessairement comme tel. En d'autres termes, une bonne formation est essentielle. “Nous avons une dizaine de poulains qui naissent chaque année. En général, l’un d'entre eux est un champion né. On le voit tout de suite : ils ont un mental fort, sont combatifs et prennent souvent la tête du troupeau. Nous nous occupons nous-mêmes de l’entraînement de nos jeunes chevaux. Depuis quelques années, nous avons le plaisir de collaborer avec le cavalier Jean-Philipe Francès (multimédaillé français, notamment vice-champion d’Europe individuel et en or par équipes en 2013 avec Qrafik la Majorie, ndlr). Il excelle dans l'entraînement de ‘chevaux normaux’ pour en faire des champions. Il est méticuleux et veille à ce que chaque détail soit parfait, de la selle aux sabots en passant par le mors. Il expérimente de nouvelles approches, il est innovant. Sa méthode s’aligne sur la nôtre parce qu'il est prêt à explorer ce qui fonctionne le mieux pour chaque cheval”.

Everest la Majorie et Nasser bin Hamad Al Khalifa à Monpazier.

Everest la Majorie et Nasser bin Hamad Al Khalifa à Monpazier.

© FEI



La vie au pré ne doit pas s’apparenter à de la survie

Bien que la famille Manoha soit convaincue que les chevaux doivent vivre en liberté à l’extérieur, leurs poulains dorment dans de grandes stabulations collectives pendant les nuits d’hiver. “La vie en plein air permet aux chevaux d’être forts, sains, en forme et heureux. Mais si la vie à l'extérieur devient une question de survie, nous préférons les garder à l’écurie la nuit. De cette façon, ils peuvent concentrer toute leur énergie sur la croissance et le développement”.

Voilà un parti pris qui semble fonctionner pour le développement de leurs jeunes talents. “Dès leur plus jeune âge, nos chevaux sont mis dans nos près de 200 hectares avec de la très belle herbe. Les jeunes chevaux peuvent manger, jouer et galoper autant qu’ils le souhaitent, ce qui leur permet de bien se développer. Nous sommes très stricts en ce qui concerne la vermifugation et la gestion de la santé des sabots avec l’aide d’un maréchal-ferrant. Bien entendu, ils vont aussi chez le dentiste et, si nécessaire, chez le vétérinaire. Nous ne lésinons pas sur les moyens. Même si un cheval ne sera jamais un cheval de sport à la suite d’un accident ou d’un autre événement, il reçoit des soins vétérinaires complets. Nous aimons nos chevaux et nous voulons leur donner une bonne vie.”

Au haras de la Majorie, le débourrage commence à cinq ans. Camille explique : “Ensuite, ils peuvent participer à une épreuve de 20km et à une épreuve de 40km. Ils le font en groupe, avec leurs congénères. Après ces compétitions, ils retournent au pré pour assimiler émotionnellement et physiquement ce qu’ils ont appris. Ce n’est qu’après l’été que nous les préparons à une distance de 60 km. Tout cela se fait à un rythme calme, même à l’entraînement”.

Les Manoha se réjouissent de voir que les athlètes sont de plus en plus à l’écoute de leurs chevaux : “Le lien entre le cheval et l'homme est ce que j'aime le plus dans ce sport. De toutes les disciplines équestres, ce sont les cavaliers d’endurance qui passent le plus de temps en selle. Si vous apprenez à écouter votre cheval, vous pouvez réaliser de grandes choses ensemble. Par exemple, si votre cheval veut faire une pause après un long galop ou une montée difficile, relâchez-la. Ils ont des capacités de récupération tellement remarquables qu’ils peuvent être complètement régénérés après une courte pause. Si vous écoutez votre cheval et lui accordez un moment de repos, vous pouvez gagner”.