“Kensington est le meilleur cheval que j’aie jamais eu”, Tony Écalle

Tony Écalle a pris part à ses deuxièmes championnats du monde d’attelage Solo, c’est-à-dire à un cheval, le week-end dernier au Pin-au-Haras, dans l’Orne. Aux guides de Kensington, son hongre de neuf ans, avec lequel il concourt à haut niveau depuis l’an dernier, le meneur a contribué à la victoire de l’équipe de France. Véritable force de la nature, le Normand de quarante et un ans revient sur sa première médaille mondiale et se livre également sur sa saison quelque peu mouvementée.



Comment avez-vous vécu ces championnats du monde au Pin-au-Haras avec Kensington?  

Sur la compétition en elle-même, je dirais que j’étais bien préparé en amont. Je ne ressentais pas particulièrement de stress, ni de pression. De nombreux compétiteurs sont venus me voir en me disant que j’étais le favori puisque j’avais remporté les deux derniers concours (les CAI 3*-H1 du Pin-au-Haras en juin et de Chablis en août, ndlr). J’ai eu besoin de m’isoler un peu et prendre du recul par rapport à cela. L’exercice le plus stressant a été la maniabilité. Mon erreur au marathon m’a coûté cher, mais je ne pouvais pas laisser tomber l’équipe. Je devais être opérationnel à 200%. L’enjeu était important, car l’épreuve de maniabilité requiert une très grande sensibilité. La moindre faute de main peut faire tomber une balle donc il faut être fort mentalement. Dans l’ensemble, j’ai très bien vécu ces championnats du monde.  

Quel est votre sentiment concernant votre premier titre mondial, décroché en équipe et à domicile, en Normandie? 

Pour être honnête il va me falloir du temps pour réaliser que je suis champion du monde. C’est incroyable! C’est d’autant plus fantastique d’avoir décroché ce titre par équipes et à la maison. Marion (Vignaud, ndlr), Clément (Deschamps, ndlr) et moi nous entendons super bien donc c’était agréable de faire équipe ensemble. Nous avions tout de même un peu de pression, car nous concourions à domicile. De mon côté, je ne suis pas de nature stressé, donc j’ai su gérer la situation. Je ne suis pas parti du principe qu’il fallait absolument conserver le titre acquis en 2022. Je me suis plutôt attaché à rester concentré sur la technique et les compétences de mon cheval, et à donner le maximum. Finalement, tout s’est bien passé! 

Vous étiez deuxième à l’issue du dressage, mais une erreur lors du marathon vous a malheureusement fait chuter à la soixante-quatrième place provisoire. Que s’est-il passé? 

J’ai malheureusement commis une faute de parcours corrigée dans le marathon, ce qui m’a coûté vingt points de pénalités. À ce niveau-là, ça ne pardonne pas. Faire tomber une balle dans l’épreuve de maniabilité est rattrapable, mais la moindre faute au marathon coûte très cher. 

Vous terminez finalement trentième. Êtes-vous tout de même satisfait de votre prestation? 

Évidemment! Mon cheval est encore jeune (neuf ans, ndlr), donc il doit encore prendre de l’expérience. Je visais le top dix, mais savais que nous avions les capacités pour terminer parmi les cinq premiers. J’ai énormément travaillé pour ces Mondiaux malgré mes récentes blessures (le meneur s’est blessé à l’épaule en 2021 et cassé le genou en milieu de saison cette année, ndlr). Malheureusement, cela ne s’est pas passé comme prévu, mais je ne suis pas déçu. Sans les points de pénalités du marathon, j’aurais pu finir troisième. Je suis content de voir que notre travail a payé. Après le dressage, beaucoup sont venus me féliciter en me disant que mon cheval est extraordinaire et doté d’un très grand potentiel. Les juges m’en ont même parlé. Cela fait toujours plaisir d’avoir un cheval de son rang dans mes écuries.



“En marathon, 2024 a été la pire saison de ma carrière”

Quel est le test sur lequel vous êtes le plus à l’aise? 

Je me sens très à l’aise au dressage, et mon cheval m’aide beaucoup en cela. Depuis que Kenny (surnom de Kensington, ndlr) est arrivé à la maison, il a su me montrer qu’il était toujours présent à ce niveau-là. C’est un cheval qui donne toujours le meilleur de lui-même et qui sait rester sérieux et concentré. Le dressage est son point fort. En revanche, je ne suis pas le meilleur au marathon et en maniabilité. 

Entre vos derniers Mondiaux, en 2012, et 2022, vous n’avez participé qu’à trente-trois épreuves, contre quatorze rien que l’an dernier. Réduire le rythme des compétitions durant cette période était-il un choix de votre part? 

J’ai formé de nombreux chevaux ces dernières années, donc je n’ai pas eu l’occasion de participer à beaucoup de compétitions. Entre 2012 et 2019, j’ai eu quatre chevaux différents avec lesquels j’ai participé à quelques CAI, sans obtenir de bons résultats, ce qui ne m’a pas aidé. Participer, c’est une chose; performer en est une autre. Tout cela requiert énormément de travail.  

En juillet, vous avez décroché le titre de champion de France Amateur Élite Grand Prix Solo avec Kensington. Quel bilan tirez-vous de votre année 2024?  

J’ai la chance de pouvoir mener un cheval extraordinaire. Cette année, j’ai rencontré quelques difficultés au marathon, notamment au niveau technique sur ma voiture. En milieu de saison, je me suis aussi cassé le genou à la suite d’un accident lors d’un stage, donc ma saison n’a pas été des plus simples. Je dirais même que 2024 a été ma pire saison concernant le marathon. J’espère bien que nous allons nous améliorer à ce niveau. “Kenny” en a le potentiel. Les épreuves de maniabilité n’ont pas été très faciles pour moi non plus, parce que je conserve des séquelles d’une blessure à l’épaule survenue il y a trois ans. De ce fait, j’ai dû apprendre à mener différemment, ce qui a été très long. Quelques semaines avant les championnats, j’étais à l’INSEP (Institut national du sport, de l’expertise et de la performance, ndlr) à Paris pour mes problèmes à l’épaule. Depuis 2021, je m’adonne à beaucoup d’exercices de rééducation pour essayer de retrouver le maximum de mobilité, et ce test reste compliqué pour moi. Avec Félix (Brasseur, entraîneur national, ndlr),nous parvenons petit-à-petit à trouver les clés pour que je réussisse à mener correctement et à ne pas commettre de faute. Au vu de cette année, je sais que je vais devoir continuer à travailler là-dessus, mais aussi sur l’énergie de mon cheval, car il peut se précipiter souvent sur certains parcours. 

Comment avez-vous rencontré ce cheval?  

C’était un peu inattendu. En 2019, j’avais déjà un cheval extraordinaire (Hissima KH, ndlr). Une nuit, il a ouvert la porte de son box, et a malheureusement était percuté sur la route. Hélas, j’ai dû le faire euthanasier… Un bon ami néerlandais, qui a l’habitude de me trouver des chevaux, m’a contacté en mars 2020 pour me dire qu’il m’en avait trouvé un nouveau. Je n’ai pas pu me déplacer aux Pays-Bas pour l’essayer comme nous étions en plein confinement (en raison de la pandémie de Covid-19, ndlr), mais j’ai tout de même décidé de l’acheter. Je lui ai fait 100% confiance, et j’ai bien fait, car Kensington est le meilleur cheval que j’aie jamais eu. 

Nos débuts n’ont pas été des plus simples. Je l’ai mené pendant deux, trois mois, puis mon accident a tout stoppé net. Quand je me suis remis en voiture après ma blessure, j’ai ressenti beaucoup de douleurs donc tout était très compliqué. J’ai tout de même essayé, car je ne voulais rien lâcher, en compétiteur que je suis. Marion Vignaud m’a beaucoup aidé en présentant “Kenny” à des concours Jeunes Chevaux, tout comme Julie (Nauche, ndlr), ma compagne. Nous concourons à haut niveau depuis l’an dernier, donc nos performances sont vraiment prometteuses. 

Que faites-vous dans la vie? 

En dehors des compétitions, je donne des cours et j’ai quelques chevaux en pension travail-débourrage. J’aime beaucoup cela. En parallèle, je suis chauffeur poids lourd. Généralement, je roule de minuit à 12h puis m’occupe des chevaux de 13h à 19h. C’est du sport! 

Quelles vont être vos prochaines échéances? Avez-vous d’autres projets?  

Actuellement, Kensington est en vacances, et il l’a bien mérité! Nous reprendrons le travail dans trois semaines environ, avec en ligne de mire les championnats du monde de Munich, en Allemagne, en 2026. Deux ans, c’est à la fois très long et très court. Ces Mondiaux sont désormais notre objectif principal et nous allons utiliser les CAI habituels pour continuer à progresser, avancer et comprendre ce qui ne va pas. Même si j’ai la chance d’avoir un très bon cheval, il faut prendre le temps de le former au mieux.