Salon de l’Agriculture : une lettre ouverte de Jean-Luc Poulain

Dans une lettre ouverte publiée ce matin, Jean-Luc Poulain, agriculteur, président du Centre national des expositions et concours agricoles (CENECA), du Salon international de l’agriculture et du Salon du cheval de Paris, a souhaité s’adresser aux amis du Salon de l’agriculture. Voici cette lettre en intégralité:

“Le Salon international de l’agriculture n’a pas eu lieu et chacun le regrette. Ce formidable moment où toutes les productions, toutes les régions sont réunies, n’a pas pu rassembler exposants, visiteurs et passionnés. Ces neuf jours où les regards convergent sur le monde paysan ont été reportés, laissant les animaux à l’étable et les produits sur d’autres étals. Mais ce salon n’est pas un salon comme les autres et s’est malgré tout, malgré la crise de la Covid, incarné dans d’autres formes prouvant ainsi son importance dans la vie de tous. Émissions spéciales sur les chaînes de télévision, duplex dans les fermes pour les radios, photos d’archives sur Instagram, directs sur YouTube, animations sur TikTok, messages de soutien sur Twitter, foison d’articles dans la presse, pas un média ni un réseau n’est resté à l’écart de cette période, prouvant ainsi que cet événement ne laisse personne indifférent.

Nous pourrions juste nous réjouir de tout cela. Mais nous avons une responsabilité et c’est pourquoi nous avons choisi de nous transposer au mois de mai pour la Semaine de l’agriculture française, afin d’honorer notre agriculture à travers ses savoir-faire et ses savoir-être. Le Concours général agricole produits et vins se tiendra ainsi à Angoulême, Châlons-en-Champagne, Montpellier et Tours. Par ailleurs, une plateforme de labellisation sera très prochainement accessible pour recenser toutes les idées et initiatives portant les marqueurs du Salon international de l’agriculture qui se tiendront du 13 au 24 mai. Il s’agit d’ouvrir les fermes, d’aller à la rencontre de nos concitoyens, de valoriser le produit et fabriqué en France, de faire de la pédagogie sur les pratiques agricoles, de montrer les innovations du monde paysan. En fait, de partager tout ce qui fait et que fait la démocratie de l’assiette que certains appellent le lien de la fourche à la fourchette. Un lien que l’on pourra continuer de tisser en allant sur l’un des nombreux marchés de producteurs qui se tiendront dans l’Hexagone, dont un à Paris. Notre agriculture est tout cela mais aussi un enjeu sur la souveraineté alimentaire qui fera l’objet d’un colloque placé sous la houlette du Conseil de l’agriculture française.

Comme vous pouvez le constater, le salon ne se tient pas mais nous le faisons vivre autrement. C’est notre responsabilité et notre volonté. Notre vocation, elle, est de regarder devant nous et évidemment nous pensons à l’avenir, à 2022. Quelle sera la situation sanitaire à ce moment-là? Personne ne le sait vraiment, mais les messages reçus tout au long de cette semaine prouvent une chose: voir les animaux de nos régions vous manque, ne pas goûter les produits de nos terroirs ne vous laisse pas insensibles, ne pas arpenter et découvrir tout ce qui se fait de nouveau en agriculture est un problème, ne pas rêver dans le pavillon des Outre-mer vous enlève un moment certain de convivialité, ne pas échanger avec les paysans sur leur métier enlève du sel et de la compréhension à la relation agriculture et société. On vient y retrouver ses racines et planter des graines pour l’avenir!

C’est aussi ce que font les politiques qui arpentent habituellement les allées du salon en serrant les mains et en embrassant les regards, montrant ainsi leur respect de ce monde rural qui vient “‘se montrer en ville”. Au-delà d’un intérêt électoral bien compris, quel salon attire autant notre monde politique? Aucun!

Chaque année, nous portons un message pour valoriser tel ou tel pan de notre actualité agricole mais il y a des urgences impérieuses. Vous le voyez, vous l’entendez, il y a deux sujets qui nous font face et qu’il faut surmonter ensemble: la transmission et le recrutement. Sur le long terme, devant le départ en retraite de nombreux agriculteurs et agricultrices – et malgré le travail de fond opéré par Jeunes Agriculteurs –, le renouvellement des générations pose problème, voire devient crucial et vital. À court terme, pour assurer les récoltes de cette année, il manque au bas mot 80.000 bras pour que tout se passe correctement dans les champs et vergers. Voilà le tableau! Alors, pour tout ce qui nous rassemble, tout ce qui nous unit, pour l’agriculture de notre pays, engagez-vous!

Le Salon est une grande famille qui fait sa réunion annuelle mais qui y travaille toute l’année. Une ruche au travail. Un événement de qualité. Un exploit renouvelé d’organisation. Un seul mot d’ordre, rendez-vous en mai. Un espoir partagé, rendez-vous en 2022.”